‟En fait nous avons résolu cette question, et par l’affirmative. Nous prétendons que le sionisme est moral et juste. Et comme il est moral et juste, la justice doit être rendue. Peu importe que Joseph ou Simon ou Ivan ou Ahmed soient ou non. Il n’y a pas d’autre moralité”, écrit Jabotinsky.
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J’observe le monde arabe depuis des années, je prends note de cette dialectique faite d’agressivité et de victimisation par laquelle il s’efforce de pousser ses pions ou, tout au moins, de marquer sa présence dans le monde…
Mais à quoi assistons-nous aujourd’hui sinon à la désagrégation du monde arabo-musulman, cœur historique de l’islam. Il y a peu, j’ai pris connaissance d’un article écrit par un ancien fonctionnaire du ministère israélien des Affaires étrangères, Oded Yinon. L’article s’intitule : ‟La stratégie pour Israël dans les années 80”, où sont passées en revue les faiblesses du monde arabe, pays par pays, et les opportunités qu’elles offrent à Israël. Cet article est à sa manière prémonitoire et il va dans le sens de ce que j’ai formulé dans plusieurs articles.

La carte ci-dessus a été élaborée par le lieutenant-colonel Ralph Peters et publiée dans le Armed Forces Journal en juin 2006. Bien que la carte ne reflète pas officiellement la doctrine du Pentagone, elle a servi dans un programme de formation au Defense College de l’OTAN. Cette carte va dans le sens du Plan Yinon. On pourrait citer d’autres plans de redécoupage du Moyen-Orient à commencer par celui de Bernard Lewis.
Les esprits paresseux se laisseront aller à la théorie du complot : comme les événements de Syrie pourraient — je dis bien pourraient — bénéficier à Israël, pour eux il est entendu qu’Israël — et plus généralement le Juif — est à l’origine de ces événements… Dans un article intitulé ‟Syrie : comprendre les enjeux de l’alliance judéo-salafiste (synthèse exclusive)” et publié sur le site Breiz Atao (Voix de Breizh, l’État national breton), on peut lire en fin d’article : ‟Ce qui se joue actuellement n’est que la mise en œuvre du plan judéo-israélien pour le monde arabo-musulman, incluant l’utilisation d’éléments saoudo-salafistes dont la puissance ne dépend que de leur alliance avec les USA et Israël (pacte de Quincy).” C’est fortiche. Je rirais et me contenterais de hausser les épaules si ce genre d’argumentaire (la théorie du complot) qui fournit des ‟explications” bon marché ne trouvait de très nombreuses oreilles attentives. Ci-joint, le site Breiz Atao :
http://breizatao.com/?p=7558
Le monde tel que l’ont dessiné les Forces de l’Entente après la chute de l’Empire ottoman est en train de s’effondrer et tout laisse présager un redécoupage avec partition de plusieurs pays, suivant l’exemple yougoslave. Des lignes de fracture se précisent en tous sens et dans les trois dimensions, lignes de fracture confessionnelles, sociales, politiques, linguistiques, ethniques. Cette période est inquiétante — on ne sait jamais ce qui va sortir du chaos — mais elle est également riche en possibilités, en espoirs donc.
Dans l’article ci-dessus mentionné, Oded Yinon passe en revue les pays arabes et leurs problèmes respectifs. Il commence par l’Égypte, un pays sous perfusion qui, par ailleurs, a vu sa population quasiment doubler depuis la parution de l’article en question, en 1982, sans voir ses richesses augmenter. Pour ma part, je regrette qu’Israël ait restitué le Sinaï (suite au traité de paix israélo-égyptien signé le 26 mars 1979) qui est devenu une zone de non-droit où sévissent les pires trafics. Je souhaite sans ambiguité la création du Grand Israël, une désignation complexe. Le Grand Israël que j’espère ne correspond pas à celui de la Bible — je garde la tête froide — mais à celui qui ajoute à l’actuel Israël les territoires conquis lors de la guerre des Six Jours. Je partage les vues du parti sioniste révisionniste (puis du Herout) qui souhaitait que le Foyer national juif (puis Israël) corresponde à l’ensemble de la Palestine sous mandat britannique. Mais le temps ayant fait son œuvre, j’écarte cette vision pour en revenir à Israël au lendemain de la guerre des Six Jours (du 5 au 10 juin 1967), au transfert de la population palestinienne vers la Jordanie (Transjordanie) qui aurait dû s’en suivre et à l’annexion pure et simple de la Cisjordanie par Israël.
