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Miscellanées – 8/9

 

Entrevue avec Carmen Iglesias, première femme responsable de la Real Academia de la Historia (dans El Mundo du 15 décembre 2018). Carmen Iglesias se dédie à l’élaboration du Diccionario Biográfico electrónico, un dictionnaire interdisciplinaire qui s’efforce de rendre compte de plus de vingt-cinq siècles d’histoire dans ces régions du monde diversement marquées par la présence espagnole, un travail immense et en constante élaboration.

Sa référence à Karl Popper (sa théorie des trois mondes). Sa référence aussi à Isaiah Berlin qui disait que si nous ne cherchons plus des vérités absolues avec majuscules, tout n’est pas pour autant relativisme absolu. Il y a une vérité factuelle que certains s’emploient à nier ; et parmi les politiques le mensonge institutionnel est particulièrement grave parce qu’il érode la confiance. Les faits sont incontestables, l’action est irréversible.

 

Carmen Iglesias (née en 1942)

 

A propos de la mémoire historique, Santos Juliá invite à opérer une distinction entre « amnistía » et « amnesia » (« Amnistía nunca fue amnesia » et « Amnistía como triunfo de la memoria »).

Carmen Iglesias dénonce discrètement Jean-Jacques Rousseau, à la manière de Frédéric Bastiat dans « Harmonies économiques ». L’a-t-elle lu ? Elle évoque Richard Sennett et son livre « The Fall of Public Man » dans lequel il décrit l’homme naturel qui se revendique à la fois comme être social et individu, et qui passe à un je psychologique qui s’éprouve comme parfaitement innocent face à un monde pervers, un phénomène auquel Jean-Jacques Rousseau a pris une large part. Autrement dit, c’est toujours l’autre qui a tort. Et plutôt que de débattre d’une manière posée, on l’attaque, on juge que ses arguments sont autant d’armes dirigées contre nous et on s’enferme dans la paranoïa. Il me faudra lire ce livre.

Le mensonge s’installe, il est même cultivé, notamment avec la question catalane qui fait essentiellement appel aux passions et au désir d’écraser l’opposant. Ainsi, dans certaines universités, rapporte Carmen Iglesias, des référendums ont été organisés à partir d’un mensonge, en oubliant que le roi exerce tout au plus un rôle d’arbitre et que ce n’est en aucun cas lui qui décide. La question n’est pas Monarchie ou République mais Démocratie ou Dictature. Les dirigeants politiques devraient relire Montesquieu afin de ne pas oublier combien le pouvoir finit par corrompre et pour diverses raisons, et d’abord parce qu’il coupe de la réalité et en fait perdre le sentiment.

 

La découverte de fossiles humains au Maroc questionne les débuts de l’Homo sapiens. Son berceau n’aurait pas été simplement une région d’Afrique, mais (presque) toute l’Afrique. Le passage de l’Afrique orientale au Maroc par le Sahara n’était alors pas si malaisé : cette immense étendue de sable était alors une savane avec ses cours d’eau et ses lacs. L’hypothèse Out of Africa (il y a cinq cent mille ans) est remise en question suite à cette découverte au profit d’une autre hypothèse : le multi-régionalisme africain. Selon cette hypothèse, l’Homo sapiens se serait constitué par interconnexions de groupes humains sur le continent africain. L’hypothèse Out of Africa soutient par ailleurs que l’Homo sapiens aurait remplacé d’autres populations hors d’Afrique sans se mêler à elles ; or, nous savons depuis peu qu’il n’en a rien été et qu’il s’est mêlé aux Néandertaliens et aux Dénisoviens. Certains spécialistes jugent que ces ossements trouvés au Maroc (compte tenu de la morphologie du crâne) n’appartiennent pas à la catégorie Homo sapiens. D’autres hypothèse, comme la coexistence en Afrique d’espèces d’Homo différentes, comme l’Homo naledi et l’Homo heidelbergensis.

 

L’idée de verser aux salariés l’intégralité de leur salaire, j’ai bien dit l’intégralité, toutes retenues comprises (dont les prestations sociales) afin qu’ils cotisent – ou non – à des assurances de leur choix. Il faudrait que cette idée (qui m’est venue très tôt) soit appliquée à tous. Le système de solidarité (très précieux) serait alors volontaire et non plus coercitif. Une personne doit être libre de s’assurer où elle le désire, comme elle est libre d’acheter ou ne pas acheter telle ou telle voiture. Cette démarche permettrait par ailleurs aux assurés de prendre conscience du vrai coût des assurances (assurance maladie par exemple) tout en les responsabilisant : définir leur attente, mesurer les risques, etc.

