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Des « Je me souviens » motorisés

Écrit pour passer le temps entre Murcia et Madrid, à bord d’un autocar de la compagnie ALSA, puis entre Madrid et Lisbonne, à bord d’un autocar de la compagnie FLIXBUS, le 5 août, avec quelques précisions apportées le lendemain. Considérant la très grande place que tient dans notre mémoire tout ce qui roule (ce qui roule reste le principal marqueur d’une époque donnée), j’ai décidé de m’adonner à cette petite suite qui pourrait connaître une extension considérable.  

 

Je me souviens quand la nuit sur les routes de France les phares étaient jaunes ; et quand ils étaient blancs, on faisait remarquer qu’il s’agissait d’une voiture étrangère. A ce propos, je me souviens (je l’ignorais alors) que les phares jaunes avaient été rendus obligatoires en 1936, sur fond de tension entre la France et l’Allemagne. Ces phares jaunes étaient destinés à mieux identifier l’ennemi en cas d’invasion, l’ennemi dont les phares étaient blancs. Je me souviens que ce n’est qu’à partir du 1er janvier 1993 que les véhicules neufs seront obligatoirement équipés de phares blancs, comme tous ceux des autres États européens.

Je me souviens de l’extraordinaire impression que firent sur moi les phares auxiliaires directionnels de la Citroën DS. Je pouvais vraiment observer leur efficacité lorsque mon père roulait lentement sur la longue allée en L qui menait à la maison des vacances de juillet.

Je me souviens de la Renault Juva 4, je m’en souviens très bien puisque c’est sur cette voiture que le garde-chasse me donna mes premières leçons de conduite. Je devais avoir douze-treize ans et cette voiture (aux multiples versions) était déjà une voiture de collection. Sa production commencée en 1937 s’était arrêtée en 1960.

Je me souviens que le logotype Mercedes-Benz (soit cette étoile à trois branches inscrite dans un cercle) signifie l’excellence sur terre, sur mer et dans les airs.

Je me souviens lorsque je jouais avec les Dinky Toys et les Sodilo de mon cousin. C’était à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Je pourrais à ce propos remplir plusieurs pages de « Je me souviens », il en avait tellement ! Je vais donc me limiter à trois Dinky Toys et trois Solido, soit respectivement : 1. Profileur 100 Richier. 2. Mercedes-Benz Unimog 404 (version militaire). 3. Tracteur Unic Saharien avec ses éléments de pipe-line. 1. Simca Océane, un cabriolet d’un beau vert. 2. Peugeot 403 break. 3. Camionnette Citroën H, un véhicule emblématique de la France d’alors, comme la 2CV Citroën.

A ce propos, je me souviens tout particulièrement de la camionnette Citroën H, en tôle ondulée et généralement grise. Elle circulait partout, dans les villes et les campagnes. Je me souviens qu’elle était très utilisée par la police (peinture noire et blanche) et les commerçants ambulants.

Je me souviens quand en Espagne les camions Pegaso crachaient du noir, ce qui rendait leur nom bien inapproprié et prétentieux. Pégase, le cheval ailé blanc…

Je me souviens, par bien des images, de l’une des silhouettes caractéristiques de la Guerre Civile d’Espagne, le T-26. Je me souviens, également par des images, de l’une des silhouettes caractéristiques des guerres coloniales portugaises et du 25 avril (1974), le Panhard E.B.R. (Engin Blindée de Reconnaissance).

Je me souviens des Usines Citroën de Javel à l’abandon.

Je me souviens des taxis dans « Un témoin dans la ville » d’Édouard Molinaro.

Je me souviens du film de Denys de La Patellière, « Un taxi pour Tobrouk », du véhicule du Long Range Desert Group des F.F.L.

Je me souviens très précisément de certains modèles de Saab et de Volvo par des films d’Ingmar Bergman dont je fus un fan au cours de mes années d’études.

Je me souviens de nombreux modèles de voitures anciennes avec précision car, dans les années 1980, Athènes où j’habitais était un véritable musée à ciel ouvert de la voiture – et je n’exagère pas. On y trouvait même du matériel capturé aux Allemands ou abandonné par eux au cours de leur retraite en 1944, dont des Wolkswagen Kübelwagen et des side-cars BMW R75.

Je me souviens qu’au milieu de certains carrefours, des agents de police en gants blancs réglaient la circulation, perchés dans une sorte de guérite. De fait, à bien y penser, je ne sais si j’en ai vraiment vus ou bien s’il s’agit de souvenirs cinématographiques.

