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L’anarcho-capitalisme – 1/2

L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde », Frédéric Bastiat – ‟L’État” dans le Journal des débats, 25 septembre 1848.

Afin de rédiger cet article (en deux parties) et mettre de l’ordre dans ma mémoire de lecteur, je me suis essentiellement appuyé sur des études du Canadien Pierre Lemieux, à ma connaissance l’un des meilleurs spécialistes de l’anarcho-capitalisme.

A l’ère de la massification, de l’État tout-puissant, des comportements grégaires et d’une morale impérialiste, j’aimerais présenter brièvement une tendance à laquelle je suis toujours plus sensible et qui m’apparaît comme un grand bain d’eau pure qui repose des eaux souillées du socialisme car ils sont vraiment trop nombreux à s’ébattre et même à se soulager dans ces eaux stagnantes.

 

anarcho-capitalist_flagLe drapeau de l’anarcho-capitalisme évoque celui de la CNT dont la partie rouge a été changée en jaune. 

 

L’anarcho-capitalisme stricto sensu est la doctrine selon laquelle une société capitaliste sans État est économiquement efficace et moralement désirable. Il concilie deux doctrines : l’anarchisme dont la liberté est étendue à l’économie et le capitalisme dont la liberté est étendue au social. Entre économistes libéraux classiques et anarchistes individualistes mon cœur balance et l’anarcho-capitalisme opère leur fusion, une fusion qu’avait définitivement opérée Gustave de Molinari (1819-1912). Deux écrits rendent compte de sa thèse : ‟Les soirées de Saint-Lazare” et un article, ‟De la production de la sécurité”, un titre qui ne manquera pas de surprendre. Brièvement : la sécurité doit elle aussi être soumise à la loi de libre concurrence et non à celle d’un seul gouvernement : ‟Un seul gouvernement n’est pas plus nécessaire pour constituer l’unité d’un peuple, qu’une seule banque, un seul établissement d’éducation, un seul culte, un seul magasin d’épicerie, etc.” Ni monopole ni communisme où que ce soit !

Sans me perdre en références sur les origines de l’anarcho-capitalisme, je rappelle que les propositions des membres de l’école autrichienne d’économie ont été exploitées par les théoriciens de l’anarcho-syndicalisme dans le but de dénoncer la planification centralisée et de promouvoir les possibilités de l’autorégulation macroéconomique par la multitude des interactions microéconomiques. Cette autorégulation macroéconomique du marché sous-entend que l’intervention de l’État a un rôle déstabilisateur.

Les biens publics (dont il ne s’agit pas de nier la réalité) peuvent être produits sans intervention de l’État. Si l’État-providence a nationalisé la compassion, il ne faut pas oublier l’importance de la charité et du mécénat qui, aux États-Unis, pèse per capita dix fois plus lourd qu’en France. On oublie que des biens publics sont gracieusement offerts comme publicité en sous-produits d’activités commerciales et que nombre d’individus produisent un bien public en même temps qu’ils s’offrent un bien privé : tel est le cas d’un propriétaire qui embellit sa façade ou son jardin sur rue ; il se fait plaisir et fait plaisir aux passants.

Il existe trois grandes catégories de processus spontanés et spécialisés de production de biens publics :

– L’entrepreneurship propose un mécanisme très efficace de production des biens publics qui ne sont pas produits en quantité suffisante pour répondre à la demande réelle.

– Les pressions sociales selon Mancur Olson et les avantages de la collaboration spontanée selon Robert Axelrod. Ci-joint, un article intitulé ‟La logique de l’action collective” (‟The Logic of Collective Action”). Mancur Olson montre que les individus se conforment à ce que l’on attend d’eux afin de conserver la coopération des autres  :

http://www.forum-scpo.com/science-politique/mancur-olson-logique-action-colletctive.htm

Robert Axelrod pose la question : des individus libres coopéreront-ils en l’absence    d’incitation pécuniaire ? Il démontre que dans tous les cas, une coopération libre, spontanée et durable résulte naturellement du comportement intéressé d’individus égoïstes. Il confirme ainsi l’intuition de Friedrich Hayek sur la valeur autorégulatrice de la coopération spontanée. Ci-joint, un article intitulé ‟Robert Axelrod et l’évolution de la coopération”. Son ‟dilemme du prisonnier” nous concerne tous dans notre vie sociale  :

http://sciencetonnante.wordpress.com/2011/10/31/robert-axelrod-et-levolution-de-la-   cooperation/

– Les associations volontaires, autre grand mécanisme spécialisé de production privée de biens publics. Voir le credo du Pr Robert Sugden : ‟C’est ma thèse qu’une théorie économique des organisations volontaires doit se résoudre en une théorie de la fourniture privée des biens publics.”

Conclusion. En admettant que les biens publics existent (Murray N. Rothbard que j’évoquerai en nie radicalement l’existence), ils peuvent dans une certaine mesure être produits par l’initiative individuelle dans une société libre. L’anarcho-capitalisme qui a contribué à la critique de la théorie des biens publics va tirer toutes les conséquences de cette conclusion.