L’Irak et la Syrie sont en cours de désintégration. On pourrait imaginer dans un proche avenir la fusion des Kurdes d’Irak (maîtres du pétrole) et des Kurdes de Syrie, noyau d’un futur grand État kurde, un coin d’acier dans le monde arabe. Par ailleurs, cette guerre en Syrie ne devrait-t-elle pas favoriser la formation d’un État alaouite-chrétien ? Je l’espère. On sait que les Alaouites sont des musulmans ‟discutables” et que nombre de sunnites ne verraient pas d’un mauvais œil leur éradication. Pareillement, ne va-t-on pas assister en Syrie à la formation d’un État druze ? Oded Yinon le souhaite. Il écrit : ‟Les Druzes constitueront leur propre État, qui s’étendra sur notre Golan peut-être, et en tout cas dans le Haourân, et en Jordanie du Nord. Cet État garantira la paix et la sécurité dans la région, à long terme.” La formation d’un État druze, pourquoi pas ? Mais de grâce, laissons le Golan à Israël !
L’article d’Oded Yinon traduit très précisément mes espoirs. Les ‟Printemps arabes” (une fois encore, je ne puis faire usage de cette expression sans un profond agacement) ont commencé par m’inquiéter, et fortement, jusqu’à ce que je pressente qu’ils pourraient signifier l’affaiblissement radical du monde arabe. Derrière mon pessimisme sur le court terme, se profile un optimisme sur le long terme.
Le cas jordanien tel que l’envisage Oded Yinon est intéressant. Pour ce dernier, la liquidation de l’actuel régime jordanien résoudrait le problème des territoires cisjordaniens à forte population arabe, avec transfert de cette population vers la Jordanie (Transjordanie), un pays où les Palestiniens représentent 65 % de la population, et annexion de la Cisjordanie ou, plus exactement, de la Judée-Samarie. Je rejoins Oded Yinon lorsqu’il écrit : ‟Il n’y aura de véritable coexistence pacifique dans ce pays que lorsque les Arabes (les Palestiniens) auront compris qu’ils ne connaîtront ni existence ni sécurité qu’une fois établie la domination juive depuis le Jourdain jusqu’à la mer. Ils n’auront une nation propre et la sécurité qu’en Jordanie.” Ces propos viscéralement anti-démagogiques rejoignent ceux de Jabotinsky, principalement dans son texte de 1923 intitulé ‟Le mur de fer – Nous et les Arabes”, un texte sans concession, loin des compromis meurtriers, des faux-fuyants et de la sacro-sainte démagogie :
http://jssnews.com/2009/12/23/vladimir-jabotinsky-le-mur-de-fer-nous-et-les-arabes-04111923/
Ce texte fondamental du fondateur du sionisme révisionniste a entre autres mérites celui de considérer les Arabes comme des adultes auxquels on peut tenir un langage d’adulte. La vision de Jabotinsky diffère de celle d’Oded Yinon. Il n’est pas question pour lui d’expulser les Arabes (les Palestiniens) : ‟Nous l’avons formulé, non seulement pour les Juifs, mais pour tous les peuples, et il est basé sur l’égalité de toutes les nations. Je suis prêt à jurer, pour nous et nos descendants, que nous ne détruirons jamais cette égalité et que nous ne tenterons jamais d’expulser ou d’opprimer les Arabes.” Jabotinsky diffère donc d’Oded Yinon. Il nous invite à réévaluer les relations avec les Arabes en général et les Palestiniens en particulier, une relation faite de compromis basés sur la condescendance. ‟Les amateurs de compromis parmi nous (les sionistes) essaient de nous convaincre que les Arabes sont des espèces de fous qu’on peut tromper en formulant nos buts de manière atténuée, ou une tribu de rapiats qui abandonneront leur droit de naissance sur la Palestine pour des gains culturels ou économiques.” Il convient d’opposer aux Arabes (aux Palestiniens) un langage ferme par respect pour eux, de refuser ce langage démagogique, sachant que la démagogie est la mère des pires désastres. Ce langage ferme n’interdit pas le dialogue, bien au contraire, il les favorise. Mais il faut savoir (et sur ce point Jabotinsky et Oded Yinon se rejoignent) que les Arabes (les Palestiniens) n’évolueront sur la question sioniste que lorsqu’ils auront perdu tout espoir de se débarrasser des Juifs, de percer le mur de fer. Les groupes extrémistes verront alors leur influence décroître et les groupes modérés prendront la relève et ‟offriront des suggestions pour des compromis sur des questions pratiques telles qu’une garantie contre l’expulsion, ou l’égalité ou l’autonomie nationale.” Ce langage tenu au début des années 1920 n’a rien perdu de son actualité ; il est toujours plus d’actualité.
