Individual rights are not subject to a public vote; a majority has no right to vote away the rights of a minority; the political function of rights is precisely to protect minorities from oppression by majorities (and the smallest minority on earth is the individual). Ayn Rand.
Ayn Rand (Alissa Zinovievna Rosenbaum, 1905-1982)
Le bien-être dont nous bénéficions nous le devons à une économie de marché libre, une économie certes critiquable et fort critiquée ; mais c’est ainsi, nous lui devons ce que nous sommes. Elle contribuerait encore mieux au bien-être général si les interactions libres entre individus n’étaient pas sans cesse contrariées par l’État. La tentation socialiste est grande et elle n’a pas à être réprimée aussi longtemps que le socialisme est promu puis intégré par des individus vraiment consentants. De fait, ces sociétés lorsqu’elles sont réduites peuvent donner d’admirables exemples, des sociétés inscrites dans une société globale libérale et respectueuse de ces micro-sociétés.
« Capitalism and Freedom » de Milton Friedman devrait être plus lu en France. Trop d’idées préconçues traînent dans ce pays au sujet de la philosophie et de l’économie libérales. Je n’exige pas qu’elles soient acceptées béatement, j’apprécie le pluralisme, je le respecte et le défends ; et puis on peut être socialiste pour d’excellentes raisons. Ce que je reproche à trop de socialistes, ce n’est pas leur inclinaison – leur philosophie, dirais-je –, leur engagement politique et social ; ce que je leur reproche c’est de méconnaître, et trop souvent à dessein, ce que défendent leurs opposants, les libéraux, de les réduire à des caricatures, ce qui leur permet de se présenter (et de se considérer) comme les représentants du Bien face au Mal, face à des créatures pétries d’égoïsme que sont ces suppôts de Satan, les libéraux. Car les socialistes (toutes tendances confondues) portent bien le combat sur un terrain qui emprunte son argumentation à la sphère religieuse dont ils se gardent par ailleurs. Les socialistes sont des religieux qui s’ignorent, ce qui les rend tantôt dangereux tantôt ridicules. Certes, je force un peu la note mais si peu. Mon respect pour nombre de socialistes historiques (comme Pierre Mendès France) est toujours vivant ; mais il y a trop de donneurs de leçons et de profiteurs parmi eux, parmi les adeptes de cette fiction qu’est l’État – « L’État, c’est la grande fiction selon laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde », nous dit Frédéric Bastiat.
Le libéralisme donne pourtant une définition claire et cohérente de l’authentique liberté, une version laïque des Dix Commandements en quelque sorte, et en rien un permis aux forts pour broyer les faibles. Dans ces Commandements (du libéralisme), le respect de la propriété avec une définition claire de ce qu’elle est. Les malhonnêtes et ignorants qui n’ont jamais étudié le libéralisme s’efforcent de faire accroire qu’il n’est rien que la loi de la jungle appliquée au monde moderne. Outre le livre en question de Milton Friedman, lisez « The Ethics of Liberty » de Murray N. Rothbard.
On peut admettre que même si le libéralisme a été source de progrès pour l’homme, un minimum de redistribution peut aider à un peu plus de bonheur pour un plus grand nombre. Dans « Atlas Shrugged », Ayn Rand expose une vision radicale. Elle affirme que nous n’avons pas à nous sacrifier pour le bonheur des autres, que notre vie contient sa propre justification ; autrement dit, l’égoïsme est un droit mais, précise-t-elle, aussi longtemps que ce droit ne piétine pas les droits d’autrui et que chacun fasse preuve d’honnêteté (respect de la parole donnée, etc.). Autrement dit, vous n’êtes pas moralement tenu de donner une partie de ce que vous possédez même si cela peut aider l’autre et lui être plus utile qu’à vous ; vous n’êtes pas tenu de céder de votre superflu qui peut être de l’essentiel pour l’autre. Mais attention ! Ayn Rand l’anarcho-capitaliste ne dit pas que vous ne devez en aucun cas aider les autres (ce que certains lui font dire, s’empressant de caricaturer le libéralisme sous toutes ses formes), elle affirme simplement qu’on ne peut vous obliger à le faire, qu’aucun gouvernement n’a le droit moral de toucher à votre propriété pour la redistribuer. Ci-joint, un riche lien (en anglais) pour ceux qui veulent en savoir plus sur cette puissante personnalité, « Discover Ayn Rand », le website officiel de l’Ayn Rand Institute (A.R.I.). Je vous conseille de l’explorer, de détailler ses propositions dérangeantes pour les socialismes et le traîne-partout :
Ci-joint enfin, un lien très dense (en anglais) mis en ligne par Stranford Encyclopedia of Philosophy :
https://plato.stanford.edu/entries/ayn-rand/
