En Header, le théâtre de Dodone, Grèce.
Je me souviens de buissons et même de petits arbres qui à Lisbonne poussaient dans les gouttières et encorbellements de constructions à l’abandon.
Je me souviens d’une brume humide et amicale, un été dans le Wicklow – the Garden of Ireland.
Je me souviens des caténaires dans le ciel de Prague et des rails dans le pavé de Prague. Prague et le Tatra T1.
Alors que je regarde plutôt distraitement une horloge murale dans un café d’Espagne, je me souviens de Bruno Ganz dans « A Cidade Branca » d’Alan Tanner.
Bruno Ganz dans « A Cidade Branca »
Je me souviens de brumes tièdes à Peniche et d’averses tièdes aux Açores.
Je me souviens du soleil de minuit sur les lacs de Dalécarlie.
Je me souviens d’avoir lu « The Colossus of Maroussi » de Henry Miller lors de mon premier voyage en Grèce. Je me souviens que le mot néro (νερό), soit « eau », y revient souvent.
Je me souviens à Lisbonne de nombreuses constructions avant leur restauration ou démolition.
Je me souviens du Berliner Mauer, en particulier d’alignements de hérissons tchèques.
Je me souviens du pavé de Lisbonne. De fait, à Lisbonne, c’est le pavé qui s’impose d’abord, avant les façades et leurs azulejos.
Je me souviens d’averses et de vents atlantiques à Lisbonne, les plus beaux moments de cette ville.
Je me souviens du parfum de Consuelo, dans le creux de son cou surtout.
Je me souviens de l’Europe de l’Est, un monde presqu’en noir et blanc.
Je me souviens que sur la route des vacances estivales, vers l’île d’Yeu, mon père s’arrêtait traditionnellement pour un pique-nique dans un bois (de pins me semble-t-il) aux environs de Cholet. Je me souviens du plaid écossais aux tonalités vertes étendu sur l’herbe. Mais n’était-ce pas des aiguilles de pins ?
Je me souviens de « Arriba todo le mundo y a bailar con Paquito el Chocolatero » et de churros con chocolate dans les nuits tièdes d’Espagne.
Je me souviens de l’Espagne de Dories Dörrie et de « Bin ich schön ? »
Je me souviens de la chaleur du chemin et de la fraîcheur des églises.
Je me souviens de la route au Chili, si rectiligne, à ne pas en croire ses yeux.
Je me souviens des travaux de l’érosion autour de Guadix, comme des morsures d’acide sur le cuivre d’une plaque.
Je me souviens de la beauté d’une Vietnamienne à Đà Lạt.
Je me souviens des amandiers en fleurs sous la neige aux abords de la Puebla de Don Fadrique dans la province de Grenade. Je me souviens que l’œil hésitait entre : ce ne sont pas des fleurs mais de la neige ; ce n’est pas de la neige mais des fleurs, leurs pétales partout répandus.
Je me souviens de mon émerveillement dans un musée de Roumanie (Ceaușescu était alors au pouvoir) devant des compositions florales de Ștefan Luchian, un peintre qui m’était alors inconnu.
Une composition de Ștefan Luchian
Je me souviens de nombreux noms de la topographie de l’île Maurice, des noms comme sortis d’un livre pour enfants ou d’un poème de Robert Desnos ou Max Jacob.
Je me souviens de ce paysan qui alors que je marchais à l’heure de la sieste sur un chemin de pierraille et de poussière m’offrit des figues emperlées de fraîcheur, placées dans un panier en osier et protégées par un linge blanc immaculé. C’est probablement mon plus beau souvenir de Grèce.
Je me souviens quand en Roumanie il n’y avait que des Dacia 1300 (des Renault 12 ou R12).
Je me souviens de mon émotion en découvrant dans un petit musée provincial d’Iran des productions de Jiroft, des vases et autres objets en chlorite. La civilisation de Jiroft, l’une des plus brillantes et des plus mystérieuses avec celle de la vallée de l’Indus. Mes rêveries y reviennent volontiers et comme malgré moi.
Je me souviens des Trabant, la Trabant 601 surtout, et du petit bruit qu’elles faisaient, un petit bruit pas très sérieux.
Tant de souvenirs ferroviaires. Je me souviens des wagons à compartiments et des relations parfois très agréables voire amusantes qui s’y établissaient.
Je me souviens d’automnes allemands, celui de Stig Dagerman bien sûr, mais aussi d’automnes dans des villes hanséatiques, de sa blondeur dans les feuillages, de ses lainages odorants, des lainages généralement mauves, de marches le long de l’Elbe et dans des quartiers qui avaient été dévastés par le Feuersturm, en juillet 1943.
Je me souviens de nuits indiennes et un peu partout de scènes dignes de Rembrandt que mettait un éclairage de fortune.
Je me souviens que j’ai relu « Le salaire de la peur » de Georges Arnaud un jour de neige à Montréal, un livre que j’avais lu au cours de vacances estivales à l’île d’Yeu. Je me souviens d’avoir retrouvé par hasard ce livre dans la même édition, soit Le Livre de Poche, chez un bouquiniste de la rue Saint-Denis, un livre avec en couverture une image extraite du film de Henry-Georges Clouzot
Je me souviens de Dublin… Mais à ce seul nom, « Dublin », tant de souvenirs me viennent…
Olivier Ypsilantis
Merci cher Olivier de nous faire partager ces souvenirs aussi brefs qu’intenses et précieux..
amitiés
Pierre
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