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Les guerres de Vendée

 

« Il en va de la conduite de la guerre comme du jeu d’échecs : tout repose sur le coup d’œil du chef, sur ses facultés d’abstraction. Mais imaginons que sur l’échiquier se dressent des haies et des obstacles divers qui empêchent de faire mouvoir les pions. Le raisonnement est mis en échec par la topographie. Le général concentre bien en un lieu donné l’ensemble de ses forces pour anéantir l’ennemi, mais l’ennemi n’est pas là où on l’espérait. Il est caché, embusqué, indélogeable car il a pour lui la connaissance de l’endroit à laquelle aucune intelligence se saurait suppléer.

Telle fut la guerre de Vendée, changeante selon les endroits, toujours dangereuse pour les Bleus, ignorants du pays.

L’erreur des Vendéens fut de vouloir se constituer en armée quand la bande était si redoutable, de quitter leurs villages et d’accepter le combat en rase campagne quand la guerre de rues ou de haies leur était si favorable.

Pour comprendre la lutte de ces paysans si méprisés par Paris et que, pour vaincre, il fallut exterminer avec leurs familles après avoir décimé leur cheptel et brûlé leurs maisons, la géographie est indispensable. » Jean Tulard

 

L’année 1789 s’annonce plutôt bien avec la convocation des États Généraux (le 5 mai 1789, à Versailles) et les cahiers de doléances. La vie politique dans la capitale (y compris le découpage en départements) laisse toutefois le pays relativement indifférent. Les réformes ne commencent à vraiment provoquer une réaction que lorsque l’Assemblée Constituante se met en tête d’exercer un contrôle total sur l’Église. Nationalisation des biens du clergé le 2 novembre 1789, suppression des ordres religieux le 13 février 1790, institution de la Constitution civile du clergé le 12 juillet 1790, soit un plan de fonctionnarisation du clergé. Dans la future Vendée Militaire, le refus du serment est de 80 % à 100 %. La situation économique du pays est grave et l’arrivée de prêtres assermentés (qui ont prêté serment à ladite Constitution) met le feu aux poudres. L’année 1791 voit des affrontements sporadiques. Les lieux de pèlerinage sont saccagés et les processions de pèlerins dispersées. Les prêtres réfractaires (qui ont refusé de prêter serment à ladite Constitution) sont poursuivis, emprisonnés et, enfin, déportés (loi du 26 mai 1792). La tension monte dans le Bocage. La première insurrection a lieu le 19 août 1792 dans le Bocage Bressuirais (département des Deux-Sèvres). Le 22 août, ce qui est aujourd’hui Mauléon (Châtillon-sur-Sèvres) tombe aux mains de paysans qui partent aussitôt à la conquête de Bressuire. La ville résiste. Le 24 août, les paysans insurgés sont écrasés et les troupes de la République rentrent triomphalement dans la ville avec, en cocarde, les oreilles de leurs victimes.

A Paris, le gouvernement révolutionnaire qui ne représente qu’une minorité (les 735 membres de la Convention ne sont élus que par un dixième des électeurs, soit 730 000 votants), et en aucun cas par le peuple souverain, déclare la guerre à l’Europe afin d’« exporter la Révolution ». La Convention qui a besoin de soldats, de beaucoup de soldats, décrète la levée de trois cent mille hommes le 24 février 1793. C’en est trop pour les paysans du Bocage.

 

 

Début mars 1793, plus de six cents paroisses des Mauges et du Bocage se révoltent. Les paysans insurgés n’ont aucune expérience militaire et ils se choisissent des chefs : Bonchamps, d’Elbée, La Rochejaquelein, Charette, Cathelineau, Stofflet, Lescure, soit des hommes du peuple et des aristocrates. Au cours des premiers mois de 1793, la Vendée est sur l’offensive, victorieuse, avec la prise de Thouars (5 mai) puis celle de Fontenay-le-Comte (25 mai) et Saumur (9 juin). L’échec contre Nantes (29 juin) et la mort de Cathelineau (il avait été nommé généralissime le 12 juin après la victoire de Saumur) marquent un tournant : ainsi passe-t-on de la première à la deuxième guerre de Vendée – il y en eut cinq selon la classification de Henri de Malleray.

Menacée tant aux frontières qu’à l’intérieur du pays, la Convention adopte entre autres mesures un plan de destruction total et méthodique, légalisant ainsi un « génocide d’État ». A Torfou, le 19 septembre 1793, les Vendéens écrasent les troupes de Kléber. Mais, défaits à la bataille de Cholet, le 17 octobre, les Vendéens traversent la Loire à Saint-Florent-le-Vieil. Le 23 décembre prend fin à Savenay la Virée de Galerne qui avait commencé au lendemain de la défaite de Cholet, le 18 octobre. La Vendée agonise. La Virée de Galerne : un vaste mouvement destiné à rallier les insurgés chouans et à prendre un port afin de recevoir des secours d’Angleterre. Durant cette opération, les Vendéens remportent des victoires mais finissent par être vaincus au Mans et à Savenay.

