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Brexit, le Royaume-Uni gagnant

 

J’ai écrit le texte qui suit en décembre en 2020, je n’y apporterais aujourd’hui aucune rectification.

Une fois l’accord sur le Brexit atteint, les médias français ont conclu par la voix de Michel Barnier : « Il n’y a pas de gagnant dans le Brexit », et la voix officielle a répété que le Brexit est un accord perdant/perdant, lose/lose (ce qui revient à win/win, match nul), une habileté lexicale pour cacher la défaite de l’Europe, France en tête. Il n’y a pas si longtemps, ils étaient si nombreux parmi les esprits distingués qui encombrent les médias de l’Hexagone à prédire le pire pour le Royaume-Uni s’il se laissait aller à donner raison aux Brexiters, ces culs-terreux et ces populistes hostiles au on-se-tient-chaud-serrés-les-uns-contre-les-autres. Moi, « je me marre » pour reprendre une expression qu’affectionnait Coluche, je me marre parce qu’à présent l’Europe, France en tête, pétoche. L’Europe est en charpie avec un Sud qui vit de l’endettement de plus en plus massif et une France qui glisse doucement vers le sud. C’est beau le Sud, je l’aime le Sud puisque j’ai choisi d’y vivre, et il me vient l’air de cette belle chanson de Nino Ferrer que je fredonnais adolescent et amoureux : « On dirait le Sud… »

Le Royaume-Uni a remporté la mise et il va continuer à épuiser l’Europe, une Europe qui manque de croyance en elle-même, une Europe trouillarde et acariâtre, avec un équipage qui commence à reluquer les gilets de sauvetage, une Europe qui espère faire converger les intérêts de ses membres par la perspective d’un naufrage. C’est ce qui s’appelle faire l’Europe par le bas, en commençant par remuer la peur à tout-va : si l’un de vous quitte le navire, il va se noyer ! Mais que les Français se rassurent, les Anglais ont une vieille habitude de la mer… J’ai souri à l’arrogance des anti-Brexiters et je pourrais citer bien des noms comme celui de Bernard-Henri Lévy, gourou de la bourgeoisie parisienne, c’est-à-dire pas grand-chose.

Depuis le 23 juin 2016, de nombreuses personnalités politiques françaises ont multiplié les scénarios d’apocalypse en direction du Royaume-Uni. Cette réaction ne m’a surpris en rien. J’ai toutefois noté que leurs voix se sont peu à peu calmées. Theresa May et plus encore Boris Johnson ont été moqués, non moins moqués que Donald Trump devenu le punching ball de masses considérables qui semblaient passer leurs frustrations en tout genre (y compris leurs frustrations sexuelles) sur ce personnage. Boris Johnson était rangé sur la même étagère que Donald Trump, probablement à cause de sa dégaine et de sa chevelure voyante, rien de plus. Une analyse sérieuse suppose au moins une solide culture anglaise et non cet abaissement au jeu des apparences auquel les Français, ces esclaves de la mode, sont si sensibles. Par ailleurs, on peut détester Donald Trump (je l’apprécie dans la mesure où je n’apprécie pas plus et peut-être encore moins ses ennemis, ces partisans auto-proclamés de la Vertu) mais il faut avoir un minimum de connaissance de la vie politique, économique et sociale américaine, et ne pas s’en tenir aux réactions épidermiques que suscite Donald Trump, grand connaisseur des médias, et en particulier de Twitter, pour commencer à comprendre la particularité et la stratégie de ce personnage et le juger d’un point de vue plus personnel – plus réfléchi  et plus libre – plutôt que d’aboyer avec la meute.

Les médias français sont perturbés. Le Brexit les effraye. Les Brexiters sont des « populistes », et en avant avec les populistes, des fascistes, des méprisables, des scories et j’en passe. Les Anglais furent présentés comme de vieux gagas pris dans le naufrage de la vieillesse. C’est mal connaître les Anglais, ce grand peuple qui a fait de sa langue la première langue mondiale et contre lequel beaucoup ont mordu la poussière. On tendait complaisamment le micro aux Anglais anti-Brexiters et on recueillait religieusement leurs propos. Ces Anglais avaient leurs raisons, respectables, mais il se trouve qu’ils étaient minoritaires selon les résultats du vote. Jeremy Corbyn et Cie voulurent un nouveau référendum, comme si ces vieux gagas de Brexiters n’avaient pas toute leur tête au moment du vote. Ce faisant, Jeremy Corbyn et Cie montrèrent leur mépris des règles démocratiques et ils en furent punis : leur parti s’est effondré.

Il faudrait établir un dossier de presse exhaustif de la hargne anti-Brexit des médias de France, une hargne plus conséquente et massive que dans les autres pays d’Europe dont je suis l’information. Dans la presse écrite hexagonale, le pompon revient au quotidien Le Monde, prétentieux entre tous, dépassé sur tous les fronts mais qui survit grâce à des injections massives d’argent public. Imaginez-vous, je finance malgré moi ce quotidien ringard et à la ramasse, référence idéologique d’une génération petite-bourgeoise qui sucre les fraises et macule ses fonds de culottes tout en se donnant des airs. Pouah ! Ce quotidien au titre prétentieux – Le Monde ! – qui ose parler du vaste monde et qui sent la loge de concierge mal aérée écrivait : « Pour tous les Européens, à commencer par les Français, les plus proches voisins et partenaires, l’enracinement d’un Trump au petit pied rêvant de transformer le Royaume-Uni en paradis fiscal pratiquant le dumping social et environnemental aux portes du continent serait une très mauvaise nouvelle ». J’insiste, c’est dans ce journal que l’arrogance française trouve son expression la plus achevée.

