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Des « Je me souviens » encore et encore

Je me souviens du Cachou Lajaunie et du Papier d’Arménie. Rien d’étonnant, ils sont toujours dans le commerce et sous une forme inchangée.

Je me souviens dans le salon d’une radio sur laquelle la famille de mon père avait écouté Radio Londres. Je la considérais avec un respect particulier et j’en étais même venu à penser qu’en l’allumant je remonterais le temps.

Je me souviens que le stylo à bille a été mis au point par deux Juifs hongrois, les frères Bíró, László et György. Je me souviens qu’il a été agréé par les Britanniques pour le personnel navigant de la RAF car il n’était pas sujet aux fuites d’encre dues aux phénomènes de pression atmosphérique.

Tout comme Georges Perec, je me souviens de la Bande à Baader. Je me souviens d’Angela Winkler dans le rôle de Katharina Blum (voir ‟L’honneur perdu de Katharina Blum” de Volker Schlöndorff). Je me souviens de ma surprise en découvrant que sous le sigle RAF se cachait non seulement Royal Air Force mais aussi Rote Armee Fraktion.

Angela WinklerAngela Winkler (née en 1944) dans le rôle de Katharina Blum.

 

Je me souviens de La vache qui rit sur les routes de l’Inde et du Bibendum de Michelin à Saigon.

Je me souviens du Petit-Beurre de LU dont on commençait invariablement par croquer les coins, délicatement, du tranchant des incisives. Je me souviens que derrière les deux lettres LU se cachent Monsieur Lefèvre et Mademoiselle Utile. Je me souviens que le logo avec ces initiales en caractère bâton inscrites dans un rectangle rouge porte la griffe de Raymond Loewy.

Je me souviens du bruit que faisait le VeloSolex, dans les villes, les villages et les routes de campagne.

Je me souviens du sigle de Renault revu par Vasarely. C’était dans les années 1970, une décennie au cours de laquelle cet artiste d’origine hongroise était vraiment partout.

Georges Perec se souvient du dentifrice Email Diamant, avec son toréador. Je m’en souviens moi aussi. Il est d’ailleurs toujours proposé à la vente :

http://blogs.lexpress.fr/styles/tendance/2009/12/28/on_se_peint_les_dents/

‟Je me souviens de la feuille d’impôts de Chaban-Delmas” écrit Georges Perec. Pour ma part, je préfère oublier les feuilles d’impôts.

Je me souviens de ‟W ou le souvenir d’enfance”, le plus émouvant et le plus autobiographique des livres de Georges Perec.

Vous souvenez-vous de ‟En remontant la rue Vilin” de Robert Bober ? Si vous n’avez pas encore vu ce film, vous le pourrez en vous rendant à la Bibliothèque Nationale de France (BNF) La Maison du doc’ – Lussas. Vous pouvez aussi vous le procurer  aux adresses suivantes : VF film production 1 rue de Amsterdam 75008 Paris – Tél : 01 45 22 16 10 Mail : [email protected] ; INA productions 4, avenue de l’Europe 94366 Bry-sur-Marne – Tél : 01 49 83 26 90 / 01 44 23 11 22 – Fax : 01 49 83 25 97 – Mail : [email protected] ; Images de la culture (CNC) 11, rue Galilée 75116 Paris – Tél :  01 44 34 37 68 – Mail : [email protected]

Je me souviens de Robert Bober. Je me souviens de l’avoir découvert en achetant un livre de Georges Perec, sur un étalage de Joseph Gibert, boulevard Saint Michel, ‟Récits d’Ellis Island – Histoires d’errance et d’espoir” :

http://www.youtube.com/watch?v=1kOZ9Y3R52Q

A ce propos, je me souviens de Grosse-Île, sur le Saint-Laurent :

http://www.youtube.com/watch?v=VzjLM6WsHdA

Je me souviens que c’est par un professeur du secondaire que je découvris l’œuvre de Georges Perec. Il nous avait vivement conseillé de lire ‟Les choses”, sous-titré ‟Une histoire des années soixante”. Je me souviens que j’en fis la lecture dans un exemplaire des Éditions J’ai Lu. Je me souviens des mots sur lesquels se termine le livre, des mots prémonitoires qui s’adressent encore à nous : ‟Le linge glacé, les couverts massifs, marqués aux armes des Wagons-Lits, les assiettes épaisses écussonnées sembleront le prélude d’un festin somptueux. Mais le repas qu’on leur servira sera franchement insipide.”

