Réponse à un intervenant sur un blog : « Ce qui ne cesse de m’intriguer, c’est l’énervement (euphémisme) au sujet d’Israël de la part d’individus qui s’inscrivent dans une zone vague. Je prends sans cesse note du fait suivant et m’interroge : pourquoi des individus aux opinions flottantes, plutôt juste-milieu, essentiellement préoccupés du résultat de leurs examens proctologiques et coprologiques ou de l’indexation de leur salaire sur l’inflation (des préoccupations nullement méprisables, j’en conviens), bref, des individus qui ont des idées vagues sur tout ce qui ne touche pas à leur confort et leur tranquillité, et qui constituent le gros de la troupe, pourquoi donc, lorsqu’il est question d’Israël, ces individus se réveillent-ils soudainement comme d’un engourdissement (provoqué par le confort et la tranquillité), deviennent-ils péremptoires et s’érigent-ils en juges alors qu’ils ignorent tout de ce pays (je passe sur l’information mainstream qui n’est que nourriture pour élevage en batterie) où ils n’ont jamais mis les pieds, et ne mettront probablement jamais les pieds, alors que les malheurs du monde, si divers et variés, ne sont pour eux que des images télévisées sur lesquelles ils zappent entre deux apéros ? Mais au nom « Israël », ils montent sur leur escabeau et alertent, une main sur le cœur et une larme à l’œil, sans oublier l’index qui désigne, accusateur. Nous avons là un intéressant sujet d’étude interdisciplinaire. »
L’Empire d’Alexandre le Grand à son apogée
Alexandre maintient Mithrénès à son poste mais ce n’est qu’à l’occasion de son entrée à Babylone qu’il confie à un noble iranien rallié, Mazaios, une satrapie nouvellement conquise, la Babylonie. Et ce n’est qu’un début puisque sur les douze satrapies conquises entre 331 et 327, onze sont confiées à des Iraniens, une à un Macédonien. Certes, il ne les a pas confiées à des inconnus (voir détails). Par ailleurs, si les satrapes perses restent maîtres de l’administration, les postes militaires sont attribués à des Macédoniens, avec commandement des troupes d’occupation, des principales forteresses et trésoreries. A mesure qu’il pousse ses conquêtes vers l’est, le nombre des satrapes iraniens diminue au point que lorsqu’il approche de l’Inde, les satrapies stratégiquement les plus importantes sont tenues d’une manière ou d’une autre par des Macédoniens ou des Iraniens à la fidélité éprouvée. Dans ce mouvement vers l’est, Alexandre remodèle son armée en employant les armes et les méthodes des Iraniens, en levant par exemple un corps d’archers à pied et un corps d’archers à cheval. Son besoin continuel de renfort (l’envoi de Macédoniens et de mercenaires grecs ne suffit pas) l’engage à lever des contingents de cavaliers en Sogdiane et Bactriane en tant que corps auxiliaire, sans les mêler à la cavalerie macédonienne afin de ne pas froisser la susceptibilité de cette dernière. Par ailleurs, avant son départ pour l’Inde, il fait enrôler trente mille jeunes Iraniens qui doivent apprendre la langue grecque et s’entraîner à la langue macédonienne. Une telle décision était peut-être destinée à s’assurer plus encore la soumission des régions conquises (Quinte-Curce considère ces jeunes Iraniens comme des otages), un jugement qui perd de sa pertinence dans le moyen-long terme car Alexandre avait probablement en tête de créer un corps d’armée à intégrer à la Phalange. Voir les autres vecteurs de la politique de ralliement de la noblesse iranienne élaborée par Alexandre.
