Ces notes ont été griffonnées au cours de lectures. Il me semble qu’elles indiquent des espaces que des lecteurs voudront amplifier. Je les livre dans le désordre.
Andrinople (378 ap. J.-C.), la bataille qui a donné la primauté à la cavalerie sur l’infanterie. Bref rappel. Afin de repousser l’avancée des Goths en Thrace, l’empereur Valens marche contre l’ennemi qui compte presque deux fois plus de combattants (60 000 contre plus de 100 000) sans attendre la jonction de l’ensemble des forces romaines. Proportion de la cavalerie chez les Romains, le tiers ; chez les Goths, la moitié. Combat engagé prématurément, la cavalerie des Goths surclasse celle des Romains. L’infanterie romaine contrariée dans son déploiement succombe aux attaques de flanc de la cavalerie adverse. Les Romains perdent 40 000 combattants.
Casque de type corinthien
Les Grecs n’utilisèrent guère la cavalerie, en dehors des Thessaliens et de certaines colonies, leur pays étant propice à l’élevage. La cavalerie s’est essentiellement développée dans les pays de plaine (voir les steppes de l’Asie centrale) et les pays montagneux ont une tradition de cavalerie très limitée. La Thessalie est la seule grande plaine de la Grèce antique – laissons donc de côté la Macédoine. La cavalerie grecque est aristocratique et n’est pas une arme de choc (sauf chez les Thessaliens). Elle est employée pour reconnaître, harceler et poursuivre. Alexandre le Grand organisera une phalange équestre et l’utilisera comme arme de rupture. Sa cavalerie constituait 10% de son armée.
Chéronée (338 av. J.-C.). Philippe II de Macédoine contre les armées coalisées des cités grecques, principalement Athènes, Thèbes et leurs alliés. Les hoplites sont défaits par le Bataillon sacré (des Thébains). C’est une bataille qui se déroule essentiellement entre fantassins. Philippe II de Macédoine n’a que 2 000 cavaliers pour 32 000 fantassins, soit une proportion de 1 à 16, proportion qui avec son fils Alexandre passera de 1 à 6. Cette bataille oppose et de manière décisive des formations différentes : les hoplites (qui depuis trois siècles forment le fer de lance des armées grecques sur tous les champs de bataille) et la phalange macédonienne qui ne disparaîtra qu’avec l’arrivée des légions romaines. Cette bataille est l’une des plus importantes de l’histoire de la Grèce antique dans la mesure où elle marque la fin de l’indépendance des cités grecques.
Leuctres (371 av. J.-C.). Victoire de Sparte sur Thèbes et ses alliés. Épaminondas et la mise en application de sa « tactique oblique ». Ci-joint, le déroulement de cette bataille :
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Leuctres marque la fin de la suprématie militaire de Sparte. A noter que sur les 2 300 Lacédémoniens qui combattent à Leuctres, il n’y a que 700 citoyens spartiates. La cité souffre depuis au moins la fin du Ve siècle d’une oliganthropie toujours plus marquée. Thèbes devient la cité la plus puissante de Grèce mais pour peu de temps puisqu’elle sera vaincue fin en 362, à la bataille de Mantinée.
Une épée grecque d’une terrible efficacité : le kopis permettait de frapper d’estoc et de taille.
Bataille de Cynoscéphales (197 av. J.-C.), victoire de Rome sur Philippe V de Macédoine, au cours de la deuxième guerre de Macédoine (200-197 av. J.-C.). L’affrontement a lieu en Thessalie, au pied des collines « Têtes de chiens », d’où le nom de cette bataille (Κυνός Κεφαλών). C’est la première fois que la phalange macédonienne est vaincue par un autre type de formation au cours d’une bataille rangée depuis sa création au IV siècle av. J.-C. Pour Polybe, le terrain accidenté aurait été moins propice à la masse compacte de la phalange et aurait favorisé la souplesse d’emploi de la légion et son articulation en manipules (unités tactiques de cent vingt hommes). L’issue de la bataille resta longtemps indécise et les Romains ne l’emportèrent que suite à l’initiative d’un tribun qui engagea une réserve d’une vingtaine de manipules et prit à revers la phalange sur son aile droite. Cette bataille eut un retentissement considérable dans le monde méditerranéen. Elle marqua une longue série de victoires remportées par les armées romaines sur les armées des souverains hellénistiques au IIe siècle et au Ier siècle av. J.-C.
