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Notes de lecture (économie) – 6/14

 

Tableau XII – Au début des années 1870, Carl Menger s’intéresse tout particulièrement aux rapports de l’individu à ses besoins. Il estime que le point de départ de toute recherche théorique concernant l’économie est la nature de l’homme comme être de besoin car sans besoin il n’y aurait pas d’économie. La théorie des besoins (la reconnaissance et la compréhension de leur nature) est centrale pour l’économie et les disciplines qui s’y rattachent. Par ailleurs, cette théorie est un pont entre les sciences, sciences de la nature (en particulier la biologie), sciences de l’esprit, sciences de l’économie.

Carl Menger prend soin de distinguer pulsions, désirs et besoins, les besoins qui sont l’expression achevée de la nature de l’homme, tandis que les pulsions et les désirs en sont des expressions inachevées. Les besoins, toujours selon Carl Menger, sont donnés par notre nature et par les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons. Les besoins de l’homme sont un objet d’étude, une étude trop souvent perturbée et enrayée par l’erreur, l’ignorance, les passions.

Carl Menger est le promoteur du concept d’économie humaine, d’économie recentrée sur l’individu. Nous avons affaire à la méthode de l’individualisme méthodologique même si Carl Menger ne fait pas expressément usage de l’expression. Carl Menger, l’un des fondateurs de l’École autrichienne d’économie, est un penseur qui à mon sens (et je ne suis pas le seul) est non seulement très actuel mais qui devient de plus en plus actuel, porteur d’énergie, de propositions vitales, comme cette vaste tendance qui se réclame de lui. Je regrette qu’un pays comme la France reste diversement empêtrée dans des socialismes et le keynésianisme. Elle retirerait de grands profits économiques et sociaux, des profits tout simplement humains à mieux étudier et mettre en œuvre les propositions de l’École d’économie autrichienne. Mais que faire avec un État qui légifère à tout-va sans jamais cesser de s’empiffrer en se servant dans l’assiette de tous ? Assiette, assiette fiscale, tiens, je viens d’y penser…

 

 

L’économie ayant un objet théorique (la nature humaine dans ses rapports avec le besoin), elle devient une science théorique. Connaissance de la nature humaine et des besoins de l’homme et science de l’économie avancent parallèlement.

Le concept d’économie humaine permet de lancer des ponts entre nature humaine et besoins en s’intéressant à l’appréciation par un individu des biens dont il dispose, de ses besoins et des moyens de les satisfaire. Ce concept s’attache à l’individu isolé, une notion qui revient souvent sous la plume de Carl Menger, l’individu isolé ou de (très) petits groupes, autant d’exemples destinés à rendre sensible le problème de l’homme – de l’individu – confronté à ses besoins et à ses ressources.

Carl Menger reproche à Adam Smith et ses disciples de considérer l’économie d’un point de vue national et de ne pas l’avoir envisagée sur sa base la plus profonde, première – et ultime. L’économie concerne d’abord l’individu avant de concerner la nation : de l’économie humaine – individuelle – à l’économie nationale qui résulte de l’agrégat d’économies humaines. Et l’économie nationale, n’étant pas individuelle, n’est pas une économie humaine.

 

Tableau XIII – En ces temps de confinement, je relis Frédéric Bastiat, Ludwig von Mises, Friedrich Hayek, Murray Rothbard, Ayn Rand et d’autres. Je les relis cette fois en picorant, je dresse des florilèges et prends à l’occasion des notes enjouées en m’efforçant de donner des ailes à mon inquiétude, d’en faire une force agissante, car il y a de quoi être inquiet avec ces interférences étatiques, ce crédit à tout-va avec taux d’intérêt négatifs, cet endettement abyssal et j’en passe. Bref, dans le confinement lisboète, je reprends des écrits qui me requinquent. Lire les économistes autrichiens, les membres de l’école classique (parmi lesquels le Français Frédéric Bastiat) et les anarcho-capitalistes me donne un punch dont j’ai besoin dans cette étatisation insidieuse, dans ces légiférations cancéreuses, dans cette socialisation gluante.

L’économiste qui se contente de l’algèbre et du calcul différentiel, l’économiste qui se limite à ce jargon est un reclus ne tarde pas à radoter en se prenant pour un grand manitou. L’économiste doit être pluridisciplinaire et, d’abord, avoir un regard et un langage philosophiques. La langue de ces économistes-philosophes du XVIIIe, du XIXe et du XXe siècles (ils s’exprimèrent principalement en anglais, en français et en allemand) est limpide, vive, entraînante. Elle contient des questionnements et des propositions toujours actifs malgré les formidables mutations qu’a connues le monde. Parmi ces questionnements, l’un des plus massifs, l’État et l’étatisme.