A la fin du premier volume de « Histoire de l’Allemagne contemporaine. 1917-1933 », au sous-chapitre « Les raisons d’un suicide », Gilbert Badia « dégage les causes générales qui expliquent la fin sans gloire de la République de Weimar », il le fait avec un regard ample qui convie tous les protagonistes au banc des accusés : la droite classique dont les responsabilités sur le plan purement politique sont écrasantes mais aussi la gauche dans son ensemble, avec notamment le Parti communiste : « Lorsqu’en 1932 il a consacré tous ses efforts au rassemblement des antifascistes, il n’a pu combler le fossé d’injures, de haine et de sang creusé depuis des années entre les sociaux-démocrates et les communistes. Il a continué à réclamer l’instauration d’un pouvoir soviétique alors qu’il aurait fallu rassembler toutes les énergies pour le salut de la démocratie ». Staline activera férocement cette tendance au niveau international, vouant la social-démocratie (les puissances occidentales) aux enfers jusqu’à ce que les troupes allemandes menacent de tout emporter. Il est vrai, et pour en revenir à l’Allemagne, que les rapports entre la social-démocratie et les communistes avaient été particulièrement conflictuels ; voir le social-démocrate (S.P.D.) Gustav Noske, la Spartakusbund et les Freikorps. Les analyses de Gilbert Badia (1916-2004) sur la naissance et la mort de la République de Weimar sont particulièrement pertinentes et son « Histoire de l’Allemagne contemporaine » qui en deux volumes couvre la période 1917 à 1962 (soit 1917-1933 / 1933-1962) fourmille en analyses d’une grande pertinence auxquelles je reviens volontiers. Ce communiste reste un esprit libre, chose rare. Ainsi, dans son livre « Ces Allemands qui ont affronté Hitler », Gilbert Badia ne s’en tient pas à la résistance communiste et ne la place pas au-dessus des autres. Il en prend la défense, et à raison, tout en respectant d’autres résistances. Il rappelle le rôle des femmes, Inge Scholl par exemple ; et n’oublions pas à ce propos que Gilbert Badia est le biographe de deux femmes : Rosa Luxemburg et Clara Zetkin. Parmi ces résistants, il évoque des oubliés, d’extraordinaires figures comme Georg Esler et Kurt Gerstein. Ce livre très riche est un peu fouillis, et il n’est pas exhaustif – et comment l’être lorsqu’on affronte un tel sujet ? Mais il écrit par un homme sensible et ouvert, le contraire d’un esprit dogmatique, ce qui est bien le plus important.
Parmi les plus intéressantes visites à Lisbonne, le Musée de l’Eau (Museu da Água), un circuit avec cinq arrêts (du XVIIIe et XIXe siècles) : l’aqueduc des Águas Livres, le réservoir de la Mãe d’Água das Amoreiras, la galerie souterraine du Loreto, la station de pompage à vapeur des Barbadinhos, le réservoir de la Patriarcal. A ce circuit s’ajoute celui des aqueducs souterrains, soit quatre parcours, visitables à partir de la galerie du Loreto, de longueur variable (entre 300 et 1250 mètres), et le circuit des fontaines monumentales, des places et des jardins publics. La plus impressionnant élément de ce circuit, l’aqueduc des Águas Livres, bâti entre 1731 et 1799 (longueur 941 mètres, hauteur maximale 65 mètres) sous le règne de João V. Cet aqueduc n’est qu’une partie d’un vaste réseau de captation d’eau d’adduction gravitaire qui s’étire sur plus de 58 kilomètres de canalisations entre les sources (Mãe d’Água Velha et Mãe d’Água Nova, non loin de Sintra) et la capitale.
Le chapitre IV, « Échanges », dans « Harmonies économiques » de Frédéric Bastiat s’ouvre sur cette considération : « L’échange, c’est l’économie politique, c’est la société toute entière ; car il est impossible de concevoir la société sans échange ni l’échange sans société. Aussi n’ai-je pas la prétention d’épuiser dans ce chapitre un aussi vaste sujet. A peine le livre entier en offrira-t-il une ébauche. Si les hommes, comme les colimaçons, vivaient dans un complet isolement les uns des autres, s’ils n’échangeaient pas leurs travaux et leurs idées, s’ils n’opéraient pas entre eux de transactions, ils pourraient y avoir des multitudes, des unités humaines, des individualités juxtaposées ; il n’y aurait pas de société. Que dis-je ? Il n’y aurait pas même d’individualités. Pour l’homme, l’isolement c’est la mort. Or, si hors de la société il ne peut vivre, la conclusion rigoureuse c’est que son état de nature c’est l’état social ». Il s’agit d’une critique aussi fine que massive d’un certain XVIIIe siècle à laquelle se livre Frédéric Bastiat, un certain XVIIIe siècle qui raisonne en opposant état de nature et état social, donnant au premier une prééminence radicale. Et Frédéric Bastiat en vient sans tarder au plus influent représentant de cette doctrine, Jean-Jacques Rousseau, le système de Rousseau dont l’influence a été et reste considérable « sur les opinions et sur les faits » et qui « repose tout entier sur cette hypothèse qu’un jour les hommes, pour leur malheur, convinrent d’abandonner l’innocent état de nature pour l’orageux état de société ». J’aurais aimé que Jean-Jacques Rousseau ait raison, vraiment, mais il a tort et radicalement.
