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En lisant Arnold Lagémi 2/2

 

Sur le blog d’Arnold Lagémi — http://www.arnoldlagemi.com/ — un article mis en ligne le 30 mai 2012 m’a conforté dans ce que je pense. Cet article s’intitule ‟La terre et la Loi étant indissociables, le non-Juif sioniste est un Juif en puissance !” Cet article m’a stupéfié : tout en le lisant, j’ai eu le sentiment de l’avoir écrit — comme dans un songe…

 

Technion University Haifa, juillet 2002. Maj. Gen. Gil Regev dialoguant avec des étudiants juifs éthiopiens. 

 

L’article en question s’ouvre sur ces mots : ‟Reconnaître Israël n’est pas sans conséquence.” ISRAËL, soit L’ÉTAT D’ISRAËL. Reconnaître Israël est lourd de conséquences. Disons-le, on ne se fait pas beaucoup de potes lorsqu’on reconnaît Israël. Par ailleurs, on est sans cesse sommé de s’expliquer… ou de se taire. Il est vrai qu’on se fait aussi des amis ; et pour ma part, je préfère un ami à mille potes, dix mille potes et plus encore…

 

Affirmer le droit des Juifs sur leur terre est l’une des premières initiatives qui enclenche de facto la procédure de la conversion, en conscience d’abord, dans les faits ensuite. Pourquoi ?” Cette remarque m’a sauté à la gorge. Je l’ai aussitôt rapportée à mon histoire personnelle. Je ne suis pas juif mais sioniste, sioniste ‟jusqu’à la moelle”. Par ailleurs, la présence juive dans le monde — l’extraordinaire présence juive dans le monde — me tire par la manche depuis longtemps, depuis mon enfance pourrais-je dire. Mon intuition m’a toujours soufflé qu’il y a bien une centralité d’Israël, une interrogation toujours béante à laquelle il faut se confronter. L’interrogation que propose Israël (Israël, soit le peuple juif mais aussi l’État d’Israël) s’adresse à tous et pas seulement aux Juifs, même si elle s’adresse à eux en priorité. Cette interrogation est morale, elle est le message du judaïsme au monde, avec la Torah en frontispice. Elle est également historique. L’histoire des relations des Juifs avec les autres, à commencer par les Chrétiens et les Musulmans, est révélatrice pour tous. L’histoire des relations entre Juifs et Chrétiens me semble particulièrement obscure, tragique. Cette affirmation choquera ceux qui manquent de recul, qui sont collés aux actualités comme des mouches à du miel. Pourtant, qu’Israël et les Juifs soient menacés par l’Islam, que des Chrétiens de diverses obédiences souffrent et meurent de la main de Musulmans, et qu’une menace commune rapproche Juifs et Chrétiens, n’autorise pas ces derniers à faire l’économie d’un questionnement infatigable sur le judaïsme, le peuple juif et le sionisme. Le chantier est immense ; il relève de la politique des grands travaux mais aussi de l’archéologie. Le christianisme est ce qu’il est, il ne vient en aucun cas accomplir le judaïsme — et je précise une fois encore que je ne suis pas l’organisateur d’un hit-parade des religions, avec Israël au plus haut du podium. Je ne souffre d’aucune exaltation particulière, et je ne crois pas avoir été envoûté par des Sages de Sion, mais je sais que : ‟Le message dont Israël est porteur est exclusif, parce que l’État d’Israël n’est pas n’importe quel État. Estimer qu’Israël a raison n’a aucun lien avec la même réalité appliquée à l’Italie ou à l’Angleterre, par exemple. Israël est un peuple à vocation universelle. Qu’il ait tort ou raison ne saurait se limiter au temps ou à l’espace où cette réalité est notifiée. Ce qui se passe en Israël a des conséquences planétaires. Il suffit d’ouvrir un journal !