Murray Rothbard l’impertinent, véritable machine de guerre, a rendu hommage à Frédéric Bastiat. Il disait de lui que ses écrits constituaient des armes d’une redoutable efficacité pointées en direction des prétentions de l’État dans le domaine économique. Mais Frédéric Bastiat a été mis au placard comme tant l’économistes libéraux. En France, nombre d’étudiants de l’enseignement supérieur n’ont même jamais rencontré leurs noms. En attendant, on nage dans un océan de réglementations, de monnaie fiduciaire, de taux d’intérêt imposés par les banques centrales et de création monétaire. Et il me semble que cet océan est bordé de précipices vers lesquels les courants nous poussent gentiment, insensiblement. Ces précipices où l’eau chute sont plus imposants que le Salto Ángel au Venezuela, et nous voguons sur des débris ou, au mieux, sur des matelas pneumatiques. Certains en profitent pour se faire bronzer et siroter leur punch. On ne peut leur en vouloir.

L’économie s’épuise dans des souterrains labyrinthiques. Des bulles se forment (il faut écouter Marc Touati, un homme au langage clair et incisif qui désigne des dangers sans pour autant perdre son allant), des bulles qui lorsqu’elles éclateront feront plus de mal que des bulles de savon. Je vous invite à lire (ou à relire) ce célèbre pamphlet de Frédéric Bastiat, le dernier de ses pamphlets et probablement le plus connu : « Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas » :

http://bastiat.org/fr/cqovecqonvp.html

Lorsque Murray Rothbard enseignait (témoignage d’un étudiant), il ne se perdait pas dans des graphiques, des équations et autres prétentions, il fonçait dans de vastes espaces et sur un mode épique, sans jamais cesser de donner des conseils de lectures avec toutes les références nécessaires.

Ludwig von Mises est l’une des références majeures de Murray Rothbard, Ludwig von Mises qui a élaboré la théorie autrichienne du cycle économique il y a plus d’un siècle et qui est devenu économiste après avoir étudié les « Principes d’économie politique » (« Grundsätze der Volkswirtschaftslehre ») de Carl Menger, un ouvrage publié en 1871. Je n’ai pas lu ce livre qui propose une alternative au libre-échangisme britannique et au socialisme historique allemand, un livre considéré comme l’un des pivots dans la pensée économique, à l’égal de « The Wealth of Nations » d’Adam Smith, de « The General Theory of Employment, Interest and Money » de John Maynard Keynes ou « Das Kapital » de Karl Marx. Ci-joint, un excellent article intitulé « L’économie selon Carl Menger » :

https://laviedesidees.fr/L-economie-selon-Carl-Menger.html

Ludwig von Mises et d’autres membres de l’École d’économie autrichienne ont étudié de près ce que nous nommons à présent les « bulles », les speculative bubbles, un sujet terriblement actuel, de plus en plus actuel avec ces taux d’intérêt écrasés, écrabouillés. On se souvient qu’après les attentats du 11 -S, la Federal Reserve a ramené le taux directeur à 1 % en 2003 – il était de 6,5 % en 2000 –, ce qui a favorisé une gigantesque bulle spéculative dans l’immobilier aux États-Unis. On connaît la suite dont les conséquences pèsent encore très lourd ; elles ont même été avivées par la pandémie.

Les membres de l’École d’économie autrichienne flairaient le très grand danger que recèle la manipulation les taux d’intérêt, un danger que certaines sommités ne semblaient pas vraiment percevoir, à commencer par Alan Greenspan. Le prix de l’immobilier d’habitation culmina en 2006, la bourse et l’immobilier commercial culminèrent l’année suivante. On connaît la suite. Murray Rothbard (décédé en 1995) a expliqué que le gouvernement ne devait pas intervenir dans ce type d’affaire et laisser les consommateurs dicter ce qui devait être mis sur le marché : c’est le marché qui doit dicter les taux d’intérêt et non les banques centrales.

Quelle leçon a-t-on retirée de la crise des subprimes (subprime mortgage crisis) qui a débuté en 2007 ? Il me semble que les dirigeants, à commencer par les Européens, devraient plus étudier l’École d’économie autrichienne dont le langage clair et précis est en prise avec le monde. Rien à voir avec ce fatras technique au vocabulaire abscons qui à peine élaboré sent la poussière et la naphtaline. L’actuelle pandémie ne fait malheureusement que renforcer l’emprise des gouvernements sur l’économie et la société, une emprise qui ne peut que conduire à l’appauvrissement et au désordre.

(à suivre)

Olivier Ypsilantis

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