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Notes de lecture (économie) – 2/14

 

« Il est tellement de la nature de la Loi de faire régner la Justice, que Loi et Justice, c’est tout un, dans l’esprit des masses. Nous avons tous une forte disposition à regarder ce qui est légal comme légitime, à ce point qu’il y en a beaucoup qui font découler faussement toute justice de la Loi. Il suffit donc que la Loi ordonne et consacre la Spoliation pour que la spoliation semble juste et sacrée à beaucoup de consciences. » Frédéric Bastiat, « La Loi » (1850)

 

Tableau II – L’influence de Carl Menger et de Friedrich von Wieser (les fondateurs de l’École autrichienne d’économie) sur Ludwig von Mises. Parmi les plus importantes contributions de Ludwig von Mises, la notion de coordination économique par les prix et la théorie sur les fluctuations économiques. Constat : les ressources sont limitées tandis que nos besoins sont illimités ; en conséquence, il nous faut élaborer les meilleures façons de produire ce dont nous avons besoin. Mais qu’est-ce qui peut guider nos choix ?

Selon Ludwig von Mises, seuls les prix nous informent de la valeur relative des ressources (plus ou moins limitées donc) et de leur utilisation optimale pour le bien de tous. C’est pourquoi le législateur doit s’assurer que l’information que donnent les prix n’est pas faussée par des réglementations qui influeraient sur eux, à la hausse comme à la baisse, pour des raisons autres que l’échange volontaire entre individus.

 

Ludwig von Mises (1881-1973)

 

Précisons que Ludwig von Mises ne s’en tient pas au mécanisme de l’offre et de la demande. Il avance le postulat selon lequel les marchés sont généralement stables mais sont sujets aux récessions – voire aux dépressions – lorsque le crédit est artificiellement gonflé par les banques centrales. Nous sommes en plein dedans et c’est pourquoi l’avertissement de Ludwig von Mises à ce sujet prend aujourd’hui un relief particulier. L’effet le plus massif de cette augmentation artificielle est l’inflation. Nous n’y sommes pas, et c’est bien une première, mais nous ne perdons probablement rien pour attendre. Et elle pourrait avoir des effets ravageurs. L’inflation conjuguée à la stagnation, soit la stagflation, un mélange explosif. Outre l’inflation, la création artificielle de crédit incite les entreprises et les particuliers à faire des choix peu raisonnés, surtout quand l’argent est « gratuit » ou presque (des taux d’intérêt qui avoisinent le zéro ou qui sont à zéro) quand il n’est pas « donné » (des taux négatifs). L’économie réelle en est perturbée.

 

Tableau III – Chapitre 10, « Why the Worst Get on Top », de « The Road to Serfdom ». Lorsque Friedrich Hayek écrit son livre majeur, « The Road to Serfdom » (alors que la Deuxième Guerre mondiale est entrée dans sa phase finale), le monde est fasciné par la notion de planification centrale socialiste. Certes, on avait pris note de ses excès mais on se disait que l’on pourrait y remédier et que ses excès étaient des exceptions ; il suffisait de placer les bonnes personnes aux commandes. Vieille rêverie ; et, à ce sujet, il faudrait reprendre l’histoire de l’étatisme du XXe siècle, toutes tendances confondues, « de gauche » comme « de droite » : on s’accroche à un rêve, porté par l’étatisme, on s’y accroche jusqu’aux effets les plus visibles de la catastrophe ; mais plutôt que de remettre en cause l’étatisme – le système –, on accuse les dirigeants en attendant de passer aux prochains plutôt que de s’attaquer au système même, soit à l’étatisme. Et ainsi permet-on à ce dernier de se prolonger alors qu’il faudrait en finir. Car, enfin, on ne peut s’en tenir aux bonnes intentions

Friedrich Hayek note que les pires caractéristiques de l’étatisme ne sont en rien accidentelles et subsidiaires mais qu’elles lui sont inhérentes. Ceux qui n’en sont pas conscients et qui considèrent que l’État est la solution à tous les problèmes ont plus de chances de réussir ainsi que le note Friedrich Hayek. Les États ont le monopole légal et politique de l’usage de la force, et c’est bien ce qui définit fondamentalement l’État. Ce sont les mécanismes gouvernementaux qui leur permettent de ravager les sociétés.

Friedrich Hayek évoque le nivellement par le bas. Il juge que les planificateurs sont des dictateurs en puissance qui profitent de la crédulité et de la docilité de la majorité. Le démagogue étatiste sait activer l’envie afin de se rallier les masses pour se saisir du pouvoir et le conserver.

