En header, André Lhote dans le Tassili.
Style jésuite, une désignation (abusivement) donnée au début du XXe siècle au style baroque. On pensait que la Compagnie de Jésus avait eu un rôle prépondérant dans l’élaboration de ce style, en Italie puis ailleurs. Or, les églises de la Compagnie de Jésus n’étaient pas plus chargées en ornements que les autres églises. La seule influence patente des Jésuites en architecture doit être recherchée dans la diffusion d’un plan d’église adapté à la prédication. Voir le plan dessiné par Vignole (en 1568) pour l’église mère, à Rome, la chiesa del Gesù, un plan qui n’a pas été exclusif puisque nombre d’églises jésuites dispersées dans le monde ont volontiers cherché à composer avec les traditions locales. Voir ces églises des Flandres dont la structure reste fidèle au gothique brabançon.
Influence de l’art hittite sur l’art assyrien (voir détails).
La systématisation des verticales et des horizontales aurait été inspirée à Piet Mondrian par les structures des maisons japonaises, des structures que je me souviens d’avoir placées dans mes premières pointes-sèches afin de donner plus de pertinence aux feuillages et aux nuages. La pertinence d’un paysage vu d’une fenêtre…
L’influence de De Stijl (revue publiée de 1917 à 1928) sur le Bauhaus, une influence qui aida ce dernier à dégager le fonctionnalisme de ses tendances expressionnistes.
Raphaël, le modèle d’Ingres, modèle jugé inimitable. Prééminence donnée au dessin (la part mentale) sur la couleur. Répudiation du beau idéal des davidiens (qui renchérissent sur David). Théodore Chassériau entre Ingres et Delacroix.
L’une des réalisations suprêmes de l’architecture mondiale, l’octagon de la cathédrale d’Ely, érigé au-dessus de la croisée du transept, avec foisonnement de nervures qui masque tout le nu de la voûte, une évolution commencée dans l’early english. L’octagon, soit huit volumes curvilignes en pierre parcourus de nervures qui aboutissent à une lanterne en bois (octogonale) avec voûte en étoile elle aussi richement nervurée.
Ely Cathedral (Cambridgeshire), the Central Crossing and Octagon Tower.
Erwin Panofsky et ses passionnantes propositions contenues dans « Architecture gothique et pensée scolastique » (1951). Ci-joint, une brève présentation de cet ouvrage non moins stimulant que « Renaissance et Baroque » de Heinrich Wölfflin :
http://www.scienceshumaines.com/architecture-gothique-et-pensee-scolastique_fr_13035.html
Sir Henry Cole (1808-1882). C’est notamment sur ses conseils que fut édifié à Londres le Crystal Palace Exhibition (1851). Le concept d’utilité défini comme fondamental par Richard Redgrave, en rapport avec la philosophie utilitariste de John Stuart Mill. John Ruskin fit dévier le mouvement du design initié par Sir Henry Cole (voir « Seven Lamps of Architecture »), John Ruskin qui accusait la société industrielle d’assassiner l’art.
Les Dominicains en France et le plan d’église à deux nefs, l’une réservée aux fidèles et l’autre aux frères (dominicains). Voir la grande nef à deux vaisseaux des Jacobins, à Toulouse, nef que termine le célèbre « palmier des Jacobins ».
L’un de mes styles français préférés — et peut-être mon préféré —, le style Directoire. Apparaît à la fin de la Terreur. Poursuit les formes du style Louis XVI mais avec une volonté de simplification très affirmée. L’influence grecque y est prononcée. Voir la mode du trépied (à divers usages). La forme de certains meubles est directement inspirée de peintures sur vases (grecs). Les dossiers de chaises décorés de palmettes à jour dans le salon de mes grands-parents, palmettes dont enfant je suivais chaque ligne avec un plaisir gourmand — et de fait, ces lignes courbes suprêmement élégantes me nourrissaient. Le style Directoire, les Incroyables et les Merveilleuses, deux désignations qui passent dans mes souvenirs scolaires. Le Directoire désigne aussi une mode féminine que je préfère à toutes les autres. En revenir à cette mode inspirée des modes grecques de l’Antiquité avec robes-tuniques tenues sous les seins par une ceinture.
Un exposition vue alors que j’étais adolescent, « L’École de Fontainebleau » (à Paris, au Grand Palais, du 17 octobre 1972 au 15 janvier 1973). L’École de Fontainebleau et ce style élaboré à Fontainebleau, sous François Ier. Style composite inspiré du maniérisme italien. Art symbolique à tendance ésotérique (dans sa version française). Prédilection pour les formes allongées (érotisation) dérivées du maniérisme du Parmesan, avec pour thème de prédilection la mythologie de Diane et des Nymphes.
Le sens péjoratif dont on a commencé par charger le mot maniériste (manierismo), soit une décadence qui aurait caractérisé la fin de la Renaissance. Au début du XXe siècle, des écrivains de langue allemande confèrent enfin à ce mot des forces positives. Voir notamment les travaux de Gustav R. Hocke. Naissance du maniérisme à Firenze du vivant de Raphaël. 1527 (année du sac de Rome par les armées impériales) est considéré comme l’année de la naissance du maniérisme ; il restera actif en Italie jusque dans la dernière décennie du XVIe siècle. Ses développements ultérieurs dans le monde. Le maniérisme, une tension plus ou moins consciente entre l’académisme (admiration pour les maîtres de la Renaissance, avec codification des règles de l’architecture à la manière antique, avec élaboration de traités) et la transgression de ses règles avec surcharges dans l’ornementation — voir l’influence des architectures provisoires pour festivités. Thème de prédilection, la villa où la nature et l’art sont pensés comme entité organique. La plus célèbre de ces réalisations, la villa d’Este, à Tivoli. Voir aussi le parc de Bomarzo (province de Viterbe), le Parco dei Mostri. Le maniérisme, linea serpentina en peinture et en sculpture. Étudier le rapport entre l’inquiétude sociale (suscitée par les transformations économiques) et le style maniériste. Principaux centres du maniérisme international : la cour des Médicis à Florence, celle de Henri VIII à Londres, des rois François Ier et Henri II à Fontainebleau, puis Prague avec Rudolf II. Voir aussi l’Europe du Nord. La profusion des formes activée par les antagonismes Réforme / catholicisme, religiosité / humanisme ; il y en a d’autres.
