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A propos de l’Iran. Réponse à Jean-Pierre Bensimon – 2.

Je vous remercie de votre réponse si argumentée qui confirme ce que vous aviez déjà écrit sur l’Iran.

L’Iran me préoccupe depuis longtemps et la vision que j’en ai se nourrit d’impressions très diverses, certes assez éloignées de toute analyse géopolitique. Je ne prétends donc pas assener des ‟vérités” et cours le risque à tout instant de prendre mes désirs pour des réalités.

Parmi les ‟vieilles histoires”, je ne puis oublier le soutien conjoint d’Israël et de l’Iran d’après 1979 mais aussi de la Russie au Commandant Massoud. Ci-joint, un lien intitulé ‟Les enjeux cachés du conflit afghan”, un article de septembre 2001 signé Catherine Graciet :
http://www.cyberscopie.info/pages/art_archives/art8_archi.html

Cette guerre a été curieusement mise en sourdine. D’un côté, la Russie et l’Iran pour l’Alliance du Nord ; de l’autre, le Pakistan pour les Taliban, le Pakistan soucieux de se ménager une ‟profondeur stratégique” face au géant indien, détenteur de l’arme nucléaire.

 

Massoud devant le canalLe Commandant Massoud (1953-2001)

 

La guerre en Syrie est en effet activée par l’Iran. Mais la Russie (qui fut l’alliée de l’Iran en Afghanistan) tient un rôle non moins important avec cet ‟approvisionnement à flux tendus” en matériel de guerre, une Russie qui cherche — et on la comprend — à retrouver une place en vue sur la scène internationale. De plus, et je ne vous apprends rien, ce grand pays n’a cessé de pousser ses pions en direction des mers chaudes. La Russie ne lâchera pas la Syrie de Bachar el-Assad, son dernier point d’appui dans la Méditerranée.

La guerre Irak-Iran (septembre 1980 – août 1988) nous fit penser à la Première Guerre mondiale. Elle fut une guerre de tranchées avec des vagues humaines iraniennes qui s’efforçaient de convertir une guerre de position en guerre de mouvement. Ainsi que vous le rappelez, cette guerre a favorisé l’émergence de toute une jeunesse qui, pour les survivants, allait constituer le gros d’une armée idéologique (et non seulement militaire), véritable kyste dans l’armée mais aussi dans l’ensemble de la société iranienne. Ce phénomène a été observé en Europe (et je me garde de trop pousser la comparaison), en Allemagne où, suite à la Grande Guerre et ses séquelles, une armée politique (SA puis SS) est venue peu à peu doubler et chapeauter l’armée militaire (la Wehrmacht, l’ancienne Reichswehr).

L’Occident (à commencer par la France) a soutenu l’Irak pour ensuite mener des guerres contre ce pays, en 1990-1991 (guerre du Golfe ou guerre du Koweit) et en 2003 (guerre d’Irak). Cette dernière guerre était soit disant justifiée par la présence d’armes de destruction massive, un mensonge élaboré de toute pièce par l’administration de George W. Bush. L’anéantissement du régime irakien fut suivi d’interminables violences qui firent des centaines de milliers de morts et qui continuent à faire des victimes quotidiennement, cet anéantissement donc des structures de l’État irakien ne pouvait qu’attirer le grand voisin, l’ennemi séculaire, l’Iran. La destruction de l’Irak de Saddam Hussein est la principale cause de la puissance iranienne.

Vous écrivez : ‟L’Arabie saoudite a un régime terriblement fragile : le pays n’a que vingt millions d’habitants contre quatre-vingts pour Iran. Il est ethniquement divisé, ses élites sont usées, la société est au bord de l’explosion (ou de l’implosion), et son alliance avec les États-Unis prend l’eau avec Obama. Les États du Golfe? Ce sont des nains qui se jetteront immédiatement dans les bras de l’Iran devenue nucléaire, en mendiant le maintien d’une part de leur rente.” Vous avez raison, les pays arabes sont toujours à la recherche d’un maître ; mais pour l’heure, ces nains participent activement à l’islamisation d’une Europe dont la boussole est déréglée, par injection de capitaux gigantesques dans des économies essoufflées.

