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L’État, cette prolifération cancéreuse

 

L’État prend prétexte de tout pour s’étendre. Il veut être partout et, de ce fait, il n’est pas là (ou pas assez là) où l’on est en droit de l’attendre. Et je pourrais en revenir aux pouvoirs régaliens, exclusivité de l’État, étant entendu qu’il n’est pas le bienvenu hors du champ déjà considérable que recouvre cette désignation : pouvoirs régaliens.  En 1846, Frédéric Bastiat notait dans « A MM. les électeurs de l’arrondissement de Saint-Sever » : « Le pouvoir, vaste corps organisé et vivant, tend naturellement à s’agrandir. Il se trouve à l’étroit dans sa mission de surveillance. Or, il n’y a pas pour lui d’agrandissements possibles en dehors d’empiétements successifs sur le domaine des facultés individuelles. ». Ci-joint l’intégralité de ce texte :

http://bastiat.org/fr/pdfe1846.html

« Le pouvoir, vaste corps organisé et vivant, tend naturellement à s’agrandir. Il se trouve à l’étroit dans sa mission de surveillance. Or, il n’y a pas pour lui d’agrandissements possibles en dehors d’empiétements successifs sur le domaine des facultés individuelles. Extension du pouvoir, cela signifie usurpation de quelque mode d’activité privée, transgression de la limite que je posais tout à l’heure entre ce qui est et ce qui n’est pas son attribution essentielle. Le pouvoir sort de sa mission quand, par exemple, il impose une forme de culte à nos consciences, une méthode d’enseignement à notre esprit, une direction à notre travail ou à nos capitaux, une impulsion envahissante à nos relations internationales, etc. ». Notons par ailleurs que l’État ne fait marche arrière que sous la contrainte et qu’il s’emploie à regagner le terrain perdu avec un entêtement remarquable.

Les citoyens qui espèrent échapper au maillage de l’économie par l’État ne peuvent que vouloir quitter la France. Les mailles sont de plus en plus fines et l’État est bien décidé à ne laisser personne échapper au système, un système qui est présenté comme le parangon de la Justice, simplement parce que la Loi est de son côté. Ceux qui bénéficient du système déclarent tout naturellement qu’il est juste – sans jamais oser avouer qu’il est juste parce qu’ils en bénéficient… Et puisque l’État est censé représenter tout le monde, ces profiteurs à des degrés divers peuvent cacher leur volonté exclusive d’en profiter derrière le bien commun… Le bien commun, ce paravent derrière lequel ils sont nombreux à manœuvrer et à des degrés divers.

C’est tout à fait déprimant, d’autant plus que (ainsi que l’écrivait Frédéric Bastiat en 1850, dans « Services privés, service public ») : « Le déplacement de la responsabilité a faussé l’opinion populaire. Le peuple, accoutumé à tout attendre de l’État, ne l’accuse pas de trop faire, mais de ne pas faire assez. Il le renverse et le remplace par un autre, auquel il ne dit pas : Faites moins, mais : Faites plus ; et c’est ainsi que l’abîme se creuse et se creuse encore ». Cette considération mérite toute notre attention. Elle décrit le rapport du Français à l’État, un rapport qui ainsi que je le répète relève volontiers de la psychanalyse.

L’actuelle pandémie va faire augmenter le poids de la dette et du déficit, de l’État donc, de la fiscalité, avec réduction de la liberté économique. La spoliation deviendra toujours plus légale.

Il est impératif de diminuer les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires ; et il faut le faire simultanément étant entendu que l’État ne protège pas le « peuple » (cette chose indéfinissable dans laquelle chacun place ce qui lui convient), il se protège lui-même, il est occupé par son propre appétit et par son menu. Il est vrai qu’il laisse à l’occasion tomber des miettes autours de lui, volontairement ou involontairement. L’État est un appareil (digestif) occupé par lui-même, exclusivement. Il est temps de le limiter à ses fonctions régaliennes, et déjà afin qu’il les remplisse pleinement en commençant par cesser de mettre son nez partout, notamment dans l’économie, un domaine auquel il n’entend rien.

L’État a organisé un monopole public dans le domaine de la protection sociale. Son pouvoir est de ce point de vue exorbitant. Tous ceux qui tentent d’échapper au système qu’il a mis au point sont d’une manière ou d’une autre pénalisés. Or, tout individu est en droit de prendre ses responsabilités, à ses risques et périls. Et s’il ne demande rien à l’État, l’État n’a rien à lui demander. Mais il n’en va pas ainsi. L’État veut étendre sa protection – sa domination – sur tous. L’individualisme est jugé néfaste, répréhensible. Il est vrai qu’un certain individualisme (celui qui met en avant l’hédonisme, le narcissisme, l’égoïsme, etc.) peut être jugé négativement ; mais lorsque l’individualisme est esprit d’indépendance, acceptation du risque et goût du risque, responsabilité, doit-on le traquer ? Il faut réhabiliter l’individualisme et le libéralisme et cesser de ne présenter que la face sombre de ces concepts, de ces philosophies. L’individualiste n’est pas nécessairement ce petit bourgeois narcissique. L’individualisme se situe parmi ces exigences définies par Friedrich Nietzsche, Max Stirner, Oscar Wilde, Lysander Spooner, Robert Nozick, Murray Rothbard, Ralph Waldo Emerson ou Henry David Thoreau, pour ne citer qu’eux.

