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Les Juifs de Chine (Shanghai) 2/2

Gravure sur bois de David Ludwig Bloch

 

III –  La vie à Shanghai pendant la Seconde Guerre mondiale.

Depuis 1931, le Japon ne cesse d’accentuer sa pression sur la Chine occupée à combattre les communistes. En juillet 1937, la guerre est officiellement déclarée entre la Chine et le Japon. Le nord de la Chine est conquis par les Nippons qui, dans la foulée, attaquent le sud. En août 1937, la marine japonaise attaque Shanghai. Les combats dureront trois mois. En novembre, la partie chinoise de la ville passe sous contrôle japonais. Les autorités municipales des concessions ont quant à elles déclaré leur neutralité dès le début des hostilités. Ces dernières accueillent des milliers de Chinois qui fuient les combats. Dans la ville chinoise dévastée, des camps sont organisés pour accueillir quelque huit cent mille sans-abris Chinois, tandis que cent vingt mille d’entre eux sont pris en charge par les concessions.

 

Au début de 1940, quatre mille réfugiés vivent dans la Concession française (le secteur le plus huppé de la ville), mille cinq cents dans la Concession internationale, et onze mille à Hongkou, un quartier situé au nord-est de cette dernière et occupé par les Japonais qui permettent aux Juifs de s’y établir librement. Hongkou est une ancienne zone industrielle ravagée par les combats. S’y entassent Chinois, Russes (Juifs et non-Juifs), ainsi que soixante-dix mille Japonais. Ernst G. Heppner y décrit les conditions de vie dans ‟Shanghai Refuge : A Memoir of the World War II Jewish Ghetto” dont des fragments sont consultables en ligne :

http://www.questia.com/library/book/shanghai-refuge-a-memoir-of-the-world-war-ii-jewish-ghetto-by-ernest-g-heppner.jsp

 

Le quartier habité par les réfugiés allemands et autrichiens va se transformer au point d’être surnommé ‟la petite Vienne”, avec maisons réaménagées dans le style occidental, avec boutiques, ateliers, librairies, cafés, restaurants, clubs, etc. Mais dans ce quartier de Hongkou s’entassent aussi des immigrés miséreux, dans ces foyers-dortoirs que les Allemands appellent Heime ; et ils sont nombreux à tomber dans la déchéance physique et morale. Les comités de secours vont avoir de plus en plus de mal à pourvoir à l’alimentation des réfugiés indigents. Fin 1940, le Committee for the Assistance of European Jewish Refugees in Shanghai ne peut plus distribuer les trois repas quotidiens, aussi le dîner est-il supprimé. Après Pearl Harbor, l’American Jewish Joint Distribution Committee suspend son aide financière.

 

Contrairement aux premiers réfugiés arrivés en 1933-1934, ceux qui débarquent entre 1938 et 1941 rencontrent beaucoup plus de difficultés à s’insérer dans la vie économique et sociale, et pour diverses raisons. Parmi ces raisons : ils disposent de très peu de moyens financiers et sont prêts à accepter des travaux jusqu’alors réservés aux Chinois, ce qui indispose les Occidentaux installés de longue date à Shanghai car leur image de marque en souffre. Ces nouveaux arrivants ne manquent pourtant pas de compétences, des compétences par ailleurs fort variées. Les médecins et les dentistes peuvent exercer leur profession avec une relative facilité. Certains parviennent même à ouvrir des cabinets. Ceux qui éprouvent le plus de difficulté sont les employés de bureau et les cadres administratifs : des Russes blancs et des Chinois formés par les Occidentaux occupent les places qui auraient pu leur revenir.

 

L’entrée en guerre des États-Unis contre le Japon, suite au bombardement de Pearl Harbor (8 décembre 1941), va avoir de lourdes conséquences sur la vie des réfugiés juifs de Shanghai. Le jour même de l’attaque contre Pearl Harbor, les Japonais contrôlent tout Shanghai. Les États-Unis réduisent plus encore leur aide. Les réfugiés sont au bord de la famine. C’est alors qu’intervient une femme admirable, Laura Margolis de l’American Jewish Joint Distribution Committee (JDC). En lien, une notice biographique mise en ligne par Jewish Women’s Archive :

http://jwa.org/blog/laura-margolis-heroine-of-shanghai

Et en complément, un article d’Erica Lyons mis en ligne par Asian Jewish Life, ‟Laura Margolis in the Spotlight. Portrait of an heroine in Shanghai” :

http://asianjewishlife.org/pages/articles/AJL_Issue_8/AJL_CoverStory_Laura_Margolis_Shanghai.html

Et n’oublions pas que Laura Margolis bénéficia du soutien d’un officier de l’armée impériale japonaise, le capitaine Koreshige Inuzuka.