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Inutile de préciser que le lecteur trouvera en ligne de nombreux sites et blogs anti-sionistes qui rendent compte avec horreur du plan imaginé par Oded Yinon, des sites et des blogs qui, forts de ce document, vous lancent leurs présupposés à la figure et, il fallait s’y attendre, reprennent à leur compte, tantôt implicitement tantôt explicitement, et sur des modes divers, les Protocoles des Sages de Sion. On ne sera pas étonné de trouver dans cette faune radoteuse le vénérable Israel Shahak qui s’agite autour de ce texte en le présentant comme un plan diabolique. Je signale que mon antipathie radicale pour le personnage ne tient pas tant à sa position sur la question qu’à un certain écrit intitulé ‟Histoire juive – Religion juive. Le poids de trois millénaires”, un livre truffé d’approximations et de préjugés qu’il me faudra passer en revue et pourfendre un à un. Je signale que ce livre a été édité en ligne, et intégralement, par ‟La Vieille Taupe”, un éditeur d’extrême-gauche négationniste.
Ci-joint, un lien intitulé ‟NATO’s Plan to Devide the Middle East, Oded Yinon, Bernard Lewis” :
http://www.youtube.com/watch?v=G9QLNHjIQe8
On remarquera sous la vidéo un petit texte de présentation qui se termine ainsi : ‟All the events in the middle east so far indicate that this plan is being carried out in secret.” Donc, chers lecteurs, vous l’avez compris, tout ce qui se passe au Moyen-Orient est l’œuvre de la juiverie internationale et des Sages de Sion, que toutes les horreurs dont la Syrie est actuellement le théâtre sont le fait d’Israël, etc., etc.
Les sites et les blogs qui colportent de telles insanités soit explicitement soit implicitement sont très nombreux. Il y a d’abord les Musulmans en général et les Arabes en particulier, mais aussi ‟Démocratie Royale” qui caresse le poil d’Israel Shahak dans le lien suivant intitulé ‟Israel Shahak – Oded Yinon : le plan de remodelage du Proche Orient (1982)”. J’ai une sympathie certaine pour l’idée de royauté, mais lorsqu’elle va se tremper dans les eaux viciées de l’antisémitisme, j’ai honte pour elle :
http://www.democratie-royale.org/article-israel-shahak-oded-yinon-le-plan-de-remodelage-du-proche-orient-1982-88779290.html
Il me faudrait aussi évoquer nombre de sites et de blogs de gauche et d’extrême-gauche. Les moteurs de recherche proposent à ce sujet une ratatouille dont le principal ingrédient est la croyance en une conspiration juive mondiale. Le lecteur aura compris que le plan Oded Yinon a toute ma sympathie.
Olivier Ypsilantis
Nous n’avons pas à nous justifier. Nous sommes sionistes et c’est tout! Nous n’avons pas à demander la permission d’exister en dehors des ghetto qui nous étaient (sont) imposés. Nous existons et c’est tout! A quelle nation demande-t-on sans cesse de justifier de son existence à part Israel? A quel peuple dit-on sans cesse qu’il est trop comme si ou pas assez comme ça à part le peuple juif? A quel peuple dit-on d’aller ici ou là: Juifs en Palestine dans les années 30, Juifs au Birobidjan sous Staline, Juifs hors de Palestine maintenant, mais aussi “barrez- vous, cassez-vous, retournez donc chez vous” comme on pouvait l’entendre sur une vidéo retirée depuis de YouTube )? A quel peuple refuse-t-on même le droit d’être un peuple?
L’antisémitisme actuel n’est que le dernier avatar d’un antisémitisme séculaire, vêtu de nouveau oripeaux.
Et ceux qui chez nous n’ont toujours pas compris et qui sont manipulés par les média internationaux ne sont que de nouveaux Nicolas Donin, Juif converti qui, par son zèle antisémite, avait provoque le brûlement du Talmud à Paris et par là même l’alyia des Juifs de la capitale. Il y en a toujours eu, ils agissent par haine de soi ou simplement par désir d’être Les Bons Juifs, parfois aussi par cupidité, exactement comme les convertis des siècles précédents qui se voyaient soudain richement dotés et propulsés bien loin de la vie misérable de leurs anciens coreligionnaires.
Amicalement
Excellent article comme à l’accoutumée Olivier.
