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Quelques notes, été 2022 – 3/7

 

(Les communistes dans la Guerre Civile d’Espagne / Les Brigades Internationales / Zvi Elpeleg)

Peu avant la Guerre Civile d’Espagne les partis de gauche sont plongés dans la discorde, à commencer par le P.S.O.E. scindé en factions prises dans des luttes intestines exacerbées par son dirigeant, Francisco Largo Caballero, leader de l’aile gauche du P.S.O.E. et dont l’amitié avec les communistes avait conduit à la fusion des mouvements de jeunesse socialiste et communiste dans les Juventudes Socialistas Unificadas (J.S.U.), une fusion durement dénoncée par la faction centriste du P.S.O.E. dirigée par Indalecio Prieto qui s’efforce de promouvoir les modérés au sein du Frente Popular, tandis que Francisco Largo Caballero (plutôt modéré avant 1934) promeut la dictature du prolétariat. A ces dissentions s’ajoute la rivalité entre les deux grands syndicats : l’U.G.T. dirigée par Francisco Largo Caballero et la C.N.T. anarcho-syndicaliste inspirée par la F.A.I. Les anarcho-syndicalistes qui s’étaient défiés de Francisco Largo Caballero considèrent avec hostilité son virage idéologique et sa volonté de fusion des organisations syndicales. En effet, certains le soupçonnent de vouloir absorber la C.N.T.

En juillet 1936, les communistes ne sont que quarante mille et ils accueillent plutôt favorablement le virage idéologique de Francisco Largo Caballero, ce qui ne les empêchent pas de modérer ses ardeurs, une attitude qu’explique le mot d’ordre de Staline qui s’efforce d’éviter l’isolement de l’U.R.S.S. face à une menace allemande grandissante. Cette politique explique le soutien apporté par le Komintern à partir d’août 1935 à la ligne modérée du Frente Popular.

 

 

Lorsque la Guerre Civile d’Espagne éclate, les garnisons se rendent pour la plupart et les forces de l’ordre public se désagrègent. Le cabinet de José Giral, un bourgeois modéré, n’a plus de pouvoir effectif. Le pouvoir passe aux mains d’innombrables comités d’ouvriers qui organisent des unités de police et des milices, des tribunaux et des prisons. Dans certaines provinces, les syndicats font la loi. Les classes moyennes, tant rurales qu’urbaines, sont terrifiées et désemparées tandis que les responsables des partis républicains tombent dans l’apathie lorsqu’ils ne fuient pas. Ces classes moyennes ont tendance à se raccrocher au Parti communiste qui obéissant à la ligne modérée imposée par le Komintern se pose en défenseur de leurs intérêts. La lecture de la presse de l’époque est de ce point de vue éloquente. Le Parti communiste (dirigé durant toute la Guerre Civile d’Espagne par le Komintern) définit les changements politiques et sociaux de l’Espagne républicaine après juillet 1936 comme « una revolución democrática burguesa », soit une entreprise destinée à rassurer tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Espagne.

Staline doit jouer en finesse. Il sait qu’aussi longtemps que les démocraties reconnaissent le gouvernement légal, soit la République, cette dernière pourra justifier son droit à recevoir des armes de l’étranger. Il sait également que si la France et le Royaume-Uni abandonnent leur politique de non-intervention, la Guerre Civile espagnole pourrait devenir un conflit européen, lui donnant ainsi la possibilité de se présenter en arbitre. C’est pourquoi Manuel Azaña doit rester président de la République et que le gouvernement (dirigé par Francisco Largo Caballero, par ailleurs ministre de la Guerre) doit s’assurer de son soutien afin que l’Espagne ne soit pas considérée comme une république communiste.

Ainsi, sous des apparences démocratiques, Staline s’emploie à prendre le contrôle des principaux mécanismes de l’État, en commençant par infiltrer le gouvernement, remplacer les unités de police révolutionnaires et les milices par une police d’État et une armée régulière. Les communistes veulent par ailleurs renforcer le contrôle de l’État sur les ports et les frontières, en finir avec la collectivisation des terres, les comités ouvriers dans les entreprises collectivisées et, enfin, nationaliser les industries de base, les nationalisations comme les décollectivisations étant envisagées comme un moyen pour le gouvernement de s’en prendre aux principaux points d’appui des pouvoirs révolutionnaires. Une fois encore, il s’agit pour les communistes de s’allier les classes moyennes des villes et des campagnes.

 

L’U.R.S.S.ne peut se permettre d’intervenir directement en Espagne sous peine de se retrouver isolée sur la scène internationale, ce qu’elle ne peut se permettre. Aussi va-t-elle agir en sous-main. Le 16 octobre 1936, André Marty, représentant français du Komintern, arrive à Albacete afin d’organiser le camp d’entraînement des Brigades Internationales. Le 7 novembre, des unités des Brigades Internationales équipées d’armes soviétiques participent à la défense de Madrid, une défense grandement célébrée tant en Espagne qu’à l’étranger avec l’accent mis sur l’héroïsme de ces unités. En janvier 1937, les Brigades Internationales atteignent leurs effectifs maximums, soit environ vingt mille hommes. Seule une moitié de ses membres est plus ou moins communiste ; mais tout le commandement l’est, sans exception. Les Brigades Internationales sont employées comme troupes de choc et ses morts au combat dépassent 25% de ses effectifs.

