Je mets en lien un article anti-démagogique, un appel écrit par un étudiant, Jérémie Dequet, et intitulé : « Le libéralisme français doit retrouver ses principes » :
J’en reviens à l’une de mes craintes : un interventionnisme étatique augmenté suite à la crise du Covid-19. L’État français déjà surendetté se sur-surendette pour soutenir le pays. On comprend sa hâte à mutualiser la dette, autrement dit à ajourner les réformes structurelles d’un État devenu néfaste pour le pays, véritable force d’occupation qu’il faudra bien réduire. Cet État qui prétend donner des leçons aux autres, cet État terriblement bavard et présomptueux qui se vautre dans les dépenses publiques a aujourd’hui un système de santé bien moins efficace que d’autres, tant en Asie (voir notamment la Corée du Sud, pays d’excellence et dans bien des domaines) qu’en Europe. La comparaison France/Allemagne sur ce point et sur bien d’autres est à présent accablante. Il faut consulter l’étude de l’I.R.E.F. (Institut de recherches économiques et fiscales, un think tank européen). La lourdeur bureaucratique et la centralisation expliquent, au moins en partie, les tristes performances de la France quant à la gestion de cette pandémie. L’État emprunte massivement pour aider le pays – il ne fait que mettre en place de nouveaux impôts, la dette étant de l’impôt en attente, ce que l’on oublie volontiers lorsque les taux d’intérêt tendent vers zéro ou sont même négatifs.
J’en reviens à cette mutualisation de la dette prônée et même implorée par des pays qui sont tombés dans la dette comme d’autres dans la drogue ou l’alcool, et j’en reviens à la France qui la réclame en espérant noyer sa dette dans une dette collective. C’est vraiment vouloir faire l’Europe par le bas. Dette et fiscalité sont devenues les deux mamelles de la République française et son État. La presse française bien-pensante glorifie cette mutualisation : le pays va pouvoir continuer à faire de la balancelle de jardin ; et par cette mutualisation on espère en venir sans tarder au fédéralisme, comme par phénomène de cause à effet. On évoque même un « moment hamiltonien » (voir Alexandre Hamilton, premier secrétaire au Trésor des États-Unis en 1790). Bref, c’est l’extase.
Une fois encore, cette Europe me dégoûte car elle se fait par le bas. L’Europe doit s’édifier grâce à la concurrence entre pays, une concurrence capable d’obéir à certaines règles, comme en sport, des règles qui peuvent être implicites, nées de l’usage, des règles de common decency que Jean-Claude Michéa définit de la sorte dans « L’Enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes » : « Ensemble de dispositions à la bienveillance et à la droiture qui constitue selon lui (Georges Orwell) l’indispensable infrastructure morale de toute société juste » ; et, plus loin : « Mixte, historiquement constitué, de civilités traditionnelles et de dispositions modernes qui ont jusqu’ici permis de neutraliser une grande partie de l’horreur économique ». Ces dispositions et ce mixte ont quelque chose à voir avec le fair play. La common decency et le fair play peuvent contribuer à alléger les lourdeurs de l’administration et de l’étatisme et proposer un espace de liberté considérable. Ils peuvent être les régulateurs essentiels de la très nécessaire concurrence. Mais, me direz-vous, les individus ne sont pas fiables, il faut une entité supérieure, un État et une administration pour les surveiller. J’en reviens à cette réflexion de Ludwig von Mises que j’ai citée dans un précédent article : « If one rejects laissez faire on account of man’s fallibility and moral weakness, one must for the same reason also reject everykind of government action ». A word to the wise…
Cette Europe à laquelle aspirent les forces molles de l’Europe promet l’ennui et la coercition et à tous les niveaux, un socialisme gluant, démocratiquement poisseux. Vouloir mutualiser la dette comme veut le faire une France en faillite (et qui n’a pas renoncé à prendre ses aises via son État) promet un horizon confiné où le conformisme sera célébré, où les mots d’ordre seront mâchonnés. Je redoute cette Europe moi qui me suis toujours senti viscéralement européen. Il est vrai que j’espère une Europe par le haut, une Europe capable d’envisager le meilleur de chaque peuple et de s’en inspirer, de s’immerger dans les différences et de s’en enrichir, de refuser cette égalité qui n’est que promesse d’avachissement psychique, de repousser cette étatisation et cette administratisation (ce mot n’existe pas mais il dit ce qu’il veut dire) de tout, de se dresser contre cette infantilisation du citoyen qui ne sera plus autorisé à dire un mot plus fort que l’autre, une parole plus haute que l’autre. Cette Europe insipide me répugne, cette Europe qui ne rêve que d’impôts afin de faire prospérer une bureaucratie qui ne saura mettre fin à ses appétits puisque la concurrence (ce régulateur démocratique) sera évacuée. On se retrouvera encagé dans le monopole d’un super-État et on crèvera d’ennui. L’ennui est bien le plus grand danger qui guette l’Europe. Et c’est l’ennui qui suinte de Jacques Attali, ce chantre du « gouvernement mondial », d’un « État de droit mondial ». Cet homme mâche du brouillard. Il est sans conviction véritable. Il manque d’ossature, de nerf aussi. Il remue de « grandes idées » qui prétendent tout contenir, alors qu’elles ne font que passer sur tout. Cet homme est un banc de brume. Il est Jacques l’Insipide. Je me repose de lui en relisant une page de Murray Rothbard ou de Ludwig von Mises, de Friedrich Hayek ou de Frédéric Bastiat pour ne citer qu’eux. Ce faisant, je passe d’un verre d’eau tiède à des vins capiteux. Jacques Attali n’est qu’un boring old fart, a stick-in-the-mud, a pussyfooter ; et je vais vous le dire en bon français : cet homme est chiant à crever. Mais une fois encore, je me suis égaré et je risque de devenir vulgaire.