Le 23 décembre 1793, la première guerre de Vendée s’achève à Savenay. A Nantes, Carrier poursuit ses massacres, notamment par les noyades dans la Loire. Turreau met en mouvement le 21 janvier 1794 ses « colonnes infernales » qui doivent exterminer tout ce qui est vendéen, y compris les femmes et les enfants. Stofflet réorganise l’armée d’Anjou et Charette combat dans le Marais. Cette guérilla inquiète la République. Fin 1794 vient le temps des concessions et à la Convention des députés de l’Ouest préconisent l’amnistie.

1795. Charette négocie le traité de La Jaunaye en février et Stofflet pactise avec Hoche à Saint-Florent-le-Vieil en mai. Mais la mort de Louis XVII rompt ce traité et annonce le retour des hostilités. Les émigrés débarquent à Quiberon, soutenus par les Chouans. C’est un échec. Le comte d’Artois (futur Charles X) débarque à l’île d’Yeu, soutenu par les Anglais ; mais il ne peut prendre pied sur le continent et rembarque pour l’Angleterre. Le Directoire succède à la Convention.

1796. Fin janvier, Stofflet reprend les armes sur ordre du comte d’Artois ; mais les armées vendéennes ne sont plus et seul un petit groupe de fidèles entoure celui qui s’était rendu maître de la Vendée angevine – de la mi-1794 au début 1796. Stofflet ne tarde pas à être trahi puis fusillé, fin février 1796. Avec sa mort prend fin la deuxième guerre de Vendée. En Bretagne, en Normandie, dans le Maine et le Haut-Anjou, la chouannerie est très active. La guerre se déplace au nord de la Loire. Dans la Vendée Militaire le calme est relatif.

1799-1801. Troisième guerre de Vendée. Elle est activée par le grand soulèvement du pays chouan conduit par Charles Marie de Beaumont d’Autichamp qui finira par se soumettre en janvier 1800. Bonaparte ayant compris le caractère religieux de ces insurrections signe en 1801 le Concordat et reconnaît la liberté de culte en France.

1815. Quatrième guerre de Vendée activée par le retour de Napoléon de l’île d’Elbe et le départ de Louis XVIII. Cette guerre est menée par des héritiers des grands chefs de 1793 et des survivants de la première guerre de Vendée. Cette quatrième guerre de Vendée dure jusqu’à la défaite de Napoléon et le retour de Louis XVIII.

1830-1832. L’avènement de Louis-Philippe (1830) annonce de nouvelles violences. La Vendée est occupée. La duchesse de Berry, mère du prétendant au trône, tente de soulever la Vendée en mai 1832 afin de restaurer la monarchie légitime. En dépit de quelques succès, cette insurrection mal organisée échoue et la duchesse de Berry est faite prisonnière à Nantes, le 6 novembre 1832.

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L’utilisation du mot « génocide » est particulièrement délicate. Ce mot est aujourd’hui employé à tort et à travers au point qu’il relève souvent de la propagande. Ainsi, et ce n’est qu’un exemple, bien des individus et des organisations peu scrupuleux n’hésitent pas à déclarer que les Israéliens organisent un génocide du peuple palestinien (?!) et la concurrence victimaire s’active à fond.

Le mot « génocide » a été élaboré en 1944 par Raphaël Lemkin, un Juif polonais émigré aux États-Unis, afin de désigner ce qui est aujourd’hui généralement connu sous le nom de « Shoah ». Raphaël Lemkin a élaboré ce mot à partir du grec génos (γένος), populus en latin. Le crime contre l’humanité est ainsi défini à Nuremberg : « L’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain contre une population civile pour des motifs politiques, raciaux ou religieux… » D’après les exemples que nous donne l’histoire (voir en particulier le génocide des Arméniens et celui des Juifs), le terme génocide peut être défini comme : l’extermination planifiée par le pouvoir politique d’une population sur le critère de son appartenance nationale, ethnique, raciale ou religieuse, avec mise en œuvre de massacres organisés, de mesures destinées à entraver les naissances, du transfert forcé d’enfants vers un autre groupe, etc. Génocide : une extermination / méthodique et planifiée / au sein d’un même pays / sur le critère d’une appartenance nationale, ethnique, raciale ou religieuse. Précisons ce dernier point : le génocide est activé par une idéologie qui repose sur la volonté d’un homme, d’un parti, d’un courant philosophique. La finalité : créer un modèle d’homme nouveau, une race supérieure, une société régénérée. La Vendée rentre dans ce cadre. La Révolution française est idéologique, ce qui de ce point de vue constitue une première. Le système mis en place en Vendée est méthodique, avec quadrillage de la région, incendies, massacres de masse et famine organisée. L’utilisation de poisons et de gaz est même envisagée mais ne peut être menée à bien pour des raisons techniques. Les pires horreurs sont commises et les responsables militaires en rendent compte consciencieusement, sans rien en cacher puisqu’ils sont convaincus de lutter pour la bonne cause. Leurs rapports ont été conservés, ils sont terrifiants.

