Skip to content

Quelques notes, été 2022 – 5/7

(La photographe Margaret Michaelis / La photographe Kati Horna / Qui était Cristóbal Colón ?)

 

La photographe Margaret Michaelis-Sachs, née Margarethe Gross (Dzieditz, 1902 – Melbourne, 1985), est une grande témoin de l’Espagne des années 1930, plus particulièrement de Barcelone. A Barcelone, elle ne tarde pas à ouvrir des studios, le Foto-Studio puis le Foto-Elis. Grâce à son activité de photographe, elle ne tarde pas à prendre contact avec des architectes comme Josep Lluís Sert et Josep Torres i Clavé, membres du G.A.T.C.P.A.C. (en catalan : Grup d’Arquitectes i Tècnics Catalans per al Progrés de l’Arquitectura Contemporània ; en espagnol : G.A.T.E.P.A.C., soit Grupo de Artistas y Técnicos Españoles para el Progreso de la Arquitectura Contemporánea), un mouvement né en 1929 et qui se développe en Catalogne au cours des années 1930, un mouvement qui s’impose dans toute l’Espagne, sous la Seconde République. Le principal objectif de ce mouvement : promouvoir l’architecture d’avant-garde, plus particulièrement le rationalisme architectural alors très en vogue en Europe ; pensons en particulier au Bauhaus. Margaret Michaelis travaille pour la revue A. C. Documentos de Actividad Contemporánea de la G.A.T.C.P.A.C. Certaines de ses photographies rendent compte de l’architecture et de la vie en U.R.S.S. ainsi que de l’œuvre de Joan Miró.

 

Margaret Michaelis-Sachs, née Margarethe Gross (Dzieditz, 1902 – Melbourne, 1985)

 

Lorsqu’éclate la Guerre Civile d’Espagne, Margaret Michaelis est appelée par le Comisariado de Propaganda de la Generalidad de Cataluña, fondé en 1936. Son expérience de photographe intéresse la République. Margaret Michaelis rend compte de la vie dans Barcelone et ignore volontairement ce qui se trame au niveau politique. Elle rend compte de l’Espagne, de ses rues et de son peuple, comme l’a fait Nicolás Muller que j’ai évoqué.

L’exil juif aura permis d’enrichir considérablement la mémoire de l’Espagne des années 1930 : Nicolás Muller et Margaret Michaelis étaient juifs et fuyaient le nazisme. Parmi les plus grands photographes de la Guerre Civile d’Espagne, les Juifs sont très présents, à commencer par le célèbre trio : Robert Capa (Ernö Friedmann), Gerda Taro (Gerta Pohorylle) et David Seymour (Dawid Szymin), plus connu sous le pseudonyme de « Chim ». J’insiste sur ce point car j’ai découvert tardivement l’importance de l’exil juif en Espagne dans les années 1930, l’exil civil car je mets à part l’engagement dans les Brigades Internationales où la présence juive a également été très importante. J’ai pris pleinement conscience de cette présence en apprenant suite à une longue enquête que Marianne Cohn et sa famille avaient séjourné à Barcelone au cours des années 1930.

Mais j’en reviens à Margaret Michaelis. Ses photographies de la vie catalane sont précieuses même si elles s’intègrent à une propagande (républicaine) destinée à faire oublier la guerre, des photographies utilisées par la presse de la Generalitat (de Catalunya) pour soutenir le moral de la population. Parmi les photographies emblématiques de Margaret Michaelis, la visite d’Emma Goldman en Espagne, sur le front d’Aragon, Emma Goldman qui sera également photographiée en Espagne par Kati Horna (Katalin Deutsch Blau), de sensibilité anarchiste, et qui fera son premier voyage en Espagne en compagnie de Robert Capa, après avoir transité par Paris pour fuir la montée du nazisme. Kati Horna, une grande photographe quelque peu oubliée comme l’est Margaret Michaelis.

Margaret Michaelis a photographié l’enterrement de l’anarchiste Durruti, en novembre 1936, un événement également photographié par Kati Horna mais sous la forme d’un photomontage qui sera publié dans un numéro spécial consacré à cet événement, soit le n°. 19 de la revue Umbral.

