J’ai plaisir à vous rendre compte d’une petite exposition. Elle se tient à Cartagena, ville fondée vers 227 av. J.-C. par Hasdrubal. C’est de Cartagena qu’il lança l’expédition contre Rome, au cours de la Deuxième Guerre punique, en 218 av. J.-C. C’est de Cartagena et de Valencia qu’embarquèrent les Juifs castillans expulsés par les Rois catholiques, en 1492.
Cette petite exposition intitulée “Lorca, luces de Sefarad” montre le résultat des fouilles conduites entre 2003 et 2006, à Lorca (ville de la province de Murcia), des fouilles qui ont permis de confirmer ce que certains documents laissaient supposer, soit la localisation d’une judería (quartier juif) dans une partie de l’enceinte fortifiée, le Barrio de Álcala plus précisément.
Vue générale des fouilles
L’exposition s’articule en deux endroits proches l’un de l’autre : le Palacio Consistorial (la mairie) et le Museo del Teatro Romano. Quelques mots sur ces deux constructions. Le Palacio Consistorial est un bel édifice modernista (1907) édifié par Tomás Rico Valarino. Je l’imagine décor pour opérette ou comédie musicale. De très importants travaux de restauration et de consolidation y ont été entrepris ; ils se sont achevés en 2006. Le Museo del Teatro Romano, de José Rafael Moneo Vallés, a été inauguré en 2008. Ce prestigieux architecte est notamment l’auteur du Museo Nacional de Arte Romano de Mérida, inauguré en 1986. Le théâtre romain de Cartagena a été découvert en 1988. Un très complexe processus de récupération s’en est suivi.
J’en viens à l’exposition elle-même. Ce qu’on peut y voir est aussi émouvant que modeste ; il n’en reste pas moins que ces découvertes constituent un bel apport à la culture sépharade du XIIIème au XVème siècle, dans le Sud-Est de la péninsule ibérique. Un volumineux catalogue est proposé à la vente pour la somme de 30 euros. Il est sobre, élégant et n’est pour l’heure disponible qu’en espagnol. Ces fragments ôtés à l’oubli et présentés au public pour la première fois viennent donc du Barrio de Álcala, sur la partie haute de la ville de Lorca, ville de la province de Murcia qui compte aujourd’hui environ 100 000 habitants. Les fouilles portent sur une synagogue et une douzaine d’habitations.
L’exposition dans le Museo del Teatro Romano est exclusivement consacrée à la synagogue (XVème siècle) dont l’état de conservation est jugé exceptionnel. Un document audiovisuel accompagne l’exposition : on y voit notamment une reconstitution par images de synthèse de cette belle construction à plan rectangulaire.
Plan général de la synagogue
Parmi les objets présentés :
– deux mille six cents fragments de verre à partir desquels ont été reconstituées une vingtaine de lampes d’une typologie variée, soit huit formes classées en deux ensembles : les suspendues (à des chaînettes) et les posées (sur des socles métalliques) ;
– des fragments du carrelage de la via sacra, décor végétal et tonalité bleu de cobalt ;
– des fragments de lampes de Hanouka, certaines reconstituées ;
– des fragments d’ouvrages en plâtre (yesería) replacés dans leur ensemble architectonique, dont un arc polylobé. S’y mêlent inspiration mudéjar et gothique flamand.
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Je traverse la place ensoleillée pavée de marbre clair qui s’ouvre sur la baie de Cartagena, cette baie qui fut pour des milliers de Sépharades la dernière vision de leur pays. Á quai, un superbe ketch battant pavillon suédois. Au loin, le long de la jetée, des unités de la marine de guerre espagnole que j’ai peine à distinguer tant leur peinture gris-bleu se révèle efficace dans cet éclairage. J’entre dans le Palacio Consistorial. L’exposition y est consacrée à la douzaine d’habitations. Parmi les objets présentés :
– des documents originaux et des fac-similés de provenances diverses dont deux pages qui rendent compte du voyage de l’alfaqueque Samuel Aben Hayon (un fonctionnaire chargé de racheter les prisonniers ou de faire libérer les esclaves et prisonniers de guerre), de Vera à Almería ;
– quelques billons (pièces en alliage argent/cuivre) à l’effigie des souverains Enrique III et Enrique IV ;
– le plus émouvant car le plus ancien (nous passons de la fin du Bas Moyen Âge (XVème siècle) au IVème – Vème siècle) : un bouchon d’amphore en plâtre avec Menorah trouvé calle Fábrica, sur le port de Mazarrón (au Museo Arqueológico Municipal de Mazarrón) ; et une petite lampe à huile, elle aussi décorée d’une Menorah (voir l’image qui accompagne l’article), trouvée dans la Necrópolis del Molino, à Águilas (au Museo Arqueólogico Municipal de Águilas) ;
– de la céramique au beau dessin bleu ou doré mat, originaire de Manises et Paterna (environs de Valencia) ;
– un bel arc polylobé en plâtre ;
– de la vaisselle en terre cuite de fabrication locale et quelques autres modestes objets.
Vous trouverez dans le lien suivant un parfait complément à cet article : http://www.lucesdesefarad.com/ing/web/mapa_web.php