Je me souviens de ces heures d’été passées à lire les BD du cousin entreposées dans un vaste placard. Parmi mes plus belles lectures, je me souviens des albums de la série Alix, en particulier ‟Le dernier spartiate”, et ceux de la série Blake et Mortimer.

Je me souviens d’avoir dévoré ‟Crime et châtiment” en deux jours. De la fenêtre de ma chambre, je voyais de grands bouleaux dans une prairie. J’ai souvent pensé qu’ils m’avaient probablement aidé à soutenir le rythme de cette lecture.

Je me souviens que j’ai d’abord cru que Georges Perec était breton ; Perec, Le Guilvinec, Seznec, etc.

Georges Perec se souvient de l’expédition du Kon-Tiki. Je m’en souviens pour avoir lu le récit de Thor Heyerdahl lorsque j’étais enfant.

Je me souviens que lorsque j’ai entendu cette phrase pour la première fois, ‟La mariée était en noir”, je l’ai trouvée énigmatique et l’ai apparentée à des phrases codées émises par la BBC, comme ‟Andromaque se parfume à la lavande” ou ‟L’éléphant s’est cassé une défense”. A ce propos, je me souviens que Bourvil, un Résistant dans ‟Le Jour le plus long” se met à saboter les lignes téléphoniques après avoir entendu à la radio : ‟Jean a de longues moustaches” :

http://www.youtube.com/watch?v=ePzwg0LyYL0

Je me souviens que les enfants de Romy Schneider s’appelaient Sarah et David et que le choix de ces prénoms avait beaucoup à voir avec d’intimes souffrances et un sentiment de culpabilité. Sa mère Magda qui habitait à quelques kilomètres de Berchtesgaden avait fréquenté l’entourage de Hitler, Martin Bormann en particulier.

Romy Schneider et son fils DavidRomy Schneider (1938-1982) et son fils David (1966-1981) 

 

Comme Georges Perec, je me souviens des soldats de plomb vraiment en plomb. Je m’en souviens pour avoir joué avec ceux de mon père. Je me souviens plus particulièrement des spahis et de leurs longues capes rouges qui tombaient en lourds plis sur la croupe de leurs montures.

Je me souviens des supermarchés Mammouth. Je me souviens que Coluche s’était livré à une contrepèterie sur son slogan : ‟Mammouth écrase les prix”, ‟Mamie écrase les prouts.”

Je me souviens de : ‟Esther et Mika / Ils ont une affaire de plastiques / gérée avec calme et raison / Esther fait la vente en boutique / et Mika fait les livraisons. / Lui très costaud… / Elle pas fière / font dire aux esprits délicats : / Mon Dieu qu’elle est polie Esther ! / Mon Dieu comme il est fort Mika !”

Je me souviens de l’assassinat de Lord Mountbatten par l’IRA. C’était en août 1979. Le souvenir de cette nouvelle reste étroitement associé au lieu où elle m’a été communiquée, ma chambre, à Barcelone, Calle del Carmen, une rue adjacente aux Ramblas. Il faisait très chaud, une chaleur d’avant l’orage avec un ciel ocre sale qui semblait prolonger l’ocre malade des façades. L’asphalte était maculé et gras après des mois sans pluie. Quelques jours plus tard des averses torrentielles laveraient la ville.

Olivier Ypsilantis

1 thought on “Des « Je me souviens » encore et encore”

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