26 août (suite). Marche dans le quartier arabe puis arrêt en l’église luthérienne (Church of the Redeemer (Erlöserkirche) – The German-speaking Protestant Congregation of Jerusalem), une belle construction en pierres claires. Elle semble avoir plusieurs siècles, alors que la première pierre en a été posée en 1893 et qu’elle a été inaugurée le 31 octobre 1898 ! On peut y voir une agréable mise en harmonie d’éléments romans (arcs en plein-cintre et coupole sur trompes), d’éléments gothiques (arcs brisés), sans oublier les chapiteaux corinthiens.
Au Saint-Sépulcre. Plus que les volumes, ce sont des détails qui retiennent mon attention, à commencer par ces graffitis gravés dans la pierre, avec ces multitudes de petites croix, certaines finement travaillées. Le Christ Pentocrator et, en pendentifs, les quatre Évangélistes avec leurs noms inscrits en grec.
Muristan St., dans un renfoncement, je lis : Here (…) was situated the first hospital of the Knights of St John of Jerusalem during the twelfth and thirteenth centuries. L’histoire de ces chevaliers est entrée dans mon histoire personnelle.
Assis dans un recoin d’ombre de Jaffa Gate, j’observe le va-et-vient. L’Imperial Hotel avec sa façade aux colonnes engagées et jumelées.
Des graffitis en l’église du Saint-Sépulcre.
Les Juifs prient discrètement, les Chrétiens aussi. Rien à voir avec les Musulmans qui se prosternent (attitude atroce du soumis et de l’esclave). Le Musulman est un soumis qui veut soumettre — où l’on pourrait en revenir à l’ochlocratie. Par ailleurs, que penser de ces prières braillées du haut d’un minaret et destinées à écraser des quartiers entiers sous l’emprise d’une implacable routine, avec formules de propagande assenées inlassablement ?
A Gush Hetzion, en compagnie de H. et son époux qui ont fait leur aliyah il y a deux ans.
27 août. Jérusalem est une et indivisible. L’État d’Israël — l’État juif — est le plus à même de garantir la liberté religieuse pour tous. Le fanatisme n’est pas une tendance juive, il ne l’a jamais été. L’image détestable que les médias donnent d’Israël (en France particulièrement où le Quai d’Orsay distille sa haine doucereuse) a une longue histoire. Les réflexes pavloviens de la haine antisémite (d’origine anti-judaïque) activent tout naturellement l’antisionisme, ce que nombre d’antisionistes ne veulent pas savoir.
Tôt le matin, je suis à Mani avec Kevin Andrews — le chapitre 6 de ‟The Flight of Ikaros”. Discussion avec M. Nous en arrivons sans tarder à la conclusion qu’une entente entre Juifs et Arabes sera impossible aussi longtemps qu’il y aura un État juif, une injure pour les Arabes en particulier et l’islam en général. Dernier venu des grandes religions monothéistes, l’islam a l’arrogance et les prétentions du nouveau-venu : il prétend parfaire (dominer) ce qui l’a précédé, le christianisme et le judaïsme. La création de l’État d’Israël porte préjudice à cette vision de possédé. Israël est une épine dans le pied du musulman. Israël fait tournebouler sa mentalité routinière. Le Juif n’est acceptable que soumis, placé dans la dhimmitude : je te caresse aussi longtemps que tu restes couché à mes pieds… M. me le confirme, les Arabes considèrent l’État d’Israël comme un État croisé, un État à rayer de la carte comme l’ont été les États croisés (latins) de la région. Pour l’heure, ils sont occupés à se saigner eux-mêmes, un processus activé par les ‟Printemps arabes”. Le départ des Juifs et à présent des Chrétiens de la zone arabo-musulmane est le prélude à une guerre immense des Arabes entre eux, une véritable guerre civile des côtes de l’Atlantique aux confins de l’Iran. Il conviendra de n’intervenir sous aucun prétexte et d’observer, comme en Syrie.
En la cathédrale des Saints-Jacques. Des dalles ciselées et insérées dans les murs extérieurs m’évoquent l’art irlandais — une même finesse d’orfèvrerie. La cathédrale, siège des Patriarches arméniens, est située derrière l’entrée principale du couvent Saint-Jacques. La cathédrale a été édifiée sur l’emplacement des tombeaux du premier évêque de l’Église, Saint-Jacques (le ‟Frère du Seigneur”) et Saint-Jacques l’Apôtre (le frère de Saint-Jean l’Évangéliste). Fraîcheur, pénombre. Mes yeux finissent par distinguer une haute plinthe d’azulejos d’une superbe facture qui me transportent au Portugal. Au-dessus, et jusqu’aux corniches, des peintures de grandes dimensions encrassées par la fumée des cierges et des lampes à huile ; très nombreuses et diversement ouvragées, celles-ci pendent des voûtes conférant avec les tapis qui recouvrent le sol une intimité à cet espace. A gauche de l’entrée, trois petites chapelles, comme des alcôves. L’une d’elles est particulièrement vénérée puisque c’est sous son autel que se trouve une relique de Saint-Jacques, l’apôtre exécuté par Hérode Agrippa I vers 44 ap. J.-C. L’autre Saint-Jacques, le ‟Frère du Seigneur”, est enterré sous l’autel principal. Les chœurs et leurs cantiques ainsi que les vapeurs de l’encens répandues à grandes volées d’encensoir confirment un bien-être particulier. Les officiants, au loin, dans la pénombre, mystérieux, aux portes du Royaume des Ombres, des intercesseurs probablement. Leurs coiffes coniques en imposent davantage que les coiffes cylindriques des popes qui ressemblent à des képis privés de visière.
