Deuxième partie
Chapitre 8. Dans ce chapitre, l’auteur s’interroge sur le comment devient-on militant ? Il le fait à partir de données sociologiques et psychologiques, avec les modèles familiaux (parents et fratries militantes), et la volonté de passer de « Juif victime » à « Juif qui se bat ».
Chapitre 9. L’auteur s’interroge sur les motivations et rétributions des militants juifs activistes – rétribution, un concept employé pour rendre compte des satisfactions que procure le militantisme. Une fois encore, l’auteur appuie son étude sur des entretiens dans lesquels transparaissent la conscience politique mais aussi le goût de l’action, de la bagarre.
Cette démarche militante peut se faire soit d’un coup, suite à une émotion, soit progressivement selon un processus dont rend compte le terme « shifter ». Ce goût de l’action peut être activé par le sentiment de « faire l’histoire : on n’est pas en Israël mais on contribue à le défendre, une attitude qui comble toute différence sociale et rapproche le Juif de Belleville et le Juif de Neuilly-sur-Seine. Et une fois encore, militer c’est refuser de subir, c’est agir sur la réalité, ne pas ruminer la Shoah, « la Shoah qui a engendré au sein du peuple juif une radicalité qui n’existait pas auparavant », dit un activiste juif. Ajoutons que cet activisme pouvait dévorer l’essentiel du temps et des forces de ces jeunes lycéens ou étudiants qui parfois étaient même amenés à abandonner leurs études.
Chapitre 10. Ne pas oublier les femmes, toujours très présentes dans la Résistance juive au cours de la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi dans les mouvements clandestins en Palestine mandataire, et au cours de la guerre d’Indépendance (1948-49), puis dans les forces armées israéliennes, la Haganah et Tsahal. Vladimir Jabotinsky (un visionnaire sur bien des points) avait insisté sur la force des femmes, au moins égales aux hommes et sur tous les plans. Les femmes sont moins portées sur la bagarre mais elles ont eu au sein des mouvements juifs activistes des rôles essentiels comme le renseignement ou la propagande.
Troisième partie
Chapitre 11. Ce chapitre s’ouvre sur une considération de l’historien israélien Yaïr Auron, auteur d’une étude intitulée « Les Juifs d’extrême gauche en Mai 1968 », sous-titrée « Cohn-Bendit, Krivine, Geismar… une génération révolutionnaire marquée par la Shoah ». Cet historien n’évoque que les militants juifs de gauche, non sionistes voire antisionistes ; mais ce qu’il écrit vaut pour tous les militants juifs activistes qu’évoque Pierre Lurçat dans la présente étude, qu’ils soient du Betar, de la L.D.J. ou autres organisations d’auto-défense juive. A ce propos, nombre de ces activistes ont été des enfants de Déportés ou de Résistants, ou des enfants cachés pendant la guerre. Il arrive même – et ce n’est pas anodin – que ces organisations juives activistes reprennent le nom d’organisations juives impliquées dans la Résistance comme l’Organisation juive de combat (O.J.C.).
Symbole des militants de la mémoire, le couple Klarsfeld, Serge et Beate. A noter que c’est Beate, une chrétienne, qui commence le combat contre les anciens nazis après avoir découvert le passé nazi du candidat à la Chancellerie, Kurt Georg Kiesinger qu’elle finira par gifler publiquement lors d’un congrès C.D.U. en novembre 1968. Le couple utilise la stratégie de la provocation afin de réveiller les consciences – voir la tentative d’enlèvement de l’ex-gestapiste Kurt Liskha, une stratégie qui sera reprise par le militantisme juif activiste. Suite à l’échec de cette tentative, les Klarsfeld décident de faite appel au Betar, et c’est Beate qui établit le premier contact. Le Betar va user de la provocation devant le bureau de Kurt Lishka, à Cologne. Le procès Lishka se tiendra dans cette ville, en 1979, en présence d’un millier de militants juifs activistes. Vingt ans après cette affaire, autre affaire, en 1992, à Rostock, sur la Baltique, avec violentes émeutes contre les Tsiganes venus de Roumanie. Serge Klarsfeld décide d’apporter son soutien à ces derniers, considérant tout ce que ce peuple avait enduré au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Il s’y rend avec quarante-six militants des Fils et Filles de déportés juifs de France (F.F.D.J.F.) ainsi que des militants du Betar et du Tagar qui doivent assurer la sécurité des membres des F.F.D.J.F., plus âgés et moins entraînés physiquement. Suite à cette affaire (je passe sur les détails) et à l’incarcération de trois militants juifs activistes en Allemagne, des membres de la communauté juive de Paris (toutes tendances politiques confondues) manifestent tous les soirs devant l’ambassade d’Allemagne. Un commando juif anonyme saccage la façade du Goethe Institut à Paris. Les trois militants sont libérés après intervention du gouvernement français.
