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Une suite espagnole – 4/10

 

Tableau 5

La création des Brigades Internationales coïncide avec l’apogée de la terreur stalinienne, soit les Grandes Purges (deuxième moitié des années 1930) qu’active la chasse aux trotskistes et à toutes sortes de supposés ennemis aux désignations diversement délirantes. Les noms de Kamenev et de Zinoviev suffisent à suggérer l’ampleur de cette terreur. Staline est occupé à consolider son pouvoir à l’intérieur de l’U.R.S.S., et envoyer des hommes dans ce lointain pays qu’est l’Espagne ne fait pas partie de ses priorités. Il lui faut des hommes particulièrement sûrs et aux yeux de Staline aucun homme n’est vraiment sûr surtout s’il est passé par l’Espagne… Il n’hésitera pas à le rappeler à la maison, ce qui ne signifiait généralement rien de bon… On se souvient du « rappel à Moscou » de Manfred Stern (général Kléber) pour ne citer que lui. Et en Espagne même, Staline liquidera bien des « suspects » avec ses Tchékas. L’exécution d’Andrés Nin (Andreu Nin) du P.O.U.M. reste tout un symbole.

La situation internationale est délicate. Si l’U.R.S.S. intervient directement en Espagne, elle risque de s’aliéner les démocraties liées au pacte de non intervention. Si elle reste en dehors de l’affaire, les puissances de l’Axe risquent d’établir en Espagne une puissante tête de pont. La menace nazie est un grand sujet d’inquiétude pour l’U.R.S.S. de Staline et elle le restera tout au long de la Guerre Civile d’Espagne. Staline hésite donc jusqu’à son entrevue avec Maurice Thorez, le 22 septembre 1936 à Moscou. A l’issue de cette réunion, il est décidé de mettre sur pied des unités constituées d’hommes venus du monde entier, bien armés, organisés et entraînés. Dans un premier temps, André Marty sera leur responsable. Staline est soulagé. Les Soviétiques seront positionnés à l’arrière-plan, avec techniciens, instructeurs et commissaires politiques. Les armes ne sont pas russes, tout au moins au début. Un organisme est mis en place dans toute l’Europe pour acheter de l’armement. Alors que les réserves d’or du Banco de España ont été envoyées à Moscou à titre de garantie, aucune arme soviétique n’a encore été utilisée en Espagne.

 

INTERNATIONAL BRIGADE Affiche de la guerre civile espagnole | Etsy France

 

Le 21 juillet 1936, le Komintern (Internationale communiste) et le Profintern (Internationale syndicale rouge) se réunissent à Moscou avec des membres du Présidium du Comité central du Parti communiste. Il est décidé d’aider la République espagnole mais sans plus de précision. Le 26 juillet de la même année, à Prague, le Komintern décide de l’envoi de cinq mille hommes bien équipés, avec l’appui d’avions soviétiques dont le nombre n’est pas précisé. On s’accorde également sur une aide économique de mille millions de francs, l’U.R.S.S. y contribuant à 90 %. La souscription s’ouvre en U.R.S.S. le 6 août 1936 et le 21 août la quantité de roubles récoltée s’élève à l’équivalent de 36 435 000 francs français. Le complément se fera dans les pays d’Europe et aux États-Unis.

Pour masquer la présence soviétique, il est décidé de déplacer vers l’ouest le centre de gravité des opérations du Komintern destinées à l’Espagne. Le choix s’arrête sur la capitale française. Le Komintern va étendre son rayon d’action en utilisant des organismes internationaux aux noms aussi trompeurs que pompeux. Le 31 juillet 1936 est mise sur pied une Commission de solidarité pour l’aide au peuple espagnol encadrée par la Croix Rouge Internationale dont les buts sont : 1. Lever des souscriptions parmi travailleurs dans toute l’Europe occidentale. 2. Mettre l’accent sur la nécessité d’aider les marxistes espagnols. 3 . Faire pression sur le gouvernement de Léon Blum pour qu’il aide sans tarder la République espagnole. Le Comité mondial de lutte contre la guerre et le fascisme adhère aux accords antérieurs et s’engage à recruter des hommes pour la défense de cette République. Le Komintern pour l’Europe occidentale organise une très efficace campagne de propagande orchestrée de Paris par Willi Münzenberg. Il est également prévu de mettre sur pied une Armée révolutionnaire mondiale à l’aide d’un vaste réseau de comités de base opérant dans toute la France. Le 28 juillet 1936, Staline prend la parole sur les ondes et déclare interdire tout transfert d’armes vers l’Espagne. En même temps, il convoque au Kremlin le bureau politique auquel il expose son plan, soit mettre en place en Espagne un régime à ses ordres, ce qui (selon ses plans) devrait amener l’Angleterre et la France à pactiser avec lui et, sur cette base, son but ultime, le plus important à ses yeux, parvenir à conclure un pacte avec l’Allemagne.

Les Brigades Internationales sont envisagées dès leur création comme le noyau d’une Armée révolutionnaire mondiale, ce que le délégué bulgare du Komintern, Georgi Dimitrov, déclare sans détour dans une allocution au VIIe congrès de l’Internationale communiste. Les Brigades Internationales seront le levier sur lequel agira le Komintern afin d’orienter la politique de la République espagnole dans la direction voulue par Staline, un projet habilement dissimulé car les hommes, les armes et l’argent destinés à l’Espagne ne doivent pas laisser soupçonner la marque soviétique ni même communiste. Ainsi l’efficacité de cette aide est-elle augmentée, permettant de ratisser large et d’attirer des humanistes, des pacifistes, des ennemis du fasciste – le mot « fasciste » étant d’une extraordinaire élasticité dans la propagande stalinienne – et toutes sortes de braves gens peu avertis.

Les Brigades Internationales gravitent donc dans l’orbe communiste, mais discrètement. Elles sont un instrument de Staline. Les Brigades Internationales et le fameux Quinto Regimiento sont des outils destinés à éviter que le République espagnole ne dévie de la ligne fixée par Staline. Et une fois cette république victorieuse, ces unités pourront être envoyées dans d’autres pays pour y propager la Révolution – le stalinisme.

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Un mot au sujet des Brigadas mixtas. Ces unités organisées au sein de l’armée du Frente Popular vont s’avérer très efficaces. De fait, il s’agit d’un changement très important par rapport à la structure divisionnaire, plus lourde et plus lente. La Brigada mixta intègre différents éléments tactiques (infanterie, artillerie, cavalerie et divers services) en une seule unité quasi autonome dans ses déplacements et au combat. Ce type d’unité a été mis au point par les Soviétiques.

La première Brigade Internationale porte le numéro XI, dix brigades espagnoles ayant déjà été formées. Elle est basée à Albacete. Après une formation d’une quinzaine de jours, elle est dépêchée sur Madrid pour participer à sa défense. La XIe Brigade Internationale est constituée de quatre bataillons dont les effectifs sont compris entre trois cent cinquante et quatre cent cinquante hommes, chaque bataillon étant appuyé par deux batteries d’artillerie légère, un peloton de cavalerie, une batterie antichar et des services comme les transmissions et l’état-major.

  Olivier Ypsilantis

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