En 1937, avec l’évolution de la guerre civile en Espagne et la poussée des troupes franquistes, Margaret Michaelis quitte le pays et part pour la Pologne où elle ne reste que peu de temps avant d’obtenir un visa pour l’Australie où elle s’installe à Sidney. Après avoir été assistante, elle ouvre son studio en 1940 et se spécialise dans le portrait. Après son décès, ses archives passent à la Australian National Gallery. Il s’agit d’une œuvre qui pour être rassemblée exige un minutieux travail de recherche, notamment à partir des archives catalanes et des publications dans la presse, à commencer par A. C. Documentos de Actividad Contemporánea.

 

Les archives de Kati Horna semblaient perdues et le nom même de cette Hongroise était presqu’oublié. Ses photographies sont pourtant un témoignage de première qualité sur l’Espagne des années 1930 et la Guerre Civile d’Espagne plus particulièrement. Parmi les archives photographiques oubliées et retrouvées il y a peu, souvenons-nous de l’extraordinaire découverte de la maleta mexicana avec photographies de Gerda Taro, Robert Capa et David Seymour, sans oublier la non moins extraordinaire découverte de l’œuvre de Vivian Maier.

En 1983, le Ministerio de Cultura verse deux millions de pesetas pour l’achat de deux cent soixante-dix négatifs. Ils seront mis en ligne. Il s’agit d’un ensemble important qui aide à mieux connaître la vie espagnole au cours des années 1930. Il y a peu, l’historienne de l’art Almudena Rubio a trouvé à International Institute of Social History à Amsterdam (I.I.H.S. en néerlandais) cinq cent vingt-deux négatifs de Kati Horna. L’Espagne va-t-elle les acheter ? Et va-t-on les digitaliser ? A suivre.

 

Kati Horna (1912, Budapest – 2000, Mexico)

 

Ci-joint, une notice biographique sur cette photographe :

Kati Horna, hongroise d’origine juive, est née le 19 mai 1912. En 1931, elle part pour Berlin afin d’y étudier la photographie et prend contact avec le Bauhaus. Elle réalise ses premiers travaux photographiques avec l’agence Dephot. Mais elle doit quitter l’Allemagne où les Juifs sont toujours plus menacés. En 1932, elle revient à Budapest où elle poursuit sa formation dans le studio de József Pécsi, puis à Paris où, à partir de 1933, elle réalise divers reportages pour la compagnie Agence Photo. En 1937, le gouvernement espagnol lui propose de travailler à une publication de propagande pour l’étranger. Elle se rend en Espagne afin de répondre à cette proposition. Au cours de la guerre civile, elle collabore à diverses revues anarchistes dont Libre Studio, Mujeres Libres, Tierra y Libertad, Tiempos Nuevos et, surtout, Umbral. C’est en travaillant pour cette dernière qu’elle fait la connaissance de José Horna, un peintre espagnol qu’elle épouse. Le couple quitte l’Espagne pour Paris en 1936. Mais en 1939, ils partent pour le Mexique. Kati Horna collabore à diverses revues et réalise d’autres importantes séries de photographies, outre celles réalisées en Espagne et à Paris.

Kati Horna a été professeur de photographie à la Universidad Iberoamericana de 1958 à 1963. En 1983, elle a dirigé un atelier de photographie à l’Academia de San Carlos à Mexico. Cette photographe a eu un important rôle pédagogique et a marqué le mouvement surréaliste au Mexique. Elle est décédée au Mexique le 19 octobre 2000.   

Au cours de la Guerre Civile d’Espagne Kati Horna ne photographie pas les combats, contrairement à Robert Capa (dont elle est très proche) et Gerda Taro ; elle s’attache aux souffrances de l’arrière, des femmes et des enfants surtout. A la demande de la C.N.T., elle photographie également la vie dans les villages d’Aragon passés sous le contrôle de ce grand syndicat anarchiste.

