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Quelques considérations économiques, encore – 7/9

 

Il y a un peu plus de dix ans Anthony de Jasay que j’ai évoqué dans un précédant article laissait entendre que deux modèles se dresseraient l’un face à l’autre et se combattraient afin de représenter l’esprit de l’Union européenne : Adam Smith et Colbert ; autrement dit : d’un côté, une tradition britannique ; de l’autre, une tradition française.

Malheureusement, avec l’actuelle crise engendrée par la pandémie du Covid-19, cette dernière semble devoir prendre le dessus et en quelque sorte d’elle-même puisque l’Allemagne (considérant l’état de l’Italie, de l’Espagne mais aussi de la France) a décidé de jouer le tout pour le tout et de faire sauter le verrou de la rigueur budgétaire, et advienne que pourra ou Alea jacta est. Lorsque des partenaires sont ruinés (voir ces trois pays), c’est aussi vous qu’ils poussent à la ruine et, en désespoir de cause, on les aide en espérant s’aider – Charité bien ordonnée commence par soi-même, Charity begins at home.

 

Boris Johnson

 

Le Royaume-Uni ayant quitté le paquebot, la France se sent des ailes. Elle profite de la voie d’eau qui s’est ouverte dans la coque du paquebot « Europe » pour négocier au nom de ceux (dont elle, la France) qui par leur laisser-aller ont provoqué cet accident. Le Royaume-Uni a quitté le paquebot, il connaît les mers et des océans mieux que personne. La France donc qui par son poids économique et politique se trouve placée à la tête des « cigales » (désignation que je n’apprécie guère, les Latins ne travaillent pas moins que ceux du Nord) a les coudées franches depuis le départ du Royaume-Uni qui a toujours eu un sens aigu de ses propres intérêts. La France ne manque pas de ressources et de compétences mais elle est épuisée par son appareil d’État que je vois comme un ver solitaire dans un organisme ; parmi les symptômes, on peut noter fatigue et céphalées.

La France s’est présentée exsangue face à la pandémie, sans réserve vitale, contrairement à l’Allemagne. Elle ne pouvait espérer se sauver qu’en concoctant un plan de relance (de sauvetage) au niveau européen et en tirant l’Allemagne par la manche. C’est un indéniable succès politique pour Emmanuel Macron, un succès très mitigé au niveau économique sitôt que l’on se penche sur le détail de l’opération, tout au moins ce qu’on peut en percevoir car les zones d’ombre sont vastes et profondes. Je dois dire en toute franchise que je suis triste face au relatif échec des pays dits « frugaux » puisque leur échec signifie moins de liberté économique et que cet argent « qui pleut » ne va pas inciter à la prudence budgétaire. C’est ainsi, le libéralisme est présenté comme un danger et une sorte de socialisme se met en place par le biais d’un endettement formidablement augmenté, la dette n’étant rien que de l’impôt à venir.

Le plan de relance aurait dû passer par une baisse massive des impôts en tout genre et une simplification des appareils d’État, mais rien. J’aurais préféré une Europe inspirée par Adam Smith ou Milton Friedman plutôt que par Colbert et autres fonctionnaires.

La France est devenue l’otage de son État, je le dis, le redis et le redirai. Par ce plan de relance (relance de la dette d’abord), l’Europe est devenue l’otage de la France, de l’État français responsable depuis des décennies du déclin du pays – il y a d’autres explications, plus globales à ce déclin, mais la plus immédiate est bien celle de l’emprise de l’État sur l’activité économique. Angela Merkel qui est sur le départ a probablement voulu laisser une marque dans l’histoire.