Ayn Rand écrit dans « Atlas Shrugged » : « We are on strike against martyrdom – and against the moral code that demands it. We are on strike against those who believe that one man must exist for the sake of another. We are on strike against the morality of cannibals, be it practiced in body or in spirit. We will not deal with men on any terms but ours—and our terms are a moral code which holds that man is an end in himself and not the means to any end of others. »
Frédéric Bastiat distingue Justice et Fraternité. Il affirme que ce qui sépare les Libéraux des Socialistes, et radicalement, tient à ce que « l’économie politique conclut à ne demander à la loi que la Justice universelle » tandis que le Socialisme (les socialismes) demande en plus le dogme de la Fraternité. Les Libéraux reconnaissent (ce qui est sage) une limite à la loi, ce qui ne signifie pas (contrairement à ce qu’on répète en boucle) qu’ils nient tout ce qui est au-delà de cette limite. Le mot Fraternité ne les effraye pas et les Socialistes n’en ont pas le monopole, loin s’en faut. Les Libéraux qui connaissent mieux les hommes savent qu’il est inutile et néfaste de vouloir ôter le sentiment d’intérêt de leurs cœurs et que l’individualisme n’est en rien répréhensible, qu’il est même à l’origine de ce que l’homme fait de plus grand (où je pourrais en revenir à Ayn Rand). Les Libéralistes – ces antidogmatiques – savent que ceux qui veulent le bonheur de l’humanité sont dangereux, ils le savent ontologiquement. Ils ne se méfient pas du dogme de la Fraternité parce qu’ils craignent pour leur patrimoine, contrairement à ce que prétendent les Socialistes, les représentants de cette nouvelle Église sans Dieu mais encombrée de dogmes.
Frédéric Bastiat défend ce que je défends, soit une auto-organisation de la société née de la Liberté et non de la contrainte, d’un impôt simple (ce qui suffirait déjà à faire baisser le coût de la collecte qui engage des régiments de membres de l’appareil d’État), juste (rien à voir avec ce qui se pratique dans nombre de pays aujourd’hui, France en tête) et un État minimal, salubre donc. La bureaucratie est bien un parasite fixé sur le corps social, un pou qui boit son sang – qui gonfle par l’impôt.
Pour un État minimal, pour des combinaisons toujours augmentées de citoyens libres, des combinaisons d’associations en tout genre avec une fois encore, et pour ceux qui le désirent, des sociétés socialistes qui ne cherchent pas à porter atteinte au libéralisme global et que le libéralisme laisse vivre en paix.
Je vomis cette hyperinflation législative, ces décrets qui sortent à la chaîne, cet interventionnisme ivre de lui-même et, pire, cette moralisation portée par les médias de masse (trop souvent contrôlés par les États, y compris en « démocratie ») et qui se montre non moins obscure et amphigourique que celle que prônait l’Église catholique, apostolique et romaine dans ses pires moments – et loin de moi l’idée de ridiculiser la foi religieuse, je la respecte aussi longtemps qu’elle se montre respectueuse. Ces Socialistes imbus d’eux-mêmes, nouveaux inquisiteurs, sont d’abord les représentants de leurs propres intérêts lorsqu’ils n’en sont pas que les représentants.
Frédéric Bastiat se pose une question que bien des Camarades devraient se poser. Je le paraphrase : qu’adviendrait-il si dans le peuple prévaut l’opinion selon laquelle la loi ne doit pas se borner à défendre la justice mais à imposer la fraternité ? Tout d’abord, s’installera « une incertitude effroyable, une insécurité mortelle planera sur tous les domaines de l’activité privée ; car la fraternité peut revêtir des milliards de formes inconnues et par conséquent, des milliards de décrets imprévus ». Et il énumère quelques-unes des formes de cette effroyable incertitude avant de conclure : « Sous ce régime, les capitaux ne pourront se former. Ils seront rares, chers, concentrés. Cela veut dire que les salaires baisseront, et que l’inégalité creusera, entre les classes, un abîme de plus en plus profond. Les finances publiques ne tarderont pas d’arriver à un complet désarroi. (…). Le peuple sera écrasé d’impôts, on fera emprunt sur emprunt ; après avoir épuisé le présent, on dévorera l’avenir. Enfin, comme il sera admis en principe que l’État est chargé de faire de la fraternité en faveur des citoyens, on verra le peuple tout entier transformé en solliciteur. Propriété foncière, agriculture, industrie (…) tout s’agitera pour demander les faveurs de l’État ». Ces mots écrits au milieu du XIXe siècle semblent décrire notre situation actuelle, dans certains pays, en France plus particulièrement. Ce sont des mots véritablement prémonitoires, et Frédéric Bastiat ne consultait pas les augures ; il observait attentivement et honnêtement, autrement dit sans jamais s’en remettre à une idéologie, sans se laisser aveugler par les sermons socialistes qui ne sont que du religieux sécularisé, ce qui peut donner le pire, un pouvoir sans frein à l’État, une omniprésence déprimante et diversement violente.