Intérieur de la cathédrale Saint-Jacques dans le quartier arménien de Jérusalem.
Retour dans ma chambre blanche et voûtée. Retour à Mani. Mani ! J’avais lu à Gythion le livre d’un autre grand voyageur anglais, Patrick Leigh Fermor, ‟Mani – Travels in the Southern Peloponnese”, récit d’un voyage qu’il fit en Grèce avec sa femme à la fin des années 1950. Patrick Leigh Fermor, Kevin Andrews, Bruce Chatwin et tant d’autres voyageurs anglais que je compte parmi d’authentiques voyageurs. Plus personne ne voyage aujourd’hui ; on ne fait que se déplacer… Kevin Andrews : ‟I am a foreigner and belong to nothing, not even a belief (…) I can only walk through places, pass by people.”
28 août. The Israel Museum, à quelques pas de la Knesset, un ensemble d’une richesse à vous couper le souffle. J’y resterai de l’ouverture à la fermeture, 10 am – 5 pm. Ce musée est la plus importante institution culturelle du pays.
The Samuel and Saidye Bronfman Archeology Wing
La culture des Natufians (14 500 – 11 500 ans), les premiers sédentaires de la région. Leurs délicates productions. Ci-joint, un article intitulé ‟The Natufian Culture in the Levant, Threshold to the Origins of Agriculture” signé Ofer Bar-Yosef :
http://www.columbia.edu/itc/anthropology/v1007/baryo.pdf
Plastered skulls (Tahunian culture). Je pense à d’autres crânes surmodelés (de Papouasie) et de visites au musée de la Porte Dorée.
Des idoles trouvées à Sha’ar Halogan bien plus stylisées que les plus stylisées des idoles des Cyclades : il s’agit de galets allongés sur lesquels sont gravées deux fentes (les yeux) et aménagé un orifice circulaire (la bouche).
Des petites sculptures en bronze (produites selon la technique du lost-wax) trouvées dans le désert de Judée, près des sources de Ein Gedi (6 500 – 5 500 ans) et dignes des bronzes du Luristan. J’admire leurs formes ; mais quelle est donc la charge sacrée et symbolique qu’elles véhiculent ? J’admire mais en aveugle.
Des urnes du chalcolithique découvertes dans une grotte de Haute-Galilée (6 500 – 5 500 ans), des urnes anthropomorphes qui m’évoquent des urnes étrusques, celles de Chuisi en particulier.
Une extraordinaire représentation (XIIIe siècle BCE) de la déesse caanite de la fertilité, Asherah, avec ses jumeaux Shahar et Shalem placés en symétrie sur ses seins. Sur ses cuisses, l’arbre sacré contre lequel un bouquetin prend appui. Ci-joint, une représentation mise en ligne par The Israel Museum :
http://www.imj.org.il/imagine/galleries/viewItemE.asp?case=2&itemNum=198014
Les rapports entre les Égyptiens et les Hébreux furent parmi les plus féconds (et les plus énigmatiques) de l’histoire de l’humanité.
Des idoles de Cyclades (don d’Isidore M. Cohen) aussi belles que celles du Cycladic Art Museum d’Athènes.
Par une baie vitrée du musée, j’aperçois la Knesset qui m’évoque un gros ouvrage défensif.
D’amusantes urnes funéraires édomites aux gros nez busqués (fin VIIe – début VIe BCE) provenant de Horvat Qitmit. De la vaisselle anthropomorphe édomite.
The Israel Museum (Jerusalem), vue aérienne. On remarquera au premier plan l’énorme maquette, une reconstitution de Jérusalem à la fin de la période du Second Temple.
The Jack, Joseph, and Morton Mandel Wing for Jewish Art and Life
Un film en noir et blanc, ‟Wooden Synagogues from the Polish and Lithuanian region destroyed during World War II”.
Reconstitution à l’échelle de trois synagogues. 1. The Vittorio Veneto Synagogue (Italy). 2. The Horb Synagogue (Germany). Sa voûte en bois entièrement peinte d’entrelacs floraux dans lesquels se tient toute une faune, essentiellement des oiseaux et des lièvres. 3. The Zedek v’Shalom Synagogue, Paramaribo (Surinam). Les différentes interprétations concernant son sol couvert de sable.
Les collections d’art moderne sont d’une grande richesse. Je me contenterai de rapporter les deux surprises suivantes. 1 – Des petites figurines en bois dans un village en bois, le tout sculpté et peint par Lyonel Feininger, en 1942-1954. 2 – La collection personnelle de Jacques (Chaim Jacob) Lipchitz, des petits objets (essentiellement des sculptures) venus de tous les continents, une collection cédée au musée par la famille de l’artiste. Parmi ces objets (admirablement présentés dans une ambiance intimiste), des figurines aux tonalités d’ambre sculptées dans des défenses de morses, provenant du détroit de Béring et datées de 100 – 300 CE.
Olivier Ypsilantis
Merci beaucoup Olivier pour le récit de ces journées au cœur de Tsahal.
A la lecture, cela m’a laissé un immense regret : celui de n’y avoir pas pensé durant la dernière quinzaine d’années où nous aurions pu consacrer trois semaines pour Israël !