 

En juillet 1942, le SS Standartenführer Joseph Albert Meisinger, surnommé ‟le boucher de Varsovie” (il sera condamné à mort et exécuté), débarque à Shanghai. Ce technicien de la mort va expliquer à ses interlocuteurs japonais que les Juifs, dangereux ennemis de l’Allemagne et de son allié le Japon, sont des saboteurs dont il convient de se débarrasser dans les plus brefs délais. A cet effet, Joseph Albert Meisinger et ses collaborateurs donnent les conseils suivants à leurs interlocuteurs japonais :

— entasser les Juifs nus dans des rafiots pour les couler en haute mer ;

— les expédier dans des mines de sel situées en amont du fleuve Jaune ;

— ouvrir un camp de concentration sur l’île de Tsung-ming (à l’embouchure du fleuve Bleu) pour y soumettre les prisonniers à des expériences médicales.

Et le chef de la délégation nazie conseille aux chefs militaires japonais d’opérer un coup de filet à l’occasion de Roch Hachana. Le vice-consul Mitsugi Shibata qui assiste à la réunion en sort abasourdi et prévient aussitôt les dirigeants de la communauté juive, une initiative qui lui vaudra de nombreux déboires. Le gouvernement japonais refuse catégoriquement les propositions allemandes et s’en tient à une demie-mesure : rassembler les réfugiés juifs dans un ghetto, au centre du quartier de Hongkou. Le mot ‟ghetto” n’est toutefois jamais prononcé, pas plus que le mot ‟juif”. Je passe sur les difficultés relatives au transfert des populations, du ghetto (officiellement créé le 18 février 1943) vers l’extérieur et de l’extérieur vers le ghetto. Le 18 mai 1943, environ quatorze mille réfugiés y sont assignés à résidence tandis que mille cent soixante-douze médecins, infirmières et employés des comités de secours obtiennent une prolongation de séjour à l’extérieur.

 

L’hiver 1943-1944 est particulièrement rude pour les réfugiés. Tout manque. Les comités de secours sont au bord de la banqueroute ; et le nombre de ceux qui dépendent d’eux ne cesse d’augmenter : six mille fin 1943, sept mille trois cents en 1944, onze mille en juin 1945. Grâce à diverses personnalités (parmi lesquelles Laura Margolis et Henry Morgenthau), le JDC injecte des fonds qui vont enrayer cette misère. Le 6 juin 1944 puis le 8 mai 1945 laissent espérer la fin de l’occupation japonaise. Mais le 17 juillet 1945, un tapis de bombes lancé par l’USAF dévaste une partie du ghetto. Une station radio japonaise était visée. Trente-deux réfugiés, des centaines de Japonais et des milliers de Chinois sont tués. Les blessés et les sans-abris sont encore plus nombreux.

 

Le 26 août, Shanghai est libérée. La ville compte quinze mille réfugiés. Je passe sur la chronologie des départs. Simplement, en mars 1965, le dernier rouleau de la Torah part pour l’Australie ; et, selon un bulletin de la Jewish Telegraph Agency, Max Leibovich décède à Shanghai le 15 janvier 1982, à l’âge de soixante-quinze ans. Il était le dernier  membre de la communauté juive de la ville — ou l’un des derniers ?

 

Afin de prolonger cette suite de cinq articles dédiée aux Juifs de Chine, un lien d’une très grande richesse intitulé “L’histoire passionnante des Juifs à Shanghai et en Chine” (mis en ligne par Israel Star News) :

http://www.israelstarnews.fr/2010/04/histoire-des-juifs-a-shanghai-et-en-chine/

 

Mitsugi Shibata, vice-consul du Japon à Shanghai. Son action permit de sauver de nombreux Juifs de Shanghai.

http://www.couragetocare.com.au/SiteMedia/w3svc006/Uploads/Documents/b9a63dd0-5aab-4e37-b745-ad3949202fa7.pdf

 

 

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