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Quelques considérations géopolitiques 

 

Cet article n’est qu’une timide tentative de mise en ordre face à l’immense désordre que charrie l’information. Je ne fais pas œuvre de propagande, je m’efforce de donner forme à l’informe — l’information.

Je cherche tout d’abord à m’extraire de l’accablement, ce sentiment qu’engendre la confrontation avec l’informe. De puissants axes se dessinent dans ce foutoir planétaire. Et je suis avec un intérêt grandissant le jeu de Poutine et des Iraniens, deux pays familiers du jeu d’échecs. L’Iran est bien décidé à ne pas partager le sort du monde arabe et de ces États nés du dépeçage de l’Empire ottoman.

 

 Israël-Iran

Dessin de Mana Neyestani, dessinateur iranien né en 1973, à Téhéran, aujourd’hui réfugié à Paris. Ce dessin traduit ce que j’éprouve depuis des années.  

 

Je vais me répéter, mais qu’importe ! Il n’est pas mauvais de se répéter tant les braillements des uns et des autres couvrent la voix des uns et des autres, dont la mienne. Brièvement. Presqu’aucun des journalistes qui « font » l’information ne tiennent compte de ce qui suit : l’Iran souffre d’un authentique sentiment d’encerclement, sentiment qui ne relève d’aucune paranoïa, sentiment qui n’a pas été concocté par le régime issu de la Révolution de 1979 pour mieux tenir le peuple. Certes, le régime surfe dessus ; il n’en est pas pour autant à l’origine. A ce sentiment d’encerclement se mêle la crainte d’un éclatement du pays, éclatement venu de l’intérieur. Sur son pourtour vivent des peuples non-perses, comme les Balouches au Sud-Est et les Azéris au Nord-Ouest. Et ne faites pas de moi un partisan de ce régime qui réprime, emprisonne, torture et condamne à mort !

L’Iran cherche sa place, l’Iran ne cherche pas la guerre. L’horizon de l’Iran n’est pas l’apocalypse nucléaire, apocalypse qui verrait aussi le pays disparaître. Les dirigeants iraniens sont rationnels, comme tous les joueurs d’échecs. Il faut en finir avec cette image d’Iraniens illuminés qui planifient l’embrasement du fond de leurs repaires, à des centaines de mètres sous terre, à l’abri des plus puissants bunker-busters ou MOP (Massive Ordnance Penetrator) Je l’affirme, moi le sioniste, engagé avec les moyens qui sont les miens dans la défense d’Israël. Fort d’une certaine perspective historique, je refuse de propager ce qui ressemble fort à des « Protocoles des Sages d’Iran », copie du plus ignoble (et meurtrier) des faux.

Il est vrai que l’Iran soutient des mouvements dont je souhaite la disparition, comme le Hezbollah et plus encore le Hamas, ces pointes (éléments de « l’arc chiite ») dirigées contre Israël. Pourquoi ce « plus encore » ? Parce que pour l’heure, le Hezbollah est occupé à lutter contre l’État islamique, une priorité me semble-t-il. L’agressivité de l’Iran tient à son sentiment d’encerclement. Les héritiers de Khomeini sont encore au pouvoir, certes, mais l’Iran sait depuis assez longtemps qu’il n’exportera plus sa révolution comme il l’espérait du vivant de Khomeini. N’oublions pas que la politique étrangère iranienne ne s’explique pas uniquement par l’idéologie activée par ce dernier mais aussi par la guerre Irak-Iran (1980-1988) qui, rappelons-le à tout hasard, n’a pas été déclenchée par l’Iran.

On peut ne pas aimer Poutine mais… Cet homme sait ce qu’il veut. Par ailleurs, il est lui aussi membre d’un peuple qui s’adonne au jeu d’échecs. J’ai été profondément choqué par les manœuvres américaines au sujet de l’Ukraine, manœuvres simplement destinées à resserrer le dispositif nucléaire aux portes de la Russie et à réactiver la Guerre froide d’une manière à peine dissimulée. J’ai trouvé lamentable le comportement de la France avec ses Mistral. Et je tiens à préciser que je ne suis en rien anti-américain. Les Américains défendent eux aussi leurs intérêts : ils savent que l’arrimage Russie – Europe verrait émergence d’une puissance capable de leur en remontrer. Mais puisqu’en la circonstance leurs intérêts sont contraires aux nôtres, je suis anti-américain et dénonce ces dirigeants européens (dont François Hollande) qui font le jeu des Américains.