Une fois encore, et loin de moi l’idée de polémiquer, je ne suis pas certain que l’Iran — le régime mais aussi le peuple — ne souffre pas d’un sentiment d’encerclement et donc d’isolement ; parce que tout d’abord, l’Iran est une île, certes vaste, mais une île dans une mer arabe ; parce que les sanctions et l’embargo ont sur sa population de graves effets  — et je ne veux pas discuter ici de leur bien-fondé ou de leur mal-fondé. Pour ne rien vous cacher, j’ai été sensible à l’appel de Parham Shahrjerdi et de Jean-Luc Nancy, intitulé ‟Arrêtons sanctions et embargo contre l’Iran” publié dans ‟Le Monde” du 12 août 2013 — et je n’ai pas l’habitude de citer ce quotidien tantôt mesquin tantôt fielleux, surtout lorsqu’il s’agit d’Israël.

 

Parham ShahrjerdiParham Shahrjerdi (né en 1980, à Téhéran)

 

Les manœuvres de l’actuel régime iranien (que je ne cherche à justifier en aucun cas) sont très probablement activées par ce sentiment — amplifié plutôt qu’inventé, me semble-t-il — ‟pour doper le nationalisme et asseoir une politique d’imperium qui est presque toujours le pendant international du totalitarisme.” Je me répète, le nationalisme peut être un excellent contre-feu au djihadisme international, aux militants du Grand Califat qui n’ont pour seul horizon que de soumettre l’humanité à la charia. A ce propos, les Kurdes, des nationalistes à leur manière (pour l’heure privés d’État), réalisent en Syrie de superbes tableaux de chasse contre diverses meutes de djihadistes.

Nous sommes emberlificotés avec les Arabo-musulmans pour cause de mazout et d’immigration essentiellement liée à cette politique du regroupement familial, définie comme indispensable par le Conseil d’État en 1978, arrêt du 8 décembre 1978. Les rentiers du pétrole, ploutocrates, phallocrates, théocrates et j’en passe, investissent massivement chez nous et influent sur nos décisions tant en politique intérieure qu’en politique extérieure, tout en favorisant l’islam radical dans le monde. Les Arabo-musulmans, Saoudiens en tête, ne désirent qu’une chose : que les Judéo-croisés — les Koufars, les Infidèles — s’en prennent à l’Iran. Je ne suis pas un suppôt de l’actuel régime iranien (et je fais usage de l’euphémisme) mais partir en guerre contre l’Iran pour se mettre en ménage avec l’Arabo-musulman me paraît suicidaire.

L’ami bête (l’Arabo-musulman) est-il préférable à l’ennemi intelligent (l’Iranien) ? Vous me ferez remarquer à raison que ce n’est pas avec ce genre de remarque que l’on édifie une stratégie géo-politique ou une pensée politique. Et pourtant…

Enfin, vous écrivez qu’Israël n’est ‟rien que le chiffon rouge agité pour recevoir l’appui des rues arabes, et se poser en héros du djihad mondial”. Sur ce point, je n’ai rien à objecter. Agiter la figure du Juif et/ou pointer Israël du doigt déclenche des réflexes pavloviens chez  les ‟issus-de-la-diversité” mais aussi chez des ‟de-souche” ; et je vous épargne la description des symptômes.

Il faut poursuivre le dialogue avec l’Iran. Les réserves d’intelligence restent immenses dans ce pays. Nous avons affaire à de fins joueurs. L’affaire syrienne achève de montrer l’inanité des ‟Printemps arabes” — une stupide expression. Il y a un avenir avec l’Iran, il n’y en a pas avec les pays arabes, hormis une pauvre routine.

Peut-être, hélas, serai-je amené à rire de moi-même. Quoi qu’il en soit, je vous lis toujours avec plaisir et vos réflexions me stimulent.

Olivier Ypsilantis 

 

2 thoughts on “A propos de l’Iran. Réponse à Jean-Pierre Bensimon – 2.”

  1. Cher Olivier,
    J’ai suivi avec attention votre échange avec Jean-Pierre Bensimon. Vos deux points de vue sont aussi intéressants l’un que l’autre mais ne prennent pas leur source dans les mêmes domaines. Ses arguments sont de géopolitique, les vôtres d’un amour de la culture iranienne — et d’un mépris de l’arabo-islamique, ce que j’aurais mauvaise grâce à vous reprocher puisque je partage votre aversion fondée sur l’histoire et, malheureusement, le présent.
    Je pense qu’aujourd’hui — mais nous savons que les choses évoluent très vite dans cette région du monde — le principal danger pour Israël reste iranien. Lisez cet article de Zvi Mazel, qui sait de quoi il parle puisqu’il était il y a peu ambassadeur d’Israël en Égypte : les ayatollahs ne peuvent pas renoncer à l’atome.
    Cordial shalom entre mitnadvim.

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