Le couple a eu une fille, Norah, née au Mexique. Elle s’emploie à faire connaître l’œuvre d’une mère qui n’a jamais cherché la célébrité et qui n’aimait pas exposer. Elle a sauvé de l’oubli des milliers de négatifs et ses efforts portent leurs fruits. Kati Horna avait vendu des négatifs au Ministerio de Cultura, en Espagne, et fait un don au Centro Nacional de Difusión e Investigación de las Artes Plásticas, au Mexique.

 

Deux énormes coffres en bois contenant des ossements viennent d’être ouverts dans la crypte de l’église Santa María de Gracia, à Gelves, dans la province de Sevilla. Dans l’un de ces coffres, une boîte en bois de belle facture capitonnée de ce qui pourrait être du velours. Une équipe pluridisciplinaire est à la recherche d’Isabel Colón de Toledo, la petite-fille de Diego Colón, l’épouse de Jorge Alberto de Portugal, premier comte de Gelves. Des documents attestent de leur inhumation dans la crypte en question, des documents qui ont encouragé Carmen García à entreprendre et financer cette recherche à partir d’une liste d’une douzaine d’individus supposément inhumés en cette église, parmi lesquels Álvaro de Portugal (fils d’Isabel Colón de Toledo et arrière-petit-fils de Cristóbal Colón) et Pedro Nuño Colón de Portugal, décédé en décembre 1673. Nommé vice-roi de la Nueva España, il meurt soudainement quelques jours après son arrivée au Mexique où il devait occuper son poste. Inhumé en la cathédrale de Mexico, ses restes sont transférés dans la crypte de l’église de Santa María de Gracia quelques années plus tard.

Le but de cette enquête est de tenter de mettre fin au mystère Cristóbal Colón. Qui était cet homme ? Selon l’hypothèse la plus courante, il était génois. Carmen García pense que Cristóbal Colón était un noble galicien du nom de Pedro Álvarez de Sotomayor. Afin de vérifier son hypothèse, Carmen García commence par faire ouvrir les sépultures des Sotomayor en l’église Santo Domingo de Tuy (Pontevedra), en septembre 2021. Parmi les analyses ADN faites à partir des restes exhumés en cette église, elle espère trouver l’ADN de la mère et du grand-père de Pedro Álvarez de Sotomayor puis de les comparer avec celui de la petite-fille de Cristóbal Colón, la plus proche parente de ce dernier inhumée en cette église.

José Antonio Lorente a lui aussi défendu l’hypothèse Pedro Álvarez de Sotomayor. Ce professeur de médecine légale (Universidad de Granada) a exhumé et analysé les restes supposés être ceux de Cristóbal Colón en la cathédrale de Sevilla afin de les confronter aux hypothèses les plus solides concernant l’identité de Cristóbal Colón : un fils caché du prince de Viana, un fils de la noble castillane Aldonza de Mendoza, du corsaire portugais Pedro Atayde, d’un Sotomayor, etc.

Les ossements contenus dans la boîte en bois de belle facture capitonnée de ce qui pourrait être du velours ont appartenu à deux individus, une femme et un enfant, ce que montre un examen conduit par l’anthropologue Maitane Tirapo de Goñi. L’étude du crâne de la femme donne un âge compris entre quarante-cinq et cinquante-cinq ans. Il ne peut donc s’agir d’Isabel Colón de Toledo, décédée à l’âge de vingt-huit ans. D’après les conclusions de cet anthropologue, il y aurait dans ces deux énormes coffres en bois douze individus, soit six hommes et six femmes. L’âge des femmes se situerait respectivement : l’une, entre trente-cinq et quarante-cinq ans ; une autre, entre trente et quarante ans ; deux autres, entre quarante-cinq et cinquante-cinq ans ; deux autres enfin, entre vingt-cinq et trente ans. La recherche s’est donc concentrée sur ces deux dernières. L’une d’elle est écartée sans tarder car atteinte d’une anomalie génétique, le métopisme, une anomalie dont ne semble pas avoir souffert Isabel Colón de Toledo. Les restes de l’autre femme sont en cours d’étude.

(à suivre)

Olivier Ypsilantis

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

*