 

 

Le concept de génocide tel que l’a défini Raphaël Lemkin n’existait pas au temps des guerres de Vendée. Mais ce concept est un concept juridique rétroactif. Il a été appliqué au cas arménien. Il y a bien eu et il y a encore une volonté, à présent plus implicite qu’explicite, de taire l’histoire de la Vendée. Et celui qui s’intéresse à la question et ne trouve pas la République si belle et les Lumières si lumineuses est volontiers suspecté – voire accusé – d’être un bigot, un fanatique, un réac, un facho et j’en passe. Antoine Merlin (dit Merlin de Thionville) écrit : « Il faut ensevelir dans l’oubli cette malheureuse action, les brigands n’ont pas le temps d’écrire, de faire des journaux. Cela s’oublie avec le temps ». Il oubliait les nombreux rapports des responsables militaires républicains, des rapports consciencieux qui aujourd’hui témoignent de multiples atrocités. La République qui a somptueusement célébré le bicentenaire de la Révolution française en 1989 n’a pas eu un geste envers la Vendée, en 1993.

Les hébertistes exercent une grande influence dans le Comité de salut public et ils élaborent en Vendée une politique d’extermination. Citons ce passage du discours de Barère prononcé à la tribune de la Convention le 26 juillet 1793 : « Le Comité de salut public a préparé des mesures qui tendent à exterminer cette race rebelle, à faire disparaître leurs repaires, à incendier leurs forêts, à couper leurs récoltes. C’est dans les plaies gangrénantes que la médecine porte le fer et le feu, c’est à Mortagne, à Cholet, à Chemillé que la médecine politique doit employer les mêmes moyens et les mêmes remèdes : c’est faire le bien que d’extirper le mal ; c’est être bienfaisant que de punir les révoltés… » Les Républicains, tant les politiques que les militaires, sont très bavards. Ils ont laissé pour la postérité de multiples traces d’un projet et d’une entreprise génocidaires.

Le 1er août 1793, la Convention décrète la destruction matérielle de la Vendée insurgée et le 16 août l’application de cette décision est annoncée. Cette politique est motivée par trois raisons : une raison stratégique : empêcher toute jonction entre les insurgés et l’Angleterre ; une raison politique : faire un exemple et décourager tout ce qui pourrait faire obstacle à la Révolution ; une raison idéologique : « régénérer » par l’idéal révolutionnaire et, à cet effet, la Vendée est un terrain d’expérimentation pour l’émergence de l’« homme nouveau ». On commence par effacer la mémoire de la Vendée qui est rebaptisée « Vengé » sur proposition de Merlin de Thionville. Le plan s’amplifie fin 1793 / début 1794. Il ne s’agit plus seulement d’en finir avec les hommes mais avec toute la population et de tout détruire. Turreau organise sur le terrain la destruction et le massacre suivant les ordres de la Convention et du Comité de salut public. Il engage deux armées de six divisions chacune, chaque division s’articulant en deux colonnes, ce qui fait un total de vingt-quatre colonnes qui progressent dans l’espace insurgé de la périphérie vers le centre. Pillage puis destruction, massacre sans distinction de la « race des Vendéens ». Au cours de la première moitié de l’année 1794, ces colonnes dites « infernales » passent et repassent dans la Vendée militaire afin de s’assurer de tout massacrer et de tout détruire. Ce constat permet d’appliquer au cas vendéen la définition de génocide. La 1ère République a connu une dérive totalitaire et est responsable d’un crime contre l’humanité. Il ne s’agit en aucun cas d’une simple guerre civile.

Ci-joint, une proposition de loi visant à la reconnaissance des crimes commis contre la population vendéenne en 1793-1796 et annulant les lois en exécution desquelles ils ont été commis. Lisez-la attentivement :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b0646_proposition-loi.pdf

 

Olivier Ypsilantis

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