J’ai toujours lu avec suspicion ces mots gravés dans le marbre des édifices publics : Liberté-Égalité-Fraternité. Pourquoi ? Parce que je connais leur terrible ambivalence, leur élasticité, élasticité du fourre-tout dans lequel le meilleur et le pire sont jetés. Je suis donc sur mes gardes, aux aguets. Cette ambivalence me laisse supposer le piège, le miroir aux alouettes. L’État et ses administrations n’ont pas à nous inviter à la fraternité qui se situe ailleurs, hors de leur pouvoir de coercition.
Anthony de Jasay (1925-2019)
Je n’ai rien lu d’Anthony de Jasay, rien qu’un certain nombre d’articles à son sujet. Et j’ai découvert son existence par des articles nécrologiques dans la presse, ce qui est plutôt désagréable : apprendre l’existence d’un homme par sa mort… Mais qu’importe, ma curiosité est éveillée et je me pencherai sur l’œuvre de ce philosophe et économiste, l’un des grands représentants du libéralisme classique. Quelques mots au sujet de ce grand monsieur.
Anthony de Jasay, né en Hongrie, vivait en France depuis 1962 mais il choisit d’écrire en anglais en partie parce que sa philosophie anti-étatique n’aurait guère trouvé d’oreilles attentives en France. Être anti-étatique en France revient à être classé comme un libéral, un pestiféré en quelque sorte. Idem pour le sioniste ; mais ceci est une autre histoire.
Anthony de Jasay, économiste et philosophe politique, s’est surtout employé à étudier la question des rapports entre l’État et l’individu, une question qui m’inquiète toujours plus, raison pour laquelle je me suis promis de lire ce philosophe libéral, en commençant par ce livre qui a tout simplement pour titre : « The State », son premier livre, publié en 1985, un livre qui fait de lui un « philosophe économiste » libéral de premier plan.
Anthony de Jasay, un libéral classique, juge qu’il est nécessaire de prendre conscience de la nature coercitive de l’exercice du pouvoir de l’État qui n’est pas fondé sur le consentement. Cette prise de conscience et l’analyse qu’elle implique sont selon lui essentielles pour la théorie politique. Travailler à l’idée que l’autodétermination individuelle est plus importante que la participation à une décision collective. Ce travail et la dénonciation des usages alternatifs de pouvoirs foncièrement coercitifs sont les contributions premières de la philosophie politique. Il ne s’agit pas de jeter aux ordures les démocraties constitutionnelles de type occidental qui fonctionnent dans le cadre de l’État de droit mais d’ouvrir l’œil, sachant qu’une démocratie constitutionnelle peut insensiblement devenir détentrice d’un pouvoir illimité, discrétionnaire. En effet, considérer les décisions démocratiques comme intrinsèquement légitimes peut devenir règle de soumission, ce qui aura pour effet de faciliter l’exercice discrétionnaire du pouvoir d’État.
Anthony de Jasay nous met en garde contre nous-mêmes. Dans « The State », il commence par (nous) poser la question suivante : que feriez-vous si vous étiez l’État ? Nous sommes enclins à penser à ce qui serait bien ou mal, idéalement, et à bouger la société selon notre bon vouloir, à bouger les individus comme des pions, tout en sachant que nous ne sommes pas l’État. Nous sommes dominés par des visions universalistes – des généralités – et ne percevons pas la complexité du réel, des interactions entre hommes. Anthony de Jasay se méfie – et nous invite à nous méfier – de ces opinions qui font référence à l’universel : normes éthiques universelles, droits politiques universels, etc. Il les juge fort dangereuses car selon lui elles activent la croissance de l’État.
Olivier Ypsilantis