Skip to content

Quelques considérations économiques – 1/6

Cet article s’inspire largement de considérations rédigées par Simone Wapler, ingénieur et analyste financier, une femme dont j’apprécie le pessimisme intelligent et les mises en garde.

Simone Wapler est ainsi présentée sur Publications Agora : « Simone Wapler porte la double casquette ingénieur/analyste financier, un véritable atout qu’elle a mis au service des lecteurs des Publications Agora pendant de longues années, en tant que rédactrice en chef de La Chronique Agora, de La Stratégie de Simone Wapler ou encore de Crise, Or & Opportunités. Forte d’une expérience forgée au cours de plus de quinze ans consacrés à la recherche et au développement dans le secteur de l’industrie aéronautique, et spécialiste des métaux, des matières premières et du secteur de l’énergie, Simone Wapler propose désormais ses analyses sur une base plus occasionnelle… mais n’a rien perdu de son mordant et de son acuité économique et financière ! »

L’État a fait une grande découverte : pendant le confinement certains – les riches, dira-t-on – ont épargné quelques dizaines de milliards d’euros. Je n’entrerai pas dans le détail comptable afin de ne pas alourdir le présent article. L’État a fait cette découverte par le Conseil d’analyse économique (C.A.E.), l’un des organes de l’énorme organisme étatique. Cette découverte semble avoir mis en appétit le Machin – l’État et le gouvernement de l’heure. Le Machin a faim, toujours faim, toujours plus faim. Il commence à se pourlécher les babines. Tant d’épargne ! L’idée d’aller se servir dans les garde-manger commence à lui venir, stimulé par le plus célèbre des économistes français, Thomas Piketty, une célébrité internationale depuis la parution de son livre (les vitrines de la librairie emblématique de Lisbonne en sont remplies) dont l’épaisseur est comparable à celle de la Bible : « Le capital au XXIe siècle », prêt de mille pages. Cet économiste-fonctionnaire porté aux nues par « Le Monde » notamment (un journal qui survit grâce à des subventions régulières venues de l’impôt), nous parle de patrimoine et d’impôt.

La France est le pays le plus créatif fiscalement parlant. Nous arrivons même à donner des idées à nos voisins. Le problème est que cette créativité tue toutes les autres formes de créativité. L’État éreinte le pays avec sa taxation / subvention, taxation / redistribution.

Mais ce n’est pas tout. Depuis quelques années, je prends note d’une tendance fort désagréable dans laquelle s’est installé l’État, une tendance dont je fais volontiers part à des amis censés me comprendre. L’épargne est dénoncée, l’épargnant est dénoncé ; c’est un avare. L’État qui fourre son nez dans les épargnes comme l’Église fourrait son nez dans les lits invite les Français à dépenser leur épargne, étant entendu que selon le mantra du ministre de l’Économie et des finances, pour ne citer que lui, il faut relancer la croissance par la consommation. C’est presque un mot d’ordre. Celui qui épargne (qui a la chance de pouvoir épargner) ne va pas tarder à être soumis à la vindicte du pouvoir et accusé de contrarier la relance. J’ai de plus en plus le sentiment d’être dans une maison d’aliénés, à moins que la situation soit telle que l’on nous invite à vider nos verres (de champagne ?) avant le naufrage du paquebot, histoire de périr en état d’ivresse, ce qui n’est peut-être nullement désagréable.

Bruno Le Maire semble oublier que l’épargne peut rassurer au moins un peu des individus dans la précarité, pour ne pas dire plus. Il oublie également que l’épargne est un carburant et que sans elle la machine économique ne peut avancer.

Donc l’État qui se mêle de tout (ce qui lui fait négliger ses fonctions régaliennes auxquelles il devrait se limiter ; et ainsi les remplirait-il honorablement), qui se disperse affreusement, nous dit ce que nous devons faire de notre épargne, ce qui est déjà un comble. Qu’une entreprise par le biais du marketing et de la publicité s’efforce ne nous séduire et de nous amener à acheter ses produits ou services, rien de plus normal dans une économie de marché ; mais l’État n’a aucune recommandation à faire aux épargnants ; il se charge de leur soustraire une partie de leur épargne par la fiscalité, il n’a pas à leur dire ce qu’ils doivent faire de ce qu’il daigne leur laisser.

J’ouvre une parenthèse qui touche au style. J’ai toujours apprécié les personnes qui vivent relativement modestement par rapport à ce que leur autorise leur patrimoine. Je ne célèbre pas Balthasar Picsou, l’oncle maternel de Donald Duck, Oncle Picsou (Scrooge McDuck), richissime et avare (personnalité plus complexe qu’il n’y paraît), je célèbre une certaine distanciation par rapport à la consommation. Un entrepreneur peut être riche de son outil de travail et par ailleurs modeste dans son train de vie et ses plaisirs. Il réinvestit ses revenus et ne les dépense pas à tout-va. Cette invitation de Bruno Le Maire à consommer ses économies relève par ailleurs du charlatanisme. Consommez, consommez et l’État s’occupera des investissements…

Un pays ne s’enrichit pas en poussant ses citoyens à consommer. On peut douter des compétences d’un ministre qui promeut une telle niaiserie. On s’enrichit en travaillant et en investissant, pas en dépensant. On peut également hériter ou voler, le vol pouvant se faire selon des modalités extraordinairement diverses. Celui qui épargne parce qu’il juge plus satisfaisant pour lui et la société dans laquelle il vit d’investir plutôt que de péter dans la soie sera-t-il non seulement moqué mais, pire, accusé d’entraver le développement économique ? Ce serait un comble. Nous n’en sommes pas loin.

Il est vrai que les temps changent, comme le chante le grand MC Solaar. Il n’y a pas si longtemps, le choix entre épargne et consommation était une affaire strictement personnelle. On n’aurait pas imaginé qu’un jour un ministre de l’Économie, des Finance et de la Relance – ouf ! – ose même faire une allusion à ce sujet. Il est vrai que les taux d’intérêt étaient fixés par la loi du marché, démocratiquement donc, par un accord entre le prêteur et l’emprunteur. Il est également vrai que le crédit n’était pas créé ex nihilo et qu’il était adossé à de l’épargne, et que les taux d’intérêt étaient libres et variaient en fonction de l’offre et de la demande, autrement dit lorsque l’épargne était rare, les taux d’intérêt étaient élevés et inversement. Les taux d’intérêt étaient un marqueur, en quelque sorte, et agissaient comme un avertissement. Par exemple, une montée des taux d’intérêt signalait une augmentation des risques et les uns comme les autres épargnaient plus encore. L’épargne augmentait donc, les taux d’intérêt baissaient et les investissements productifs augmentaient à leur tour. On repartait pour un nouveau cycle et on dessinait une sinusoïde qui apparaît plutôt calme avec un peu de recul.

Je constate à présent que la démocratie de marché, tout au moins en Europe, tend à disparaître au profit de très hauts fonctionnaires, les banquiers centraux qui ont entre autres prétentions celle de savoir au jour le jour quel taux d’intérêt servir au marché. Je ne sais où nous allons.

Olivier Ypsilantis

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

*