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Notes de lecture (économie) – XII/XIII

Tableau 20 J’ouvre et je referme cet article sur des citations de Frédéric Bastiat. Elles sont si à propos dans le monde d’aujourd’hui que l’on pourrait croire qu’il est toujours vivant. Il n’en est rien. Frédéric Bastiat est né en 1801 et décédé en 1850. Pourquoi n’est-il pas plus étudié en France ? Pourquoi les membres de l’École autrichienne d’économie ne sont-ils pas plus étudiés en France ? Pourquoi les anarcho-capitalistes ne sont-ils pas plus étudiés en France ? Pourquoi…

 « Ce pays est trop gouverné, voilà le mal. Le remède est qu’il apprenne à se gouverner lui-même, qu’il apprenne à faire la distinction entre les attributions essentielles de l’État et celles qu’il a usurpées, à nos frais, sur l’activité privée. Tout le problème est là. »

« Les finances publiques ne tarderont pas d’arriver à un complet désarroi. Comment pourrait-il en être autrement quand l’État est chargé de fournir tout à tous ? Le peuple sera écrasé d’impôts, on fera emprunt sur emprunt ; après avoir épuisé le présent, on dévorera l’avenir. »

« Je vous avoue que l’avenir m’inquiète beaucoup. Comment l’industrie pourra-t-elle reprendre, quand il est admis en principe que le domaine des décrets est illimité ? Quand chaque minute, un décret sur les salaires, sur les heures de travail, sur le prix des choses, etc., peut déranger toutes les combinaisons ? »

 

Tableau 21 – L’École autrichienne d’économie a un puissant branchage et d’abord parce qu’elle a de nombreuses et profondes racines.  Ses racines plongent dans une philosophie sociale. La pensée de Ludwig von Mises l’irrigue, Ludwig von Mises qui propose une approche originale de l’économie, refuse le positivisme et l’historicisme. Il estime que la démarche des sciences exactes ne peut en aucun cas s’appliquer aux sciences sociales considérant les sujets dont elles traitent. Il rejette radicalement la mathématisation de l’économie.

Forte de cette référence épistémologique à Ludwig von Mises, l’École autrichienne d’économie devient une science de l’action humaine, soit des préférences puisque toute action s’opère à partir d’un choix. De la théorie de l’action à la théorie de l’équilibre. Les économistes néoclassiques édifient leur théorie sur l’équilibre, les membres de l’École autrichienne d’économie sur la tendance vers l’équilibre, considérant que chaque action (et donc chaque choix) satisfait une préférence et, en conséquence, crée une insatisfaction qui va susciter une autre action et ainsi de suite. La figure de l’entrepreneur, clé de voûte de l’École autrichienne d’économie, prend appui sur cet enchaînement.

Les membres de l’École autrichienne d’économie sont des partisans inconditionnels de l’économie de marché et dans sa version la plus classique. L’École autrichienne d’économie se structure à une époque où les débats sur le collectivisme occupent le devant de la scène. Ludwig von Mises y participe en publiant dans les années 1920 des plaidoyers contre le collectivisme. Il est relayé par Friedrich Hayek. L’argument principal de Ludwig von Mises prend essentiellement appui sur l’impossibilité de fonder un système économique à partir de la valeur-travail comme substitut au calcul monétaire.

La question de la monnaie est centrale pour les membres de l’École autrichienne d’économie (surtout pour Ludwig von Mises et Friedrich Hayek). En effet, la monnaie permet d’orienter les valeurs étant donné qu’elle n’a pas de valeur en soi, qu’elle n’a de valeur qu’en rapport avec autre chose qu’elle-même. Le travail n’a pas de valeur homogène, il ne peut donc déterminer la valeur des biens, déterminer un ordre économique. Ainsi, lorsque l’État s’approprie les facteurs de production, ces facteurs flottent dans l’air, en quelque sorte, car on manque de repères et de signaux pour leur attribuer un prix. Cette absence de repères et de signaux fait que les responsables des économies socialistes « n’ont aucun moyen de découvrir laquelle des différentes méthodes de production envisagées est la meilleure », ainsi que le signale Friedrich Hayek. Autrement dit, la planification centrale de l’économie ne peut être effective par manque d’informations. C’est comme un paquebot ou un supertanker privé de radar et de sonar…