La sécurité publique (police, tribunaux et prison, défense nationale) représente le noyau dur où le rôle de l’État n’est généralement pas remis en cause. Or, les anarcho-capitalistes vont attaquer ce noyau, et au gros calibre, puisqu’ils affirment que la sécurité serait produite plus efficacement par le marché que par l’État. Le cœur de la théorie anarcho-capitaliste se trouve dans cette démonstration. Cette idée sera défendue avec une implacable logique par Murray N. Rothbard, inspiré par l’une des idées maîtresses de Gustave de Molinari. Ci-joint, les deux parties d’un excellent article de Jean-Michel Poughon intitulé ‟Gustave de Molinari (1819-1912)” :

http://www.journalechange.com/realistes/molinari052001.html

http://www.journalechange.com/realistes/molinari1052001.html

Murray N. Rothbard, David Friedman, Morris et Linda Tannehill (qui représentent le noyau dur de l’anarcho-capitalisme) vont jusqu’à dépasser John Locke en n’hésitant pas à affirmer que l’état de nature et la société civile sont une seule et même chose. Murray  N. Rothbard préconise la privatisation des tribunaux civils en commençant par s’en référer aux sociétés d’arbitrage privées. L’histoire démontre son efficacité économique. En remontant aux époques médiévales, on constate que l’essentiel du droit commercial anglais a été mis au point par des tribunaux privés de marchands ; de même avec le droit de la mer et l’essentiel de la Common Law qui ont d’abord été élaborés par des juges concurrentiels privés. Ceci amène à imaginer que les parties en litige s’efforceraient dans un premier temps de négocier une solution entre elles, comme le font couramment les hommes d’affaires. Je passe sur les mécanismes imaginés par Morris et Linda Tannehill pour institutionnaliser le recours à l’arbitrage.

L’anarcho-capitalisme souhaite la privatisation de la police qui offrirait ses services par le biais d’entreprises concurrentielles sur le marché, fort de cette conviction que le marché est plus efficace que l’État pour découvrir et satisfaire les préférences des individus. Comme tout monopole, celui de l’État sur la sécurité ne produit pas efficacement, d’où les propositions de l’anarcho-capitalisme pour étendre le domaine de la sécurité privée. La concurrence entre les agences de police entraînerait une amélioration de la sécurité publique. Une fois encore je passe sur les mécanismes de fonctionnement tels que les exposent Murray N. Rothbard, Morris et Linda Tannehill.

L’anarcho-capitalisme souhaite des juridictions pénales privées. La concurrence entre les tribunaux pénaux imposerait à chacun de maintenir une réputation d’impartialité, de justice et d’efficacité. Il envisage pour l’accompagner un régime de sécurité privée dans lequel des lois établiraient clairement ce qui est interdit afin de distinguer l’agression de la légitime défense. Précisons que nombre d’anarcho-capitalistes jugent qu’un droit naturel objectif sert de fondement aux lois. Le droit naturel s’entend de deux manières :

– Comme une loi naturelle qui a suivi spontanément son propre développement, à la manière de la Common Law britannique.

– ‟Le droit naturel anarcho-capitaliste réfère aussi à un ensemble de principes fondamentaux — des principes lockéens chez Murray N. Rothbard — accessibles à la raison et sur la base desquels peut ensuite s’arranger le développement spontané des règles de droit. Autrement dit, le développement du droit relèverait de la jurisprudence des tribunaux privés qui découvriraient la loi et corrigeraient le droit coutumier à la lumière des principes rationalistes du droit libertarien”, ainsi que l’écrit Pierre Lemieux.

Afin de démontrer la faisabilité du développement spontané et anarchique d’un droit respectueux des principes libertariens de propriété privée et de non-agression, les anarcho-capitalistes s’en réfèrent à la vieille Irlande, une société sans État jusqu’à sa conquête par l’Angleterre, au XVIIe siècle. Voir le système des Tuatha (associations ou clans politiques volontaires).

L’anarcho-capitalisme souhaite non seulement la privatisation de la justice, de la police mais aussi de la défense nationale. La défense ne doit pas se poser en termes traditionnels puisque pour l’anarcho-capitaliste il ne doit plus y avoir de territoire national et  que la propriété privée doit régler tous les problèmes générés par la communauté. Il faut donc ne plus penser ‟défense nationale” mais ‟défense territoriale”, un territoire étant défini comme la juxtaposition spatiale des propriétés privées appartenant à des individus souverains. Murray N. Rothbard est le penseur anarcho-capitaliste qui est allé le plus loin dans l’argumentation en faveur d’une défense privée, après avoir démontré que le concept de défense nationale comme bien public peut être réfuté. Il en arrive à la conclusion que la défense nationale (comme les autres services de sécurité) peut être offerte par le marché. Pour Morris et Linda Tannehill, les compagnies d’assurance auraient un rôle à jouer. Par ailleurs, la disparition d’un État-nation devrait finir par entraîner la disparition des autres États-nations. Ce sont les États qui rendent possible et justifient la guerre internationale. Par ailleurs, si un conquérant venait à s’aventurer dans un territoire qui n’est plus celui d’un État-nation, l’occupant se retrouverait devant une société sans structure de gouvernement, une société s’opposant à lui dans une guérilla engageant un grand nombre d’agences de police et d’individus armés jusqu’aux dents et habitués à se défendre.

David Friedman est le représentant de l’anarcho-capitalisme utilitariste. Il juge qu’il n’existe pas de droit naturel antérieur au marché, contrairement aux anarcho-capitalistes rothbardiens (voir Murray N. Rothbard) et randiens (voir Ayn Rand). David Friedman expose sa théorie dans son livre majeur, ‟The Machinery of Freedom – Guide to a Radical Capitalism”.

 

Murray N. Rothbard

Murray N. Rothbard (1926-1995)

Ci-joint, ‟The Ethics of Liberty” de Murray N. Rothbard, la version anglaise suivie de la version française :

http://mises.org/rothbard/ethics.pdf

http://membres.multimania.fr/mgrunert/ethique.htm

 

Ci-joint, une longue liste d’articles de Murray N. Rothbard mis en ligne par LewRockwell.com :

http://www.lewrockwell.com/rothbard/rothbard-lib.html

 (à suivre)

Olivier Ypsilantis 

 

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