Mais tout de même ! Jacques Attali et ses petites berceuses, son ronron, son gouvernement mondial qui rêve d’en finir avec les entrepreneurs et la concurrence. Ce monde de taxation-subvention est-il notre avenir, « le monde d’après » ? Cette Europe super-État et ce gouvernement mondial que promeut Jacques l’Insipide ne sont que des filets jetés sur nous et destinés à étendre le racket par la violence de l’impôt, un pullulement d’impôts destiné à nous protéger des dangers engendrés par ceux-là même qui prétendent nous en protéger. Quand cessera enfin ce radotage médiatisé ?
Cette pandémie doit conduire à une réflexion approfondie sur l’analyse des politiques publiques et plus généralement sur l’État. Frédéric Bastiat (j’en reviens à ce grand Français si ignoré des Français, des étatistes tous diversement socialistes, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche en passant et en repassant par le centre), Frédéric Bastiat donc nous dit qu’il faut toujours, systématiquement, envisager simultanément « ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas ». Dans le cas qui nous occupe, ce qu’on voit c’est le déconfinement et ses phases.
Ce qu’on voit. Il n’est pas nécessaire d’insister : l’État s’est porté au secours du pays mais sans marge de manœuvre, avec une dette qui flirte avec les 100 % du P.I.B., rajoutant de la dette à la dette.
Ce qu’on ne voit pas. Cette opération massive est financée par les Français, dans un pays matraqué par la fiscalité. Le citoyen le moins vindicatif est en droit de se demander pourquoi le pays n’a pas été mieux protégé considérant les taux des prélèvements car, enfin, il finance l’Assurance maladie qui est rattachée à la Sécurité sociale. Il paye et très cher l’assureur public pour qu’il ait les moyens d’agir en cas de crise. Mais à quoi a-t-on assisté ? De très grandes entreprises (voir Pernod-Ricard, LVMH ou Décathlon) sont venues à son secours, bénévolement, en transformant leurs chaînes de production, et de petites entreprises voire des individus ont mis à disposition ce qu’ils avaient : des masques, des imprimantes 3D et j’en passe. Mais alors, question : que vaut cet État, cet énorme machin devenu l’assuré de la société civile (mal aimée de État) qui finance pourtant le service d’assurance maladie ?
Cette impréparation a conduit au confinement, un confinement strictement imposé sous peine de lourdes sanctions. Et ce confinement a terriblement ralenti les forces du pays lorsqu’il ne les a pas mises à l’arrêt. Les conséquences ne nous apparaissent pas encore dans toute leur ampleur, dans toute leur profondeur mais elles seront sérieuses. L’État a volé au secours du pays mais par des subventions et des dépenses, en un mot par l’endettement. Et la dette se paye toujours, d’une manière ou d’une autre, soit par une hausse d’impôts, soit par un rachat des obligations d’État par la Banque centrale européenne (B.C.E.) – une monétisation –, ce qui a pour effet d’augmenter le prix des actifs financiers puis réels, autrement dit de créer un impôt sur le patrimoine futur de ceux qui n’en ont pas encore.
L’État s’est porté au secours du pays ; mais sans être un esprit chagrin, on ne peut que constater que derrière cette pandémie maîtrisée (pour l’heure tout au moins) l’État a failli, a failli parce qu’il était déjà en faillite… L’Allemagne (qui dans bien des domaines peut être considérée comme un modèle) a su mieux gérer cette crise, pour diverses raisons, et d’abord parce qu’elle a des finances saines avec une dette qui avant cette crise s’en tenait plus ou moins à 60 % de son P.I.B.
L’État français qui se came aux impôts et au crédit comme on se came à l’héroïne et à la cocaïne a failli dans sa mission de protection puisqu’il a dû en appeler à la société civile, cette société par ailleurs taillable et corvéable à merci. Les Français auront payé trois fois pour un service qu’ils auront finalement assuré eux-mêmes : par le financement des hôpitaux et de l’Assurance maladie avant la crise, par le confinement, par le financement de la dette consécutive à la crise. Question : qu’est-ce qu’un assureur qui prélève trois fois une prime et qui ne rendra pas le service pour lequel il s’est fait payer ? Si cette crise ne conduit pas à une ample et profonde réflexion sur l’État en général et en particulier sur l’État tel qu’il se présente aujourd’hui en France, il n’y a plus qu’à mettre la clé sous la porte et vivre une vie d’anachorète.
Olivier Ypsilantis