Chapitre 12. L’activisme juif en France s’est principalement attaqué aux mouvements néo-nazis (et aux anciens nazis dans une moindre mesure) sans totalement négliger l’extrême-gauche et les organisations propalestiniennes. L’extrême droite néo-nazie comme l’extrême gauche ne sont en rien homogènes. Il s’agit de groupuscules souvent rivaux et toujours menacés de scission. Les activistes juifs les infiltrent autant qu’ils le peuvent afin de préparer des actions et, ainsi, susciter un climat d’inquiétude dans leurs rangs. Il y aurait un livre d’anecdotes à écrire à ce sujet, des anecdotes volontiers rocambolesques. Dans les années 1970 et au début des années 1980, les mouvements néo-nazis sont la principale préoccupation des organisations juives activistes. Parmi ces mouvements, la Fédération d’action nationale et européenne (F.A.N.E.), un mouvement ouvertement national-socialiste fondé en avril 1966.
Chapitre 13. Au cœur des actions militantes des organisations juives, le combat en faveur des Juifs d’U.R.S.S., un combat commencé en 1950 et qui se poursuivra jusqu’au début des années 1990. Ce combat a fédéré tant en Europe qu’aux États-Unis des Juifs d’origines sociales et politiques très diverses, opérant ainsi une pression maximale sur les autorités soviétiques. La guerre des Six Jours active cette mobilisation qui prend toute son ampleur dans les années 1970. Les mouvements juifs activistes agissent suivant deux axes : en coopération avec Israël pour envoyer des activistes sur place, en soutien aux refuzniks (soit des Juifs désireux de se rendre en Israël) ; en organisant des actions plus voyantes, par exemple en perturbant les spectacles du Bolchoï en tournée, en investissant les bureaux d’Aeroflot ou de l’Intourist à Paris. A chaque fois qu’un officiel soviétique se rend à Paris, les organisations juives manifestent. Elles ne sont pas les seules car les militants de la droite radicale et de l’extrême droite manifestent encore plus bruyamment. Un militant nationaliste s’immole par le feu le 10 février 1977, dans les bureaux d’Aeroflot, Alain Escoffier. Cet engagement crée à l’occasion des frottements entre organisations juives car certaines comme le Betar se préoccupent strictement du droit à l’émigration tandis que d’autres y ajoutent une connotation antisoviétique. Quoi qu’il en soit le seul à être vraiment sur le terrain est le Betar. Pierre Lurçat reconnaît qu’il est difficile d’évaluer l’importance du rôle tenu par l’activisme juif dans le combat pour la liberté des Juifs d’U.R.S.S. en regard du rôle tenu par l’action politique au niveau international. Les organisations juives combattent dans une optique sioniste, autrement dit pour faire passer les Juifs en Israël, tandis que Washington se bat pour qu’il y ait liberté de choix quant à la destination, ce qui ne plaît guère aux sionistes. Le Congrès américain et l’administration Reagan vont avoir un rôle décisif dans l’assouplissement de la position soviétique concernant les espoirs des Juifs du pays ; mais il est indéniable que les activistes juifs ont eu leur part dans cette évolution même s’il reste difficile d’en évaluer l’importance.
Chapitre 14. L’action du Tagar la plus médiatisée, l’affaire du Vel’ d’Hiv’, avec l’acquittement de Paul Touvier par la cour d’appel de Paris (13 avril 1992). A la cérémonie commémorative du 16 juillet 1992, au Vel’ d’Hiv’ donc, Pierre Lurçat est alors responsable du Tagar. Un tract est distribué, titre : « La gerbe de M. Mitterrand » où des questions sont posées au chef de l’État. Je reproduis l’intégralité du tract distribué par les membres du Tagar au cours de cette cérémonie, et je le reproduis en caractères gras :
Pourquoi M. Mitterrand refuse-t-il toujours de reconnaître officiellement les crimes commis par l’État français de Vichy contre les Juifs ? Pourquoi reste-t-il sourd à la demande des anciens déportés, résistants et de tous ceux qui luttent pour la mémoire ? Pourquoi veut-il à tout prix empêcher la justice de faire le procès de Vichy et de la Collaboration, au nom d’une fausse conception de la “paix civile” ? Pourquoi M. Mitterrand protège-t-il René Bousquet, ancien chef de la police de Vichy et responsable direct des rafles antijuives ? Pourquoi M. Mitterrand ne s’est-il jamais expliqué sur son passé sous l’Occupation et sur son activité au service du régime de Vichy pendant un an ?
(à suivre)
Olivier Ypsilantis