Je me souviens des restaurants Jacques Borel sur les autoroutes. Je ne m’y suis jamais arrêté mais ce nom suffit à me dire toute une époque et une certaine France.

Je me souviens de la campagne publicitaire annonçant l’arrivée des Ronds rouges, soit le lancement d’une nouvelle marque de produits pétroliers : Les Ronds rouges arrivent ! Les Ronds rouges ? L’Empire du Soleil levant ?

Je me souviens de ces autocars avec porte-bagages sur le toit auquel le chauffeur accédait par une petite échelle fixée à l’arrière du véhicule. Mais, une fois encore, en ai-je vraiment vus ou bien s’agit-il de souvenirs cinématographiques ?

Je me souviens de ces calandres qui donnaient aux véhicules une expression humaine. Ainsi la Simca Ariane avait-elle l’air de sourire.

Je me souviens au Portugal de l’UMM (União Metalo-Mecânica), de sa silhouette caractéristique avec son capot tombant, un véhicule décliné dans bien des versions et très présent dans les reportages sur les guerres coloniale menées par le Portugal. Je me souviens que l’histoire de ce véhicule bien portugais commence en France puisque l’UMM a repris la licence de fabrication du Cournil 4×4 – Bernard Cournil, garagiste à Aurillac en Auvergne.

Je me souviens d’Indésirable Désiré, de sa petite voiture jaune décapotée à bord de laquelle il transportait souvent une contrebasse, ce qui lui posait bien des problèmes pour circuler.

Je me souviens de la Citroën CX. A ce propos, je me souviens que le CX représente une valeur qui permet de mesurer la résistance d’une forme face à un fluide.

Je me souviens quand les voitures avaient de beaux noms : Ariane, Floride, Dauphine, Vedette, Trianon, Versailles, Régence, Chambord, Frégate, etc. Je me souviens que nombre de ces voitures avaient un air américain. Elles étaient les Américaines françaises.

A ce propos, je me souviens d’avoir vu « La Belle Américaine » de Robert Dhéry en compagnie de la grand-mère, dans un cinéma des Champs-Élysées. La Belle Américaine, soit une Oldsmobile 98 de 1959 semble-t-il.

Je ne me souviens plus sur quelle voiture j’ai passé mon permis de conduire. Mais je me souviens que mon moniteur d’auto-école était un Breton, ancien marin pêcheur.

Je me souviens que dans « Tentative d’épuisement d’un lieu parisien » ne cessent de passer : autobus, autocars, voitures, taxis, fourgonnettes, bref, tout ce qui roule ou presque, un exercice mené par Georges Perec, place Saint-Sulpice (il s’était installé au café de la Mairie), en octobre 1974.

Je me souviens quand des loulous crânaient à bord de Simca 1000 Rallye ou de R8 Gordini, cette dernière généralement bleue et ornée de deux lignes blanches. Je me souviens du boucan qu’elles faisaient.

Je me souviens quand les voitures avaient des formes plus saillantes, des chromes qui soulignaient leurs lignes et, me semble-t-il, des phares toujours ronds.

Je me souviens quand dans certains pays il n’y avait qu’un modèle de voiture, ou presque. Ainsi je me souviens de la Seiscientos (Seat 600) en Espagne et de la Dacia 1300 en Roumanie, une sœur jumelle de la Renault 12.

Je me souviens quand les poids lourds avaient un capot saillant, comme le camion Berliet TBO dont j’avais un modèle réduit Solido, soit le lance-fusée tactique, avec fusée creuse en plastique, démontable en deux parties, rouge pour la tête et blanche pour le reste.

Et puisqu’il est question de camions, je me souviens que dans « Le salaire de la peur » de Henri-Georges Clouzot, le camion que conduisent Yves Montand et Charles Vanel est un Corbitt 50SD6 de la Deuxième Guerre mondiale.

Je me souviens qu’enfant j’aimais m’accouder sur la dunette arrière de la voiture pour regarder la route se dévider.

Je me souviens quand les plaques minéralogiques permettaient en France d’identifier un département, avec le ou les deux chiffres en fin de numéro d’immatriculation. En Espagne, une ou deux lettres en début de numéro d’immatriculation permettaient d’identifier une province ou une ville autonome. Je me souviens quand les plaques minéralogiques portugaises étaient noires avec des lettres et des chiffres blancs et en relief.

Je me souviens d’une débauche de voitures dans « Bullitt » (1968) de Peter Yates avec Steve McQueen et sa Ford Mustang GT500 d’un beau vert bronze. Je me souviens en particulier de cette scène devenue culte, la course-poursuite dans les rues de San Francisco.

Je me souviens…

Olivier Ypsilantis

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