Démétrios Ier Poliorcète (Δημήτριος ὁ Πολιορκητής) est le fils d’Antigone le Borgne, l’un des plus prestigieux compagnons d’Alexandre le Grand. Cet homme d’exception aux capacités variées (c’est lui qui aida son père à asseoir son autorité sur une partie de l’immense empire laissé par Alexandre le Grand) reste surtout connu, comme son nom l’indique, pour son art à prendre les villes. Il est vrai qu’il ne parvint pas toujours à les prendre mais il suscita l’admiration de ses contemporains par l’ampleur des moyens mis en œuvre et par son inventivité. De fait, il concevait machine après machine : béliers montés sur treuil, catapultes géantes, immenses tours mobiles dites « hélépoles » (ἑλέπολις). Celle utilisée lors du siège de Rhodes (en 304 av. J.-C) était particulièrement imposante. Rhodes ne fut pas prise mais cette machine frappa l’imagination de ses contemporains.
Philon de Byzance (Φίλων Βυζάντιος), fin du IIIe siècle av. J.-C., un auteur à qui l’on doit plusieurs ouvrages techniques parmi lesquels un traité de fortification et de défense des villes. Ses descriptions s’inspirent (probablement) des techniques utilisées à Rhodes et Alexandrie, les deux principaux centres de fabrication d’engins de siège à l’époque hellénistique. Vitruve en fait grand cas dans « De architectura ». Il est fréquemment cité dans les traités de poliorcétique qui dès le Xe siècle ont été constitués par les spécialistes d’art militaire.
Bataille de Salamine (Ναυμαχία τῆς Σαλαμῖνος) en 480 av. J.-C. L’enjeu de cette bataille est considérable. Les défenses grecques avaient été finalement enfoncées aux Thermopyles (grâce à un traître qui avait fait connaître aux Perses un accès permettant d’attaquer les Spartiates par derrière, soit le sentier du mont Anopée). Les Perses avaient envahi l’Attique et pris Athènes tandis que les armées grecques se repliaient dans le Péloponnèse. La flotte perse malgré quelques déboires (tempête et victoire navale grecque à la bataille du cap Artémision) poursuivait sa route. Il fallait que les Grecs la stoppent afin d’éviter une défaite totale. La flotte grecque (380 navires) mouille dans l’étroit chenal qui sépare l’île de Salamine du continent tandis que la flotte perse (environ 500 navires) mouille dans la baie de Phalère et surveille l’entrée du chenal et attendent que les Grecs en sortent pour livrer bataille. Mais probablement abusé par une ruse des Grecs, Xerxès engage sa flotte dans le chenal. Gêné par ses propres navires et incapable de manœuvrer dans cet espace réduit, la flotte perse subit de terribles pertes et les navires survivants échappent à grand peine du chenal. Xerxès prend le chemin du retour. Cette victoire s’explique par l’habileté de Thémistocle et la supériorité des trières grecques sur les navires phéniciens qui constituent le gros de la flotte perse. En effet, plus hauts et moins stables, ces derniers furent gênés par la houle qu’un fort vent avait fait se lever.
L’une des plus grandes victoires grecques, la bataille de Salamine.