Il faut tout de même noter que les « frugaux » (drôle de dénomination, préférable tout de même à celle de « radins ») ont tempéré autant qu’ils ont pu les élans franco-allemands et surtout français. Les cinq cents milliards d’euros de subventions sont passés à trois cent quatre-vingt-dix milliards et Angela Merkel n’a probablement pas été mécontente de ce rabais imposé car elle n’a défendu ce plan que pour des raisons de politique intérieure et, une fois encore, pour laisser une marque dans l’histoire, tout au moins supposons-le. La France quant à elle bât le tambour depuis des années car elle est en faillite mais n’est en rien disposée à réformer sérieusement l’appareil d’État (ce qui serait le moyen le plus efficace d’éviter la faillite) et que le but est bien de prendre l’Europe en otage, prendre l’Europe en otage par le biais d’une dette colossale, répandue sur tous comme du coltard, avant de passer à l’étape suivante, des taxations au niveau européen, rêve de ce personnage falot qu’est Bruno Le Maire, soit l’exportation de la fiscalité française, la fiscalité étant le domaine où la France se montre la plus créative et je n’exagère rien. Nous mettons au service du Trésor public des trésors d’imagination.

Allons-y donc pour cet « accord historique » ou « avancée historique ». Moi l’Européen, mais l’Européen « par le haut » et en aucun cas « par le bas », je ne savoure pas mais vraiment pas cette mauvaise cuisine. Une fois encore, nous reculons d’un demi pas devant le gouffre mais dans un même temps nous le creusons plus encore et vertigineusement. Je ne pense pas forcer la note. Car ce montage aura des conséquences et sur le long terme. Il faudra tout de même rembourser la dette, plus ou moins entre 2028 et 2058 ; et je ne sais quels montages seront échafaudés pour ce faire ; mais faisons confiance à la France qui dans le domaine de la fiscalité a des compétences insurpassées et probablement insurpassables. Notons au passage que le ralliement des « Frugal Four » a été acheté puisqu’ils se voient crédités de sommes non négligeables. Les rabais qui devaient être supprimés (suite aux exigences de la France) sont maintenus et, de plus, ils s’augmentent de sommes qui seront payées par les contribuables nationaux en fonction de leur revenu national brut ; en bénéficieront les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Autriche et la Suède.

Il faudra à l’avenir éviter ce genre de manœuvre « par le bas » où tout le monde s’effondre sur tout le monde comme dans une partie entre soulographes – vivre de la dette monte à la tête. Il faudrait redonner d’amples marges de manœuvre aux entreprises (notamment par le biais de la fiscalité), et quelle que soit leur taille, ce qui permettrait assez vite de se remettre des crises. L’expérience nous a montré que le largage massif d’argent public n’a jamais permis de relancer quoi que ce soit sinon la dette et l’impôt. Mais le mot d’ordre est : la dette c’est la fête ; et tout le monde est autoritairement invité à se joindre à ce groupe conduit par la France qui espère rendre ses partenaires européens aussi accrocs qu’elle à cette came, la dette. Nous allons voguer entassés sur un radeau et bientôt tellement camés que nous ne nous rendrons pas compte qu’une chute nous attend en comparaison de laquelle le Salto Angel est plutôt aimable. Et nous périrons noyés dans les remous de l’endettement/fiscalité.

Olivier Ypsilantis

2 thoughts on “Quelques considérations économiques, encore – 7/9”

  1. Cher Olivier, ta série d’articles sur l’économie est vraiment passionnante pour une néophyte comme moi mais qui se situe résolument dans le camp libéral. L’étendue de ta culture m’étonnera toujours, il y a longtemps que je n’étais pas passée sur ton site. Bravo !

    1. Chère Danilette,
      J’ai écrit ces textes durant le confinement, en souvenir d’un professeur d’économie (enseignement secondaire) qui m’a donné la passion des mécanismes économiques et de l’histoire économique dont je ne suis en rien un spécialiste. Pour le reste, il suffit d’avoir quelques repères et de savoir mettre en forme une documentation établie par d’autres.
      J’ai été très impressionné par le très long article de Jean-Pierre Bensimon sur ton blog, article intitulé « L’hégémonie chinoise sur la planète passe par le Moyen-Orient ». Les analyses de cet homme m’ont toujours impressionné. Shalom l’amie.

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