La France qui avait un rôle non négligeable dans la diplomatie mondiale est entrée dans une phase de retrait. Elle n’est plus qu’une marionnette du monde arabe, le pire du monde arabe, son fournisseur (gaz et pétrole) et son acheteur (produits à très haute valeur ajoutée). Ainsi le pays se retrouve-t-il affreusement emberlificoté avec un monde auquel l’avenir n’appartient pas et qui s’accroche désespérément à l’Europe, relayé par une population musulmane majoritairement arabe qui se salafise et se wahhabitise année après année, aidée par ce flux de capitaux.

Excédé par l’intrusion américaine et européenne dans l’affaire ukrainienne, Poutine attendait son heure. Peut-on lui en vouloir ? Il est probablement trop tôt pour juger si ce coup (de maître) nous sera favorable mais je suis tenté de dire qu’il nous le sera et que nous remercierons Poutine. Les Américains n’ont que trop semé le chaos dans cette région du monde. Et pendant ce temps, dirigés par un schmock flanqué d’un ministre des Affaires étrangères qui sucre les fraises, les Français se perdent en courbettes devant les propagateurs du salafisme, du wahhabisme et autres tendances capables de rendre dépressives jusqu’aux bactéries. Ce pauvre petit président de la RF qui ne pensait qu’à « punir » Bachar el-Assad.

Il ne s’agit pas d’humilier le monde arabe, il s’agit de s’en détacher autant que possible. Les Arabes éprouvent envers les Juifs, Israël et l’Occident en général un sentiment complexe fait d’envie et de frustration, d’où leur agressivité. Rien de tel avec les Iraniens.

Oublions pour un temps certaines vociférations du régime de Téhéran. Les Iraniens sont des commerçants plutôt que des guerriers. Ils estiment le savoir, la culture, les études. Ils ont beaucoup de points communs avec les Juifs qu’ils considèrent volontiers comme des partenaires avec lesquels établir de fructueuses relations. Tous les Iraniens d’Iran (et le l’exil) avec lesquels j’ai eu la chance de m’entretenir m’ont dit leur estime pour les Juifs, une estime basée sur un sentiment d’égalité. Rien de tel avec les Arabes qui rendent volontiers les Juifs et Israël responsables de tous leurs maux. « Les Protocoles des Sages de Sion » prospèrent dans leurs têtes.

Pour ma part, je ne puis considérer avec sérieux cette romance entre Israël et les Saoudiens et autres Arabes pour cause de danger iranien. Il est à parier qu’on n’en parlera bientôt plus. Israël n’a rien à faire de ce côté et il le sait. Il sait que le seul partenaire sérieux de la région, hormis certains États du Caucase (voir l’Azerbaïdjan) et les Kurdes — à quand le Grand Kurdistan ? — est bien l’Iran. Je me place dans la profondeur historique, loin du tapage médiatique.

Il est un danger autrement plus grand que le nucléaire iranien : la propagation de l’islam radical, un peu partout au Moyen-Orient et en Europe, propagation dont le plus puissant vecteur sont les capitaux de nos chers fournisseurs et clients. Autre pôle de danger, la Turquie qu’Erdogan (ce VRP des Frères musulmans) islamise toujours plus, à commencer par l’armée. Le personnage ne cesse de se prendre des râteaux et des pelles, il n’en reste pas moins terriblement néfaste. Son costume cravate ne doit pas nous tromper. C’est un homme à abattre.

Je le redis, le peuple iranien n’est ni antisioniste ni antisémite. Les Iraniens considèrent les Juifs comme leurs égaux ou, mieux dit, ils se considèrent comme les égaux des Juifs. L’éducation tient pour eux une place centrale. Ils ne souffrent d’aucune frustration dont « le Juif » et Israël devraient faire les frais. Rien à voir avec l’Arabe qui ressasse ses frustrations et qui peu porté à l’analyse (surtout à l’auto-analyse) désigne le bouc-émissaire par excellence : LE JUIF ! Il est vrai (et je me répète) qu’il existe un danger, un grand danger : que l’Iran instrumentalise la hargne et la haine antisémite et antisioniste arabes, hargne et haine généreusement relayées chez nous, en Europe et par différents canaux.