Les Brigades Internationales servent avant tout de couverture aux conseillers soviétiques, peu nombreux, des spécialistes de l’artillerie et de l’aviation – ils sont de quatre à cinq cents. Tous portent des noms de guerre espagnols et ils maintiendront leur nationalité d’origine dans un secret presque total. Ces conseillers soviétiques infiltrent massivement le ministère de la Guerre par le système des conseillers politiques, ce qui permet aux Soviétiques de peser sur les décisions politiques de la République espagnole d’une manière bien plus incisive que ne le font l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste sur les décisions politiques de Franco.

A la mi-décembre 1936, il y a en Espagne cinq mille Allemands et trois mille Italiens, ainsi que dix-huit mille hommes des Brigades Internationales. Mussolini va très vite rééquilibrer ce déséquilibre. Fin janvier 1937, vingt-huit mille sept cents soldats Italiens ont débarqué en Espagne.

La politique soviétique en Espagne ne tarde pas à se montrer contre-productive pour les Soviétiques. Certes, les conseillers soviétiques envoyés dans le pays (ils sont de quatre cents à cinq cents, redisons-le) exercent une grande influence, notamment grâce aux envois d’armes. Mais les manœuvres de la G.P.U. provoquent sans tarder des désertions chez les socialistes, les socio-démocrates, les anarchistes et les trotskystes. De nombreux volontaires des Brigades Internationales refusent le stalinisme et bien avant la signature du pacte germano-soviétique en août 1939, Staline qui par ailleurs a pris le parti comme nous l’avons dit de soutenir les conservateurs des classes moyennes pour des raisons géopolitiques. Mussolini est le seul des trois dictateurs impliqués dans cette guerre à s’y impliquer aussi massivement. Et Staline sera le premier de ces dictateurs à quitter la scène espagnole.

 

Les Juifs ont gardé un lien constant avec ce qui avait été leur patrie ancestrale dont ils avaient été chassés par les Romains. Ils ont gardé un lien constant avec elle pendant vingt siècles, avec des hauts et des bas. Le sionisme n’est pas une entreprise machiavélique. Avant 1948, les terres ont été achetées par des immigrants juifs, soit avec leur argent, soit avec l’aide d’associations juives, des terres achetées à des propriétaires souvent absents et qui demandaient le prix fort.

Les dirigeants sionistes pensaient en toute bonne foi que l’injection de capitaux et leur travail élèveraient le niveau de vie de tous (et pas seulement des Juifs) et qu’ainsi ils contribueraient à la concorde entre Juifs et Arabes. Par ailleurs, nombre de Juifs ne se rendaient pas en Palestine par idéologie sioniste mais tout simplement parce qu’ils étaient menacés et qu’ils ne trouvaient nulle part où aller. Des Juifs ont même émigré en Palestine alors qu’ils ignoraient jusqu’au mot « sionisme », comme les parents de Zvi Elpeleg ainsi qu’il le rapporte. D’autres immigrés juifs en Palestine étaient même antisionistes.

Les fondateurs du mouvement sioniste étaient des Juifs assimilés et appartenaient aux élites de leur pays d’origine. Ils pressentaient que les Juifs ne seraient jamais vraiment à l’abri de l’antisémitisme sous toutes ses formes. C’est aussi pourquoi le sionisme reste actuel.

Les sionistes étaient convaincus que les Arabes formaient une même nation, des rivages de l’Atlantique au golfe Persique – également appelé golfe Arabique ou golfe Arabo-persique. Alors pourquoi ne pas fonder un minuscule État juif ? Il faut voir ce qu’était la zone attribuée aux Juifs avant la guerre israélo-arabe de 1948-1949, alors que le monde arabe occupait treize millions de kilomètres carrés. Mais il fallut se rendre à l’évidence : les Arabes ne constituaient pas un peuple mais des peuples parmi lesquels les Palestiniens qui revendiquaient leur particularité. Faut-il en conclure que le peuple palestinien doit bénéficier du droit à l’autodétermination et se constituer en un État souverain aux côtés d’Israël ? La déclaration Balfour s’est efforcée de favoriser l’émergence d’un Foyer National Juif sans indisposer les non-Juifs de Palestine, ce qui explique en partie la relation de Mohammed Amin alHusseini avec certains responsables britanniques.

Quelques repères biographiques concernant Zvi Elpeleg (1926-2015). Né en Pologne. Sa famille s’installe en Palestine en 1934, près de Jaffa. Travaille au Dayan Institute (Tel Aviv University). Sur les conseils de David Ben Bourion, il change son nom qui passe de Elphlang à Elpeleg. Au milieu des années 1950, il est gouverneur militaire du Triangle (ou Little Triangle), soit des villes et des villages arabes adjacents à la Green Line, dans la partie Est de la plaine de Sharon. De 1956 à 1957, il est gouverneur militaire de Gaza. En 1967, il devient le premier gouverneur militaire de la West Bank. En 1973, il est gouverneur militaire dans la région de Fayid en Égypte puis au Liban-Sud en 1982. Il est ambassadeur d’Israël en Turquie de 1995 à 1997. Il est surtout connu pour être l’auteur d’une biographie de référence sur Mohammed Amin alHusseini intitulée « The Grand Mufti ». Lire le très intéressant dialogue Ibrahim Souss / Zvi Elpeleg, « Dialogue entre Israël et la Palestine, avec la participation d’Éric Rouleau » (Plon, 1993)

(à suivre)

Olivier Ypsilantis

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