Iphicratès (Ιφικράτης), un chef de guerre athénien qui reste surtout connu comme l’auteur d’importantes réformes dans l’armement et la tactique. Il s’inspire de l’armement et de l’équipement des peltastes (des mercenaires thraces que les Grecs emploient dans leur infanterie légère) qu’il avait commandés à plusieurs reprises. Iphicratès organise un corps d’infanterie d’élite, avec des peltastes équipés de la pelta (πέλτη), un petit bouclier léger en forme de croissant de lune, d’une lance une fois et demie plus longue et d’une épée deux fois plus longue que celles de l’hoplite. Ils se battent comme les hoplites, en formation serrée mais avec une beaucoup plus grande mobilité. De nombreuses cités adoptent cette formation (souvent constituée de mercenaires) sans renoncer à la formation hoplitique.
Nicéphore Phokas (Νικηφόρος Βʹ Φωκᾶς), membre le plus prestigieux d’une famille byzantine, grand chef militaire devenu empereur, il reprit à l’islam de nombreux territoires. Il est aujourd’hui surtout connu pour avoir composé (ou fait composer) deux traités de stratégie : l’un sur la guérilla contre les Arabes dans les montagnes d’Asie Mineure, l’autre sur les grandes campagnes offensives, notamment contre les Bulgares.
Épaminondas (Ἐπαμεινώνδας), un Thébain qui élabora la fameuse « tactique oblique » qui montra toute son efficacité dans le combat hoplitique. Le principe de ce combat est que deux formations qui s’affrontent exercent l’une contre l’autre une pression continue au terme de laquelle la plus forte repousse la plus faible à son point de départ. Dans la pratique, la pression n’est pas si homogène, les meilleurs soldats étant placés à l’aile droite de manière à enfoncer l’aile gauche de l’adversaire et le déborder. En 371, à Leuctres, Épaminondas écarte cette habitude et de deux manières : il renforce son aile gauche sur une profondeur de cinquante rangs – contre douze rangs pour les Spartiates qui lui font face ; par ailleurs, il dispose le reste de son front en diagonale de manière à refuser le contact immédiat avec l’ennemi et, ainsi, donner encore plus de force au point de contact choisi, soit son aile gauche. La tactique est efficace. L’aile droite spartiate est bousculée et les Thébains l’emportent. La même tactique est employée à Mantinée (362 av. J.-C.) mais la mort d’Épaminondas au cours de la bataille empêche les Thébains d’exploiter leur succès initial. Cette tactique sera reprise par Alexandre le Grand qui selon l’adversaire choisira de renforcer soit son aile gauche soit son aile droite.
Plan de la bataille de Leuctres
Bataille de Platées (Μάχη τῶν Πλαταιῶν), en 479 av. J.-C., une importante victoire grecque qui fait suite à la défaite maritime des Perses à Salamine au cours de la deuxième guerre médique. L’armée perse, forte de 120 000 hommes, établit son camp dans une plaine proche de Platées, ville de Béotie. Perses et Grecs alignent chacun environ 120 000 hommes. Les troupes grecques se divisent en infanterie lourde (hoplites), 38 000 hommes, et infanterie légère, 70 000 hommes. Cette bataille qui a sauvé la Grèce de la domination perse n’est pourtant pas un chef-d’œuvre d’intelligence tactique grecque. Le face à face dure douze jours au cours desquels les Grecs multiplient incohérences et maladresses. Leur victoire est essentiellement le fait d’une supériorité de l’entraînement et de l’armement des hoplites. Cette bataille consacre la formation hoplitique (en particulier des Spartiates qui ont eu un rôle essentiel dans cet engagement) comme un modèle en ce début du Ve siècle. Platées confirme toutefois une des faiblesses de l’armée grecque : le manque de cavalerie, tout au moins jusqu’à Alexandre le Grand.