Les jardins Albert Kahn, à Boulogne, dans les Hauts-de-Seine. Superficie totale de ces jardins (à l’anglaise, à la française, japonais, etc.), à peine 4,5 ha. Cet idéal de paix universelle auquel travailla un homme qui s’était constitué une immense fortune qu’il consacra intégralement à sa réalisation. Outre les jardins, l’archivage du monde pour une meilleure connaissance entre les peuples. En 1898, il créa à cet effet les « Bourses autour du monde ». 1907, l’invention de l’autochrome (par les frères Lumière) lui donna l’occasion d’un archivage plus systématique ; et ce fut la création des « Archives de la planète ». Entretemps, il ne cessa d’amplifier et de peaufiner l’aménagement de ses jardins de Boulogne, une métonymie du monde.
Un plan de l’ensemble conçu par Albert Kahn, avec ses forêts et ses jardins.
Décembre 2007. Trois jours de fièvre. Une épidémie dans le quartier (?). Tous les hommes sont alités. Les femmes semblent mieux résister. Nuits étranges où des impressions et des idées passent en boucle, certaines de plus en plus méconnaissables, effrayantes à l’occasion. Je tente de me concentrer sur un livre ; et lorsque j’y parviens, tout va mieux. Ce livre, « A la découverte des fresques du Tassili » de Henri Lhote, est passionnant, plus passionnant que n’importe quel roman. A vrai dire, je ne connais pas de livres plus passionnants que les écrits des archéologues et des ethnologues, ceux qui sont aussi des écrivains, bien sûr, et non pas de simples universitaires ou doctorants. Et je pense une fois encore à André Parrot (ses fouilles à Mari), à Alfred Métraux (ses travaux sur l’île de Pâques et les Indiens d’Amérique du Sud), au R. P. Gustavo Le Paige (sa vie à San Pedro de Atacama) et à quelques autres.
« A la découverte des fresques du Tassili » est dédié à l’abbé Breuil (de ces grands archéologues qui furent aussi des écrivains) dont les publications sur l’art pariétal et les industries lithiques passionneront aussi les non-spécialistes ; l’abbé Breuil, parrain de cette expédition organisée dans le Tassili (Sahara algérien) en 1956. Des peintures pariétales y avaient été découvertes, par hasard, en 1933, par un officier méhariste, le lieutenant Charles Brenans, des découvertes échelonnées entre 1933 et 1939.
Henri Lhote décrit ainsi l’espace dans lequel il va vivre et travailler avec son équipe : « Le Tassili-n-Ajjjer se trouve au nord-est du Hoggar et confine, dans sa partie orientale, au Fezzan. C’est un plateau gréseux, d’accès difficile, qui supporte toute une série de petits massifs secondaires, fortement érodés, à travers lesquels on circule par d’étroits couloirs que surplombent des falaises et des champs de colonnes évoquant des villes mortes. Aujourd’hui, tout cela est vide et il y règne un silence oppressant. Autrefois, par contre, ces couloirs étaient autant de rues habitées, car la plupart des falaises sont érodées à la base et présentent d’assez profondes excavations qui offraient des abris naturels aux populations primitives. Celles-ci ont disparu, mais elles ont laissé leurs traces sur les parois de leurs anciennes demeures, couvertes de centaines de peintures ».
Henri Lhote et son équipe resteront seize mois sur ce plateau, allant de découverte en découverte, établissant site après site des copies fidèles de toutes les fresques rencontrées. Il décrit non seulement ces découvertes et le travail d’archéologue qui s’en suit mais aussi la vie de l’équipe dans l’un des paysages les plus arides de la terre et privé de toute ressource. Il affirme n’avoir tenu que parce lui et ses collaborateurs étaient intimement convaincus d’enrichir la connaissance du patrimoine de l’humanité. « Ce que nous avons vu en effet dans le dédale des rochers du Tassili dépasse l’imagination ». Ainsi, l’équipe a relevé des centaines et des centaines de parois peintes avec des moyens artisanaux, rien à voir avec le luxe de technologies dont dispose aujourd’hui l’archéologie.
Henri Lhote et son équipe ont travaillé sur (au moins) huit millénaires d’histoire. « Les peintures du Tassili constituent de véritables archives qui permettent d’avoir une idée très nette de l’ancien peuplement du Sahara, des différents types de populations qui s’y sont succédés, des vagues de pasteurs qui l’ont parcouru, des influences étrangères qui sont intervenues. Grâce à elles également, on peut suivre l’évolution de la faune, et, par voie de conséquence, l’évolution climatique et les progrès de l’assèchement qui devaient aboutir à l’état désertique actuel. » C’est l’un des livres les plus passionnants et les plus émouvants que j’ai lus.
(à suivre)
Olivier Ypsilantis