A Rato (Lisbonne), une grande affiche du Partido Socialista (PS) avec portrait de Mário Soares accompagné d’une pensée du même, pensée dont on ne sait trop que penser : « Só é vencido quem desiste de lutar » (Seul est vaincu celui qui renonce à lutter). Sur une affiche du CDU (Coligação Democrática Unitária, PCP–PEV), on peut lire : « Andar para trás não. Avançar é preciso ! » (Reculer non. Il faut avancer !), un slogan genre sac vide (de plus en plus fréquent) dans lequel chacun est libre de jeter ce qui lui convient.
Dans un dénivelé du Jardím da Estrela, une statue d’Antero de Quental. Je retrouve ce poète et philosophe partout et discrètement. Hier, chez un bouquiniste, m’attendait en haut d’une pile : « Causas da decadência dos povos peninsulares ». Et le jour où j’ai passé mon article sur ce blog même, « En lisant Antero de Quental, poète et philosophe portugais », le 8 mars 2019, je me suis rendu chez une amie qui demeure Rua Antero de Quental.
Promenade dans le Parque Campo Mártires da Pátria, nommé ainsi en 1879 en souvenir de l’exécution le 18 octobre 1817 de Gomes Freire de Andrade e Castro et onze officiers accusés d’avoir conspiré contre D. João VI.
Jardím da Estrela, Lisboa.
Dans le manifeste posté par Brenton Tarrant sur les réseaux sociaux, peu avant qu’il ne passe à l’action à Christchurch, New Zeland, le nom de Candace Owens est mentionné ; il dit d’elle : « Each time she spoke I was stunned by her insights and her own views helped me push further and further into the belief of violence over meekness ». Candace Owens, une Afro-américaine influencée par Ann Hart Coulter, Milo Yiannopoulos, Ben Carson et Thomas Sowell. Me renseigner sur ces personnalités right-wing américaines, parmi lesquelles des Afro-américains. Brenton Tarrant haïssait les Musulmans, et s’il haïssait pareillement les autres couleurs de peau que la blanche (à vérifier), il n’hésitait pas à se réclamer de la pensée d’une femme noire.
L’itinéraire politique de Murray Bookchin, avec la dernière étape, la plus intéressante car la plus personnelle, soit celle qu’il définit comme « communalist » ou « libertarian municipalist ». L’une de ses plus importantes contributions politiques, et peut-être la plus importante, avoir (ré)introduit le concept d’écologie dans la pensée politique. Pour lui, la faute la plus lourde du capitalisme ne réside pas dans l’exploitation de l’homme par l’homme mais plutôt dans celle de la nature par l’homme, une exploitation qui, si elle n’est pas contrôlée, conduira irrémédiablement à la déshumanisation de l’homme et à la destruction de la nature. Plus exactement, pour Murray Bookchin, le message premier que délivre la social ecology est que l’exploitation de la nature dérive de l’exploitation de l’homme par l’homme ; autrement dit, une ecological society doit pour se développer éradiquer l’exploitation de l’homme par l’homme. Le libertarian municipalism « seeks to reclaim the public sphere for the exercise of authentic citizenship while breaking away from the bleak cycle of parliamentarism and its mystification of the “party” mechanism as a means for public representation ». Le libertarian municipalism décrit l’État comme « a completely alien formation », un « thorn in the side of human development » et se présente comme « democratic to its core and non-hierarchical in its structure » ainsi que « premised on the struggle to achieve a rational and ecological society. »
Olivier Ypsilantis