Je passe sur la cascade des Tweets dénigrant les Britanniques. Je les lisais en me marrant. Je ne prétends à aucune supériorité, simplement, j’ai pris l’habitude de m’intéresser à l’histoire et à la mentalité des peuples, en particulier des Britanniques. Les Français se comportent comme à Azincourt. On caracole mais…  Même Alain Duhamel le très classique, plutôt posé, n’a pu s’empêcher d’aboyer avec les anti-Brexiters, des aboiements qui discréditent à mes yeux l’individu. Qu’il retourne analyser la politique franco-française (ce qu’il fait avec un grand talent) et que pour le reste il se taise. Bernard-Henri Lévy, ce bellâtre qui se contemple, a proféré au matin du vote sur le Brexit les mots qui suivent : « Défaite probable du Brexit. Déroute, donc, des souverainistes, des xénophobes, des racistes. Reste, maintenant, à refonder l’Europe ». L’oracle a parlé… Lorsque je lis ce genre de propos, symptomatiques d’une profonde méconnaissance des peuples, méconnaissance emplumée et qui ne cesse de caqueter sur tous les toits, je suis pris d’une profonde fatigue, fatigue heureusement passagère. Mais qu’importe ! La propagande et la désinformation répandues par les médias hexagonaux retombent en elles-mêmes, dans l’inanité.

Je comprends leur peur : le Royaume-Uni risque de s’en sortir très bien, mieux que lorsqu’il était dans l’Union européenne, ce qui ne manquera pas de donner des idées à d’autres. Les anti-Brexiters agitaient la peur, à présent la peur est dans leur camp, massive, et ils vont en subir tout le poids, ce qui réactivera le caquetage destiné à conjurer leur peur.

Je suis prêt à parier, fort des éléments dont je dispose, que le Royaume-Uni s’en sortira bien, très bien même. Il suffit de commencer par observer ce qui s’est passé depuis le 23 juin 2016, pas de catastrophe annoncée (même Christine Lagarde y allait de ses prévisions). La livre sterling ne s’est pas effondrée, et sa légère baisse a eu entre autres effets de favoriser la production intérieure. Étudiez l’évolution de la production manufacturière et industrielle post-Brexit du Royaume-Uni. Quant aux marchés financiers, suivez le FTSE 100 dont l’évolution ne tend pas vers l’effondrement annoncé. La croissance est plutôt solide, elle se renforce et tout indique que cette tendance va se poursuivre. Mais, surtout, le chômage qui était de 5 % avant le référendum (selon l’Office of National Statistics) a été ramené à 3,8 % vers le milieu de l’année 2019. Et sans se perdre dans les statistiques, force est de constater que le taux de chômage n’a pas baissé grâce aux petits boulots et aux contrats zéro heure. L’augmentation des salaires et du pouvoir d’achat est soutenue depuis ce vote. Les investissements ne se sont pas effondrés, loin s’en faut. Inénarrable prétention hexagonale. Et Paris qui espérait prendre la place de Londres comme capitale financière européenne ! Une fois encore, je ne vais pas surcharger cet article de chiffres et de statistiques mais l’augmentation des investissements étrangers suite au vote pro-Brexit est soutenue ; et ces investissements n’étaient ralentis que par une certaine incertitude, incertitude à présent dissipée. Tout indique qu’ils vont sensiblement augmenter après le 1er janvier 2021. Quant à l’immobilier, ses prix ne se sont pas effondrés comme annoncé, ils ont même augmenté à un rythme plutôt soutenu. On attend toujours les milliers de financiers qui doivent traverser la Manche pour s’installer sur le Continent.

Il ne nous reste qu’à espérer que ces prétentieux qui se sont perdus en prophéties vont la fermer et se faire tout petits. La catastrophe annoncée n’est pas au rendez-vous et avec la fin de l’incertitude, il est à parier que l’économie du Royaume-Uni se portera mieux encore – on n’insistera jamais assez sur ce point. Le No-Deal-Brexit effrayait l’Europe. Il ne représentait pour le Royaume-Uni qu’un moindre mal. Le Royaume-Uni est très largement déficitaire quant aux échanges de biens avec l’UE, avec un déficit commercial de près de cent dix milliards d’euros en 2017.

Notons également que les pays contributeurs nets appartenant à l’UE devront payer le manque à gagner au budget de l’UE. La contribution nette de la France à ce budget était de dix milliards d’euros en 2019. Suite à la sortie du Royaume-Uni de l’UE (et la hausse en perspective de 30 % de ce budget), elle pourrait passer à quatorze-quinze milliards d’euros par an, une lourde charge considérant l’état désastreux des finances publiques de la France. Quinze milliards d’euros représentent une augmentation de plus de neuf cents euros par an et par foyer fiscal s’acquittant de l’impôt sur le revenu.

A présent que Boris Johnson a remporté un indéniable succès politique, la presse française, dépitée, laisse sous-entendre que le Brexit risque fort dans les années qui viennent de s’avérer une grosse erreur pour le Royaume-Uni. Et on annonce l’indépendance de l’Écosse qui, bien sûr, s’empressera de regagner l’Union européenne. Que la France s’occupe de ses affaires, en commençant par exemple par réduire ses dépenses publiques car on ne vit pas indéfiniment de la monétarisation des dettes publiques et de taux d’intérêt qui flirtent avec le zéro ou passent sous le zéro. Le Français devrait savoir que l’Anglais, et j’insiste, a une vision beaucoup plus précise de ses intérêts alors que lui-même, sur cette question, semble avancer dans un épais brouillard, ce qui ne l’empêche pas de se prendre pour un guide et de multiplier les oracles.

Olivier Ypsilantis

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