Friedrich Hayek note que l’homme d’aujourd’hui a de plus en plus tendance à se juger moral parce qu’il satisfait ses vices par le truchement de groupes toujours plus nombreux. Ainsi le frustré – l’envieux –, qui se sent plus ou moins merdeux individuellement, va-t-il se laisser porter par le groupe qui prend en charge ses frustrations et ses envies et leur donne leurs lettres de noblesse, en quelque sorte. Le frustré se sent plutôt minable en tant qu’individu ; mais pris dans un groupe, il se sent porté et ainsi peut-il masquer ses piètres sentiments derrière le combat pour « la justice », pour « un monde meilleur » et j’en passe.

Soyons clairs. Les stupides participeront à la coercition d’État et à leur emprise sur les masses tandis que les autres s’efforceront de ne pas déranger leurs congénères en espérant qu’ils se comporteront pareillement avec eux. Ils chercheront de préférence un emploi dans le secteur privé, un emploi plus productif donc. Friedrich Hayek l’avait noté dès 1944 : plus un État s’enfle, plus les néfastes lorgnent son sommet et s’y hissent.

 

Tableau IV – L’origine de la réflexion théorique sur la planification remonte à Ludwig von Mises, à son article publié en allemand en 1920 sous le titre « Die Wirtschaftsrechnung im Sozialistischen Gemeinwesen », article qui se fera surtout connaître par sa version anglaise, soit « Economic Calculation in the Socialist Commonwealth », parue en 1935.

Marx et Engels jugent qu’une gestion planifiée du processus de production est nécessaire mais aucun des deux n’exposent les modes de fonctionnement de l’économie planifiée. Concernant la littérature économique soviétique, les premières réflexions soutenues à ce sujet sont postérieures à l’article en question de Ludwig von Mises, article qui amorce une réflexion sur une question qui deviendra – et reste – centrale.

Le point sur lequel Ludwig von Mises s’appuie pour juger qu’une économie planifiée manque de base rationnelle peut être présenté de la manière suivante : considérant que le but de l’économie – et quel que soit le contexte institutionnel – est de rationaliser au maximum et dans un but précis l’utilisation de ressources limitées, il s’en suit que la seule méthode connue pour évaluer correctement ces ressources et leur attribuer des prix ne peut être effective que dans un marché libre. Ces prix (relatifs) rendent compte de la limitation (relative) des ressources, ainsi peuvent-ils être envisagés comme une référence à partir de laquelle élaborer un processus rationnel dans le mécanisme offre/demande.

Étant donné qu’une économie planifiée est par définition hors marché, elle est privée de cette référence qui enclenche un mécanisme qui détermine le volume de l’offre et les critères rationnels de la demande. L’offre et la demande sont ainsi poussées de côté, arbitrairement, par parti pris idéologique, ce qui ne peut que conduire au désordre, voire au chaos.

Selon Ludwig von Mises, une économie planifiée peut donner des résultats considérables en termes matériels, mais le coût de ces résultats ne peut être estimé, son calcul est rendu impossible. Et ce n’est que par le plus grand des hasards qu’une économie planifiée peut éviter d’énormes gaspillages.

Parmi les économistes qui nient l’efficacité d’une économie planifiée, Friedrich Hayek et Lionel Robbins. Ils se montrent toutefois moins radicaux que Ludwig von Mises dans la mesure où ils ne nient pas à ce type d’économie des possibilités de calcul rationnel quant à l’offre et la demande. Mais ils estiment que dans la pratique ces possibilités se voient malmenées et pour deux raisons : le système des calculs qui rend compte de l’équilibre économique général est si vaste et si complexe qu’il infirme toute possibilité effective de calcul ; par ailleurs, en supposant que ce système puisse se traduire dans la pratique, il exige beaucoup de temps, un temps au cours duquel l’état des lieux a tellement évolué que ledit système devient obsolète.

La position de Friedrich Hayek et de Lionel Robbins est quoi qu’il en soit beaucoup plus souple que celle de Ludwig von Mises pour lequel l’économie planifiée est une erreur à éviter, qu’elle n’est pas même une économie mais un ensemble désordonné d’activités. Pour Friedrich Hayek et Lionel Robbins, le concept d’économie planifiée est acceptable en tant que tel bien que l’on ne puisse en déduire aucune application pratique.

(à suivre)

Olivier Ypsilantis

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