Le collectivisme est dans la ligne de mire des membres de l’École autrichienne d’économie. La justice sociale, celle que promeut la social-démocratie, l’est aussi. Pour Friedrich Hayek elle n’est qu’un leurre dans la mesure où elle attribue à l’ensemble de la société les conséquences des actions individuelles, ce qui tend à inciter les gouvernements à un interventionnisme tout azimut et ce qui a entre autres effets de perturber le fonctionnement du « radar » qui permet à l’économie de marché de localiser les opportunités. Cette dénonciation de l’interventionnisme étatique conduira Friedrich Hayek à concevoir un schéma institutionnel idéal à caractère utopique et engagera Murray Rothbard sur les sentiers (escarpés) de l’anarcho-capitalisme.

L’École autrichienne d’économie ne se contente pas de défendre mordicus l’économie de marché, son champ d’exploration est vaste, très vaste ; et c’est bien pour cette raison que je ne cesse d’y revenir. Je ne vais pas dresser la liste des sujets traités mais simplement signaler que la diversité de ses questionnements et de ses analyses ne conduit pas à un éparpillement, qu’elle y a une cohérence structurelle que suggère l’appellation d’École autrichienne d’économie. La liberté et l’incertitude (voir Carl Menger) activent ses analyses ; on peut dire qu’elles sont à la fois son moteur et son carburant. On peut critiquer voire repousser sa défense radicale de l’économie de marché mais on ne peut qu’être attiré par l’étendue des disciplines auxquelles invitent ses membres. Bref, avec eux on respire à pleins poumons, porté par l’air du large et des hauteurs.  

 

Tableau 22 – Je me plains de ce que le libéralisme soit si peu connu, et décrié sans être connu. Mais le socialisme ne serait-il pas au moins aussi peu connu ? Il est vrai que le mot « socialisme » traîne partout comme une serpillière, mais quelle doctrine recouvre-t-il, quelle doctrine économique plus particulièrement ? A-t-il même une doctrine ? Il y a certes le marxisme, mais le marxisme lui-même est de moins en moins étudié, de plus en plus mal connu. Et le marxisme ne représente qu’une petite part de cette vaste désignation : le socialisme.

A présent, les socialistes enfourchent des variantes du keynésianisme qui préconisent l’injection de liquidités dans la machine économique, un vaccin censé guérir de tous les maux. On ne peut pas dire que John Maynard Keynes soit socialiste. Les contours du socialisme sont d’ailleurs si vagues – devenus si vagues – que l’on ne parvient plus vraiment à les distinguer même en écarquillant les yeux. Léon Walras est un économiste socialiste libéral qui souhaitait élaborer une synthèse entre le socialisme et le libéralisme, entre l’individualisme et le communisme, une théorie qu’il désignait sous le nom de « socialisme synthétique » ou « synthétisme ».

Mais le socialisme a-t-il besoin une théorie économique ? A présent, la théorie keynésienne semble constituer tout son viatique, une théorie qui fait de l’argent (de la fiat money) le moteur de l’économie. C’est quelque peu paradoxal, mais enfin ! Les socialistes doivent espérer améliorer ainsi leur confort. Ils envisagent probablement la fiat money comme une sorte de rente.

 

Tableau 23 – Et refermons cet article avec Frédéric Bastiat : « Mais la question est précisément de savoir si un peuple surtaxé peut être libre, s’il n’y a pas incompatibilité radicale entre la liberté et l’exagération de l’impôt. Or, j’affirme que cette incompatibilité est radicale. »

« Mais lorsque l’État soutire à la nation le quart, le tiers, la moitié de ses revenus, il est réduit à agir de ruse, à multiplier les sources de recettes, à inventer les taxes les plus bizarres, et en même temps les plus vexatoires. »

 Olivier Ypsilantis

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