Ce qui frappe le plus quand on étudie l’histoire de l’art et de la technique militaires de la Grèce ancienne c’est la priorité donnée pendant la plus grande partie de cette histoire à l’infanterie lourde (la formation hoplitique) sur tout autre formation. La formation hoplitique, soit une masse avec même équipement défensif et même armement prise dans une structure cohérente capable de manœuvrer avec rigueur. La victoire revient à celui qui contraint l’adversaire, dans une poussée continue, à disloquer ou décimer ses rangs et lui fait abandonner le terrain. Cette technique ne connaît guère de modifications durant trois siècles, la plus notable étant celle mise au point par le Thébain Épaminondas. A partir du milieu du IVe siècle av. J.-C. la phalange macédonienne s’impose systématiquement aux dépens des hoplites, sans que ceux-ci disparaissent pour autant. Avec la phalange, les Grecs restent fidèles à l’infanterie lourde. A ce propos, notons que les États grecs qui se sont assurés une suprématie plus ou moins longue sont ceux qui ont le mieux su utiliser l’infanterie lourde : Sparte puis Thèbes puis la Macédoine. L’infanterie légère (archers, frondeurs, lanceurs de javelot) et la cavalerie restent très marginales jusqu’à la montée en puissance des Macédoniens – pas même des Grecs pour les cités grecques. Les formations plus légères commencent à gagner en importance vers le milieu du Ve siècle av. J.-C. Leur rôle reste toutefois secondaire. On préfère organiser une formation plus mobile que l’infanterie lourde mais moins légère que l’infanterie légère, soit le corps des peltastes conçu par l’Athénien Iphicrates (Ιφικράτης) au début du IVe siècle av. J.-C. L’époque hellénistique engage de plus larges contingents de fantassins légers, et plus fréquemment, en faisant appel à des peuples spécialisés dans le maniement de certaines armes de jet, comme les Crétois, les Thraces, les Ibères, les Chypriotes, etc. Le cheval apparaît très tôt sur les champs de bataille mais il est lié au char de combat – voir les documents mycéniens du dernier tiers du IIe millénaire av. J.-C. Et peut-être n’est-ce qu’un moyen de transport destiné à conduire les combattants sur le champ de bataille plutôt qu’un engin opérationnel. Le cheval reste également un moyen pour l’hoplite de se rendre sur le champ de bataille ; il en descend lorsqu’il parvient à destination. Les cavaliers ne sont donc souvent que des fantassins à cheval. Seules quelques régions de plaines (Thessalie, Macédoine) ont eu assez tôt de véritables cavaliers. L’importance de la cavalerie ne commence à être vraiment comprise qu’au Ve siècle et IVe siècle av. J.-C. par certaines cités. Ses missions restent cependant relativement marginales : opérations de harcèlement, de poursuite, de reconnaissance. Ce n’est donc qu’avec Philippe II de Macédoine et plus encore avec son fils Alexandre le Grand que la cavalerie tient un rôle décisif (voir Gaugamèles). Mais ses successeurs ne suivent guère son exemple et préfèrent à nouveau privilégier l’infanterie. L’une des innovations les plus marquantes de l’époque hellénistique est l’adoption des éléphants à l’imitation des armées indiennes, une leçon tirée de la bataille de l’Hydaspes.
Un bouclier grec
Xénophon (426-355 av. J.-C.), un écrivain athénien mais aussi un soldat. Il participe à l’expédition des Dix Mille mercenaires, recrutés par le prince perse Cyrus le Jeune contre le roi son frère ; puis il guerroie avec le corps expéditionnaire spartiate en Asie Mineure et suit les Spartiates en Europe, allant jusqu’à affronter à leurs côtés sa citée d’origine, à la bataille de Coronée, en 394, ce qui lui vaut d’être durablement exilé d’Athènes, un temps qu’il met à profit pour composer de nombreux ouvrages. Cette expérience militaire contribue à la richesse de ses ouvrages historiques (« Les Helléniques » et « L’Anabase ») qui abondent en informations très précises sur la tactique et la stratégie. Ses traités techniques et ses essais biographiques lui offrent l’occasion d’exposer ce qu’il considère comme les qualités essentielles d’un homme de guerre. On peut juger Xénophon en tant qu’historien comme moins talentueux qu’Hérodote et moins objectif que Thucydide mais la masse d’informations qu’il livre sur l’art militaire au IVe siècle av. J.-C. le rend particulièrement précieux, plus précieux à bien des égards que ses prédécesseurs.
Olivier Ypsilantis