Un individualisme de qualité sait naître du libéralisme, le libéralisme qui canalise la force vitale de l’individualisme et lui permet de s’insérer harmonieusement dans la société. Le libéralisme établit juridiquement l’exercice de la liberté individuelle par le Droit qui impose des droits à l’État chargé de la protéger. Par ailleurs, le libéralisme institutionnalise la responsabilité individuelle en société, condition d’une pleine jouissance de cette liberté. L’individualisme tel que l’envisage le libéralisme est pétri de responsabilité qui va dans le sens de sa liberté et encourage les relations harmonieuses.

Le libéralisme s’ancre dans l’individuel ; mais l’individuel conscient de ses devoirs au moins autant que de ses droits – en tant qu’individu. Le libéralisme suppose l’existence a priori de l’individu (notion fragile en regard de l’histoire mondiale), son soubassement n’est autre que l’individualisme méthodologique qui envisage les phénomènes sociaux comme le résultat (complexe) des interactions multiples entre individus.

L’État n’est pas la seule menace potentielle contre la liberté individuelle, contrairement à ce que jugent trop de libéraux. L’État peut défendre l’individu contre l’emprise de groupes, l’enfermement communautarisme, l’enfermement grégaire de la société primitive ainsi que les ont circonscrits et dénoncés des penseurs que je cite volontiers tels Friedrich Hayek, Karl Popper et Ayn Rand. Je pourrais à ce propos en revenir aux propositions de Walter Lippmann, auteur de pages passionnantes sur l’État au service de la concurrence, des réflexions qui m’ont permis de fluidifier mon anti-étatisme et de lui proposer un axe de réflexion que j’avais négligé.

Le libéral est en France considéré comme une bête fauve, un individu sans scrupules, sans respect pour la veuve et l’orphelin. Dans les médias de masse, il est de bon ton de se présenter comme anti-libéral à des degrés divers. Le monde dans son état actuel suscite bien des inquiétudes et des critiques, certaines fécondes. Mais si le monde va (très) mal (ou pas aussi bien qu’on aimerait) est-ce la faute au libéralisme ? Le monde irait-il un peu mieux voire beaucoup mieux si le libéralisme était encagé et dompté ? Mais tout d’abord, vivons-nous dans un monde vraiment libéral ? Non ! Les États les plus démocratiques disposent d’un pouvoir de coercition et de contrôle qui reste formidable. Leur pouvoir ne cesse d’augmenter puisque les impôts ne cessent d’augmenter. Dans un État minimal, les impôts seraient inférieurs à 10 %, or, à présent, dans un pays comme la France, l’État siphonne par le biais des prélèvements obligatoires près de la moitié de la richesse nationale. Et avec la pandémie, l’État va accentuer son poids, étant entendu que l’emprunt et la dette sont de l’impôt en devenir. Le vrai libéralisme n’existe nulle part et je doute que le monde irait mieux si les États avaient un pouvoir de contrôle absolu et traquaient toute trace de libéralisme pour le bonheur de tous. Le bonheur ne serait que pour les membres de l’appareil d’État – les apparatchiks.

Le libéralisme a entre autres qualités celle d’accepter la critique, de laisser publier des écrits qui le condamnent. Le capitalisme d’État, l’une des formes de gouvernement parmi les plus opposées au libéralisme, n’a fait que paupériser et navrer les populations. Le libéralisme n’est pas une autorisation donnée aux ambitieux de pousser de côté voire d’écraser les autres. Le libéralisme a créé bien des richesses et, surtout, des richesses qui profitent au plus grand nombre. Il ne s’agit bien sûr pas de s’installer dans la béatitude mais je juge que le libéralisme est le meilleur (ou tout au moins le moins mauvais) des systèmes et qu’il n’est pas responsable de tous les maux dont on l’accuse. Certes, il convient de le corriger sans trêve, par petites touches (où je pourrais en revenir à Karl Popper) dictées par l’observation la plus directe, loin des bureaux centraux de certaines idéologies et des lévitations de certains intellectuels.

Dans le mot libéralisme, il y le mot liberté. Certes, il ne s’agit pas de la liberté de faire n’importe quoi et de se comporter envers les autres comme un gamin capricieux. Le libéral doit être le plus responsable des hommes, un homme préparé, éduqué, capable de se poser des règles strictes, des règles morales. Car sans morale, le libéralisme se caricature lui-même et mérite d’être vilipendé.

Le mot libéralisme a été considéré comme franchement injurieux dans les médias français. Être traité de « libéraliste » équivalait à une condamnation à mort, intellectuellement tout au moins. Aujourd’hui, et considérant les « éclatants » succès du socialisme, cette accusation semble avoir un peu perdu de sa virulence. Mais il s’agit de réactiver la dureté de la condamnation ; on en est donc venu à accuser de « néo-libéralisme » ou d’« ultra-libéralisme » celui qui n’a pas l’heur de plaire.

Le libéralisme en économie n’est que la mise en œuvre des principes du libéralisme philosophique et non un passe-droit pour asservir voire massacrer au nom de l’enrichissement effréné.

Olivier Ypsilantis

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