 

Cette remarque me fait penser à un vieil ami juif, aujourd’hui décédé. Ce rescapé d’Auschwitz qui avait presque cinquante ans de plus que moi me disait souvent : ‟Mais Olivier, nous sommes un tout petit peuple et on n’arrête pas de parler de nous !” Je n’ai pu qu’acquiescer. Mais pourquoi cette centralité d’Israël ? Aucune réponse ne saurait en finir avec une telle question. Il y a tout de même qu’Israël est un pays à vocation universelle, une vocation que le christianisme et l’islam se sont efforcés et s’efforcent de lui dérober par toutes sortes de moyens. Il est vrai que le christianisme (occidental tout au moins) s’est de ce point de vue grandement calmé. L’islam quant à lui, profondément déconcerté par la fondation — ou plus exactement, par la re-fondation — de l’État d’Israël qui bouleverse ses mécanismes mentaux, montre à présent une virulence extrême envers cet État et, plus généralement, envers les Juifs. La rencontre du Coran et des ‟Protocoles des Sages de Sion” (le livre le plus lu en pays arabe, après le Coran), un faux concocté chez nous, en Occident, produit des effets d’une violence dont nous n’avons pas pris toute la mesure, une violence qui elle aussi atteste à sa manière de la centralité d’Israël, ce qui m’amène à citer la suite de l’article d’Arnold Lagémi : ‟L’Église n’aurait pas légiféré des siècles durant à ce propos si le peuple juif n’était pas une centralité qu’il fallait bousculer.

 

Et loin de moi l’envie d’attaquer la foi des uns et des autres. Je n’ai pas accès à leur conscience profonde, je ne suis le gardien d’aucun dogme, d’aucune propriété dans la foi. Mais ainsi que je l’ai souvent écrit, cette notion de peuple juif est fondamentale. Elle draine une richesse aux expressions multiples. C’est pourquoi les Juifs ne sont pas que des Israélites ainsi que s’efforcent de nous le faire accroire les Arabes (et, plus généralement, les Musulmans), soucieux de découpler la pratique religieuse de la terre, de ne faire des Juifs que les tenants d’une religion, sans lien avec une terre, la terre d’Israël en l’occurrence. La manœuvre est habile et passe souvent inaperçue. C’est pourquoi dans certains cas, et dans certains cas seulement, je n’aime guère la désignation ‟Israélites”. Elle me semble limitative en regard de la désignation ‟peuple juif” — ou ‟peuple d’Israël”.

 

Accepter, admettre et RECONNAÎTRE comme Chateaubriand que les « Judéens sont les maîtres de la Judée », c’est affirmer la validité de la prétention hébraïque. On ne peut vis-à-vis d’une Nation à vocation universelle reconnaître l’authenticité d’une fraction de son patrimoine comme on le ferait d’une Nation dont l’idéal serait de vivre, chez elle, sous son arbre, à l’abri du soleil.” Une fois encore, je ne changerai pas un iota à ce que dit Arnold Lagémi. Israël est une nation à vocation universelle, par ses enseignements et ses invitations, une nation gardienne d’un message toujours actif, ce qui oblige à une certaine radicalité : on ne peut faire le tri dans son immense patrimoine ; autrement dit, tout est à prendre ou tout est à laisser. Pour ma part, mon choix est fait : tout ce qui est Israël me stimule et je ne puis que l’en remercier.

 

‟Affirmer que le sionisme est l’assise légitimant la présence des Juifs sur la terre d’Israël ne peut se limiter à justifier un nationalisme, parce que la vocation juive dépasse le nationalisme.” Bien sûr. M’attarderais-je ainsi auprès d’Israël si j’avais la conviction d’avoir affaire à un simple nationalisme ? Si tel était le cas, je m’en éloignerais sans tarder pour porter mon attention sur d’autres sujets. Mais je sais que les questions que pose Israël sont centrales. Est-ce un hasard si ce peuple et ce pays irritent tant de monde ? Si tant de monde aimerait que l’on n’en fasse pas si grand cas. Le sioniste non-juif ne choisit pas la voix facile. Il est sans cesse sommé de s’expliquer tandis que l’anti-sioniste non-juif peut s’adonner en toute quiétude au hamac ou à la chaise-longue à longueur de journée. C’est probablement l’une des raisons qui expliquent le si grand nombre d’anti-sionistes. L’anti-sionisme assure une tranquillité de club de vacances, de centre de thalasso, tandis que le sioniste est toujours plus ou moins sur le pied de guerre. Mais je ne vais pas forcer la note car le sionisme sait favoriser de puissantes amitiés, des amitiés exigeantes, de vraies amitiés. Rien à voir avec ces sombres sentiments qui font s’agglutiner des masses toujours augmentées, animées par l’envie et le ressentiment envers un peuple qui ne peut vivre qu’en exigeant sans trêve de lui-même. Le sionisme est aussi un aristocratisme, et comprenne qui voudra.