L’État a été conçu a priori pour protéger les individus et les biens, une protection qui a un prix : ce qui protège est aussi ce qui domine. Les hommes d’État et les organismes qu’ils dirigent ont bénéficié de privilèges immenses, des privilèges qui peu à peu ont perdu toute justification étant donné que l’État a fini par oublier sa mission première – ou à s’en éloigner – sans pour autant remiser ses privilèges. L’État est devenu tellement proliférant qu’il ne sait même plus où est son centre. Ses tentacules poussent en tous sens sur maints territoires où ils n’auraient jamais dû pénétrer. L’État a véritablement perdu la tête et ses tentacules sont devenus fous, hors contrôle.

 

Guerre Civile d’Espagne, sur le front de Madrid, une vue de la Ciudad Universitaria.

 

Un épisode de la Guerre Civile d’Espagne (le 8 mars 1939 devant Madrid) qui m’était inconnu et dont je prends connaissance par El Mundo du 17 février 2019. Il est vrai qu’il a été découvert il y a peu par l’historien Pedro Corral, à l’Archivo de Salamanca, et rapporté dans son livre : « Eso no estaba en mi libro de la Guerra Civil ». Brièvement. Alors que les Républicains se battent entre eux dans Madrid (suite au coup porté contre le chef du Gouvernement, Juan Negrín), les Nationalistes décident de tâter la résistance de ceux qu’ils veulent déloger depuis novembre 1936 et qui leur ont lancé : ¡No pasarán! Franco n’était probablement pas au courant de cette opération planifiée par trois colonels désireux d’entrer les premiers dans la capitale. Tous étaient convaincus, des officiers supérieurs aux simples soldats, que considérant les combats entre Républicains il ne pourrait s’agir que d’une promenade militaire et que Sigismundo Casado les accueillerait à bras ouverts. L’Archivo de Salamanca conserve les interrogatoires de dix-neuf prisonniers nationalistes qui tous relatent leur enthousiasme : la guerre touchait à sa fin et plus un coup de feu ne serait tiré, ou presque. Mais cette attaque devant Madrid et sur trois secteurs allait se solder par de lourdes pertes pour les troupes de Franco, cinq cent quinze tués, blessés et prisonniers.

 

Pour Ulrich Beck, les théories politiques et sociales collent encore trop au schéma national dépassé par les nouvelles configurations. Il me faudra approfondir la pensée de cet Allemand né en 1944. J’apprécie le calme avec lequel il désigne de nouvelles figures en constante formation, un calme de scientifique (d’observateur). J’apprécie également son esprit polémique – il faut lire ses conversations avec Johannes Willms. La fondation d’un État mondial n’est pas souhaitable selon Ulrich Beck, car il représenterait le comble de l’idéologie nationaliste. A ce propos, j’imagine des entretiens Ernst Jünger (auteur de « L’État universel ») – Ulrich Beck.

 

Les dessins de Gallego & Rey, un duo de Madrilènes nés en 1955, José María Gallego y Julio Rey.

 

Un dessin de Gallego & Rey. Le dessin montre Pablo Iglesias de Podemos à l’époque où il se croyait le meilleur ; à gauche, Mariano Rajoy du PP et, à droite, Pedro Sanchez du PSOE.  

 

En lisant Jürgen Habermas. L’immigration ne saurait expliquer à elle seule la poussée populiste – un mot qui ne me satisfait guère car il est employé sans rigueur et à des fins trop souvent partisanes. L’opinion publique est devenue en partie eurosceptique suite à la controverse politique visant à régler la question de la dette souveraine provoquée par la crise du secteur bancaire. En Allemagne, le parti AfD a été fondé par un groupe d’économistes et de chefs d’entreprises autour de l’économiste Bernd Lucke ; tous redoutaient la « mutualisation des dettes ». Dans le débat international entre économistes, les critiques les plus virulentes contre les politiques d’austérité imposées par Wolfgang Schaüble et Angela Merkel sont principalement venues du monde anglo-saxon, une polémique qui n’a guère été relayée dans les principaux médias d’Allemagne. De fait, au cours de la décennie qui a suivi cette crise majeure, l’opinion publique s’est structurée essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, à l’intérieur des frontières nationales et elles n’ont guère communiqué entre elles, d’où les analyses et les conclusions contradictoires d’un pays à un autre. Dans la zone européenne, il y a trop souvent dialogue de sourds, chaque pays n’évoquant que ses propres problèmes sans comprendre qu’il est monté avec d’autres dans une même embarcation et que, de ce fait, lui et ces autres auront à affronter les mêmes dangers, d’où la nécessaire coopération. Cette image mise en avant par Jürgen Habermas, et plus généralement par les europhiles, a ses limites et doit être employée avec précaution. De fait, elle cherche à décourager d’emblée toute critique. Elle me fait par ailleurs penser à ces fanatismes qui, par exemple, veulent soigner les insuffisances du communisme par plus de communisme ou celles du libéralisme par plus de libéralisme.