L’Iran reste incompréhensible si on ne se détache pas du matraquage que nous assène l’information, l’information qui désinforme plus qu’elle n’informe ; car les Breaking News GCT (Grande Cadence de Tir) ne relèvent pas de l’information, à moins que ce mot n’ait subi de terribles torsions. L’histoire de l’Iran ne commence pas en 1979, année de la Révolution iranienne. L’antique substrat perse (pré-islamique) n’a pas été effacé. L’esprit de cet homme d’honneur qu’a été Mohammad Mossadegh reste agissant et j’expliquerai pourquoi et comment dans un article à venir. Souvenez-vous de Mohammad Mossadegh, Premier ministre du Shah au début des années 1950, victime d’un coup d’État pour cause de nationalisation de la toute-puissante Anglo-Iranian Oil Company (AIOC), coup d’État auquel participa la CIA.

L’Iran n’est pas un pays peuplé de Bédouins. L’Iran est un pays prestigieux avec lequel monde devra composer comme il devra composer avec Israël, pays qui a plus de points communs avec l’Iran qu’avec un quelconque pays arabe et qu’avec la Turquie, un pays toujours plus islamisé par l’entremise du VRP en costard cravate. Desserrez l’étreinte autour de l’Iran, levez cet embargo qui depuis le début favorise les durs du régime, les favorise toujours plus, et la classe moyenne iranienne déjà imposante gagnera en poids. Composer avec Israël, soit oublier ce minable BDS, ces « territoires occupés », ces « réactions disproportionnées », bref, toutes ces tracasseries dans lesquelles l’Europe se perd. Composer avec Israël, c’est commencer par ne pas pousser notre suffisance dans les affaires d’un État souverain. Par ailleurs, le contribuable que je suis ne supporte pas qu’une partie de ses impôts alimentent les caisses des fonctionnaires-terroristes de Gaza par le biais de l’UNRWA et d’ONG.

Nous sommes à la croisée des chemins. Israël et l’Iran sont appelés à se retrouver ; et je sais que ces années de grandes inquiétudes préparent des retrouvailles, je le répète. Les temps sont proches où nous rirons de certaines de nos peurs que des pouvoirs et les mass médias battent comme des œufs en neige.

Le monde arabe et le monde turc se désagrègent au point que les adeptes de la théorie du Complot (ou théorie conspirationniste) sont surexcités : ils voient l’accomplissement du Plan Yinon, un plan curieusement peu connu hormis de ces adeptes. Mais qu’importe ! Pour être honnête, ce plan ne me déplaît pas, sauf que… sauf que je souhaite que l’Iran conserve son intégralité territoriale. Tous les autres pays désignés peuvent quant à eux passer à la moulinette, soit l’ensemble des pays arabes mais aussi la Turquie sans oublier le Pakistan. On remarquera sur la carte ci-dessous le Free Kurdistan. Quant à Israël, on peut espérer l’application du Plan Elon. Plan Yinon et Plan Elon, main dans la main…

 

 Plan Oded Yinon

Le Moyen Orient revu par le Plan Yinon (1982) 

 

Olivier Ypsilantis

2 thoughts on “Quelques considérations géopolitiques ”

  1. Olivier : je suis toujours très intéressée par tes écrits. Il y a un point que tu ne traites pas et personnellement il me manque pour avoir un point de vue complet de la situation au M.O.
    Le danger de l’Iran concernant Israël serait-il une “idée fixe” des responsables politiques israéliens ? Pourquoi Netanyaou serait-il allé plusieurs fois aux USA pour parler avec véhémence de ce danger pour son pays ?
    Comment expliques-tu les craintes d’Israël ? Et as-tu une idée (même toute petite) sur ce qui pourrait débloquer la situation entre ces deux pays car effectivement les Iraniens c’est autre chose que les Bédouins !

  2. Chère Christiane,
    Je te répondrai dans les jours qui viennent sous la forme d’un article et préciserai ma position. Après Hanouka, Noël que je te souhaite pareillement heureux. Un abrazo amiga.

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