 

‟On n’est pas l’ami d’Israël en admettant son « originalité universelle » comme on pourrait se déclarer ami de la Grande-Bretagne, par exemple. Parce qu’être l’ami de la Grande-Bretagne n’engage pas la conscience, n’a pas d’incidence sur la conception morale.” On en revient à l’exigence, exigence du peuple juif envers lui-même, exigence sans laquelle l’élection ne serait qu’une insupportable prétention. Par ailleurs, l’ami d’Israël — le sioniste — doit sans cesse approfondir cette notion d’originalité universelle, une formulation que j’aime particulièrement et qui tire sa beauté et sa force du paradoxe — la beauté et la force du paradoxe. Israël tire d’immenses énergies mentales du paradoxe. A ce propos, je pourrais en venir à l’humour juif qui plus que tout autre humour joue avec le paradoxe.

 

‟Mais si j’affirme que les Juifs sont chez eux en terre d’Israël, je soutiens un fragment seulement des prétentions hébraïques et je serais bien en mal d’expliquer et de justifier pourquoi j’ai éliminé les autres, pourquoi je valide le projet sioniste sans authentifier son essence, c’est-à-dire la vocation rédemptrice universelle notamment dont le processus commence par le retour d’Israël chez lui et la « conversion » des Nations.” Tout est à prendre ou tout est à laisser, redisons-le. Pour le sioniste que je suis, que j’ai toujours été, tant par l’instinct que par la réflexion, ces considérations d’Arnold Lagémi tombent sous le sens. Et elles m’émeuvent d’autant plus qu’avec les grandes manœuvres politiques en cours au Moyen-Orient (manœuvres qui font suite au ‟Printemps arabe”, une expression dont je me défie depuis le premier jour) et l’accession au pouvoir des Frères musulmans en Égypte, Israël voit la menace augmenter — et singulièrement. Je valide en moi-même le projet sioniste, sans rien en retirer, sans ergoter. C’est ainsi. Quelque chose en moi m’y incite. Ce fut d’abord un élan spontané que l’étude et le voyage n’ont fait que confirmer.

 

‟Si un Juif en devenant sioniste s’est réconcilié avec lui-même, un non-Juif, dans cette même perspective, a retrouvé des racines comme un trésor inestimable qu’il pensait ne pas être à lui mais dont il est un héritier direct depuis que son regard sur Israël s’est ennobli en devenant fraternel.” Ces lignes sur lesquelles Arnold Lagémi termine son article sont d’une justesse admirable. Les Chrétiens qui ont oublié Israël ne sont plus eux-mêmes. Ils sont prêts à toutes ces dérives qui n’ont apporté au monde que des catastrophes et qui ont contribué et contribuent à son appauvrissement, avec l’anti-judaïsme, l’antisémitisme et l’anti-sionisme. Et que la sympathie de certains Chrétiens envers le peuple juif et Israël ne soit pas un prétexte pour hâter leur conversion…

 

 

1 thought on “En lisant Arnold Lagémi 2/2”

  1. WAOUH !

    Olivier, que d’inspiration, que d’amour à travers ce texte magistral.

    J’en suis étourdie. J’apprends et me sens heureuse que demander de plus à la vie ?

    C’est peut-être parce que je suis juive non ? Apprendre et aimer…même racines en hébreu.

    Sois remercié mon ami chrétien, tu as certainement reçu une étincelle pour paraphraser une notion kabbalistique… 🙂

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