Je ferais remarquer que l’attitude envers les arabes de la gauche et des pseudo-pacifistes est nocive voire irrespectueuse.
Ces gens là (droite incluse) INFANTILISENT les arabes. Ce sont en fait eux les parfaits néo-colonialistes et non pas l’état juif.
Leur propre déviance, ils la mettent sur le dos des juifs en posant dans une attitude et des réflexions paternalistes. Les arabes s’empressent de s’y réconforter car leur dogme et leurs coutumes justement sont essentiellement basés sur le mode patriarcal.
Penser, agir comme un père envers les arabes c’est aussi nier l’autre partie de l’humanité comme ils le font eux-mêmes via le Coran et la sunnah. Ca leur convient parfaitement et ils verront d’un bon oeil les “protecteurs”. C’est précisément cela le mépris.
Jabotinsky avait déjà évoqué cette attitude paternaliste de l’Occident qui, par souci premier de s’attacher les bédouins pour des questions économiques, nieront les juifs qui ne leur apportent depuis si longtemps…que des désagréments.
Toutefois, quelque chose de très léger, presqu’imperceptible par le commun des mortels est en train de se produire.
Entre le ras-le-bol sur la question arabe à l’Ouest et musulmane partout dans le monde, nous pouvons sentir un léger souffle ami ou au moins compréhensif de la part des irrédentistes de la cause arabo-palestinienne.
Que des Thaïlandais se fassent tuer au nom de l’islam dans un coin perdu de l’ex-royaume de Siam ou que des Danoises ou Norvégiennes se fassent violer par des primo-arrivants arabes, que des chrétiens se fassent massacrer dans les pays arabes, etc…peu à peu, “on” commence à se demander si les israéliens n’auraient pas été l’objet d’une image déformée.
Faut-il pour cela “goûter” au combat qu’Israel doit mener pour comprendre combien le clash de Lewis est déjà en route ?
Ce qui fait vraiment chier les rédactions d’Europe et des USA, c’est que le problème Syrien, les répressions égyptiennes, les attentats quotidiens en Irak, au Pakistan, au Yémen, N’ONT RIEN A VOIR AVEC ISRAEL !
Ils sont consternés les journaleux. Ah ! Si seulement on avait une petite bévue israélienne à se mettre sous la dent…
Rien ! Que dalle ! Alors on va dans la théorie du complot non pas directement mais via les journaux arabes qu’on retranscrit allègrement.
On théorise et on ment sur le dos de journalistes arabo-musulmans et on se cache derrière des “traductions dans le but d’informer”. C’est du grand art !
Lorsque le Monde nous refile une info parfaitement dégueulasse qu’il aura piqué à El Watan ou Al Arabya, il aura fait son devoir de rapporteur et n’en sera pas l’auteur. Cela rassure nos chers bien-pensants.
Très juste Nina, les Occidentaux infantilisent les Arabes en les dédouannant de tous leurs crimes, attitude paternaliste et raciste.
Hatima Tova, que tu sois inscrite dans le livre de la vie!
Shana Tova Hatima Tova chère Hanna ! Que les tiens et toi-même soyez inscrits sur le livre de la vie.
Tes articles sont sources de joie, d’apaisement et de découvertes ; j’ai honte en me relisant.
Mais ici, en galout, nous devons penser à rappeler des faits constamment car l’heure est grave.
Hier, à la synagogue, j’ai pu remarquer une sorte de ferveur renouvelée et un grand besoin pour les fidèles ou juifs de kippour de venir prier ? Se tenir chaud ? Peu importe.
Nous sentons bien que quelque chose que nous avions oublié ces dernières décennies vient de réapparaître. Entre lassitude et inquiétude, les juifs renouent avec la foi. Etrange quand on pense que beaucoup de ceux que j’ai croisés étaient il y a encore une dizaine d’années, peu engagés.
Faut-il de grosses claques pour que nous envisagions le judaïsme autrement que comme une identité réelle et non comme “une seconde nature” ?
Ne trouvons nous notre judaïsme que dans l’adversité ?
Si j’étais optimiste, je dirais que cette adversité est parfois nécessaire pour ne pas sombrer dans une assimilation outrancière qui nous ferait oublier qui nous sommes. “zakhor” !
Nous serions donc juifs dans l’urgence de la situation ?
Je vais regarder le verre à moitié plein et me dire que toutes ces disgressions philosophiques sont vaines puisque juifs nous restons et peu importe la façon.
Je t’embrasse Hanna,