A dire vrai, je comprends l’inquiétude d’Angela Merkel face aux demandes insistantes de la France (en la personne de son président de la République Emmanuel Macron) pour une « mutualisation de la dette » au nom de la solidarité européenne. Que l’État français se réforme en commençant par une très sérieuse cure d’amaigrissement ; sa gourmandise est fatale au pays et, pour continuer avec l’image de l’embarcation mise en avant par Jürgen Habermas, elle rapproche dangereusement la ligne de flottaison de la surface de l’eau. On traitera la chancelière d’avare et d’égoïste, comme il m’est arrivé de le lire dans des médias français, mais solliciter ainsi son voisin et le tirer par la manche sans même commencer à se réformer est inadmissible. On peut venir en aide à une personne qui meure de faim mais pas à une personne qui s’empiffre et souffre de tous les maux qu’amène l’obésité. Tout au plus peut-on lui conseiller une diète.

 

Chez Franz Kafka, le rapport de l’écriture au corps est effarant, effrayant, c’est aussi pourquoi ce livre intitulé « Kafka, le corps dans la tête » de Ghyslain Lévy et Serge Sabinus m’a sauté aux yeux. Si ma mémoire ne me trahit pas, je l’ai trouvé chez un bouquiniste de la rue Dauphine, à Paris, au sortir du passage Dauphine.

J’ai commencé à entrevoir ce rapport effarant et effrayant par le « Journal » puis par la « Correspondance » par lesquels j’ai abordé cette œuvre. Ce rapport est me semble-t-il unique dans l’histoire de la littérature occidentale et peut-être même mondiale. Il s’inscrit dans la fusion du figuré et du propre qui parcourt tous les écrits de Franz Kafka (voir les articles que j’ai écrits à ce sujet). Son attention à la tuberculose et aux bruits qu’elle provoque à l’intérieur de son corps.

Je n’ai pas vraiment lu ce livre, j’y ai picoré et en tous sens, à la manière d’un oiseau, à coups de bec précis et rapides. C’est un livre écrit par deux analystes ; j’y respire mal, jamais à pleins poumons. Il est vrai que les co-auteurs ont la « gentillesse » d’avertir le lecteur : « L’on ne s’étonnera pas de ce qu’un analyste, lorsqu’il rencontre un autre analyste, vous raconte quelque histoire de famille ». Précisément, les histoires de famille, j’y étouffe et ma mère y a étouffé, au figuré comme au propre, le cancer ayant finit pas obstruer les voies vitales, sa respiration en particulier. J’ai toujours redouté les histoires de famille, c’est pourquoi je me suis souvent bouché les oreilles lorsque je ne me suis pas glissé hors de la pièce – la pièce, soit un espace délimité mais aussi une représentation.

 

J’aime / Je n’aime pas, une technique d’autoportrait parmi d’autres, autoportrait par petites touches et, comme avec « Je me souviens » (voir Georges Perec et Joe Brainard), un leitmotiv qui donne une homogénéité à l’ensemble et, surtout, en stimule l’élaboration. Georges Perec et Roland Barthes ont fait appel à cette technique (voir en ligne).

Début d’un « J’aime » : J’aime observer le potier qui donne forme au bloc d’argile sur son tour. / J’aime Chubby Checker ; et lorsque la tristesse me prend, j’écoute volontiers « Let’s Twist Again ». Même remarque avec Monty Python. / J’aime faire sécher mon linge au soleil. / J’aime l’étrave qui fend la vague. / J’aime la vague qui lisse l’estran puis y laisse des ripple marks. / J’aime les trench coats. / J’aime le silence des bibliothèques et la fraîcheur des églises. / J’aime Clint Easwood, Sergio Leone et Ennio Morricone. / J’aime le Theme Song des Benny Hill shows qu’accompagne The Edwin Davids Jazz Band. / J’aime lorsque les réacteurs montent en puissance alors que l’avion s’est positionné pour le décollage. /J’aime The Pink Panther Theme avec la musique de Henry Mancini & His Orchestra. / J’aime marcher dans la forêt qui s’égoutte. / J’aime la purée mousseline, et d’abord pour son nom : mousseline… / A suivre.

Début d’un « Je n’aime pas » : Je n’aime pas les légumes bouillis. / Je n’aime pas les alcools distillés. / A suivre.

Olivier Ypsilantis

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