Je ne vais pas bavarder autour de cette affaire. Je connais personnellement Georges Bensoussan et je suis triste pour ce qu’il doit subir ; et, plus généralement, je suis triste pour la France.
Une amie avec laquelle j’ai travaillé à l’Affaire du Lycée Français de Madrid (voir les six articles publiés à ce sujet sur ce blog) m’a envoyé un courrier suite à cette affaire. Il commence ainsi : « Cher Olivier, c’est terrifiant ; avec l’Affaire Georges Bensoussan, nous retrouvons certains éléments de l’Affaire du Lycée Français de Madrid… » Sa remarque n’a fait que me confirmer dans mon analyse.
L’un des livres majeurs de Georges Bensoussan. A l’arrière-plan, l’auteur.
Georges Bensoussan a été traîné devant les tribunaux pour avoir dénoncé l’antisémitisme si banalement répandu dans le monde arabo-musulman. Il est vrai qu’il ne s’y limite pas…Les antiracistes et leurs ligues se sont montrés offusqués. Georges Bensoussan a été accusé de « provocation à la haine raciale », ni plus ni moins. Après signalement du dangereux incitateur, des associations antiracistes (je passe sur la kyrielle des sigles) ont rameuté auprès du Procureur de la République par le C.C.I.F. (Collectif contre l’islamophobie en France). A la fin d’une très longue audience (une douzaine d’heures), Georges Bensoussan a déclaré : « Ce soir, Madame la Présidente, pour la première fois de ma vie, j’ai eu la tentation de l’exil ».
Le procès de Georges Bensoussan s’inscrit dans la droite ligne d’un certain nombre de manifestations, parmi lesquelles celle de la Conférence mondiale de Durban, au cours de l’été 2001.
Georges Bensoussan a analysé l’antisémitisme ; il l’a passé au peigne fin si je puis dire. Nombreux sont ceux qui ne savent pas (ou ne veulent pas savoir) que l’antisémitisme a existé et existe à gauche, qu’il n’est pas une spécificité de l’extrême-droite, une désignation elle aussi de plus en plus vague. Et une fois encore, je recommande la lecture de « L’antisémitisme à gauche. Histoire d’un paradoxe, de 1830 à nos jours » de Michel Dreyfus dont j’ai rendu compte sur ce blog même dans une suite de neuf articles. Un certain antisémitisme y est analysé, un antisémitisme qui n’est pas celui des nazis…
Mais pourquoi ça crie au scandale lorsqu’il est question de l’antisémitisme à gauche (de l’antisémitisme de gauche) et plus encore de l’antisémitisme arabo-musulman ?
J’ai une explication au procès intenté à Georges Bensoussan, une explication limitée mais centrale, me semble-t-il, et pas assez évoquée ; et j’espère ne pas tomber dans le procès d’intention : Georges Bensoussan s’est penché sur une question très peu étudiée et peut-être taboue : l’expulsion massive des Juifs des pays arabes (soit près d’un million de personnes) que cet historien a décortiquée dans une somme monumentale, à partir d’archives de première main, avec références constantes à l’appui ; cette somme : « Juifs en pays arabes. Le grand déracinement 1850-1975 » (publié en 2012).
Si les travaux de Georges Bensoussan historien de la Shoah sont reconnus, cette étude qui détonne dans la liste de ses travaux a probablement irrité certains lobbies antiracistes ; et je fais usage à dessein du mot lobbies. Ces lobbies et certaines tendances politiques s’emploient à nous faire accroire (pour des raisons qui ont beaucoup à voir avec le clientélisme) que l’islam est une religion de paix, d’amour et de tolérance. Tolérance, le mot est lâché, le grand mot, l’idole implacable devant laquelle des foules sont en dévotion, prosternées. Au nom de la tolérance, on est aujourd’hui prêt à lyncher, au moins médiatiquement, ceux qui ne participent pas à cette liturgie. Des lobbies font un usage frénétique et scandé de ce mot afin de pousser leurs pions après avoir endormi l’adversaire. Or, avec cette somme considérable et inédite, puissamment structurée et truffée de références collectées dans des archives jusqu’alors inexplorées, Georges Bensoussan bouscule un petit monde simple, simplet même, entre Bisounours et Bécassine. Mais ce petit monde simple ne l’est pas tant puisque les astucieux se cachent derrière les idiots utiles, des idiots devenus si nombreux.
J’affirme que par ce procès on cherche aussi (et peut-être même d’abord) à attaquer l’auteur de cette étude. Des lobbies de plus en plus installés par la grâce des capitaux saoudiens et autres pétro-monarchies attendaient leur heure, un prétexte pour se ruer sur cet historien qui avait eu l’impertinence de mettre son nez dans une histoire dérangeante, qui bousculait le schéma de la « tolérance » des Musulmans envers les Juifs, qui portait préjudice au petit monde du vivre-ensemble, aux slogans de cette démocratie totalitaire que tend à devenir la France. Des lobbies guettaient le très dérangeant Georges Bensoussan et ils trouvèrent prétexte à l’attaquer avec cette paraphrase d’une citation utilisant une métaphore empruntée au sociologue français d’origine algérienne Smaïn Laacher.
Qu’un historien étudie l’antisémitisme qui a conduit à la Shoah, soit ! Mais que ce même historien se mette en tête d’étudier l’antisémitisme dans le monde arabo-musulman, la chose ne passe pas ! On s’émeut, on alerte, et des bataillons de sigles se mettent en branle au pas cadencé. On attendait de pouvoir traiter l’auteur d’islamophobe, c’est chose faite.
N’oublions pas que Georges Bensoussan (Emmanuel Brenner) est également le maître d’œuvre d’un dossier publié en 2002 et intitulé « Les territoires perdus de la République », sous-titré « Antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire ». Résumé de cette publication : Quarante minutes d’insultes (« Chiennes de juives », « Youpines », « T’es une pute, en plus t’es juive ») et de violences physiques, quarante minutes vécues par deux élèves cernées par une douzaine d’autres qui exigent d’elles qu’elles demandent « pardon d’être juives ». Nous sommes dans un collège parisien, en mars 2002. Cette violence perpétrée en milieu scolaire témoigne de la décrépitude des valeurs qui fondent la République et assurent l’intégration des nouveaux citoyens autour d’un consensus minimal alors que s’affirment à nouveau l’antisémitisme, le racisme, le sexisme, l’irrespect et un climat de violence larvée marqué par la peur de nombreux adultes (et leur embarras) devant l’offensive islamiste. Comment le poison de l’antisémitisme a-t-il réinvesti notre pays ? Pourquoi l’institution scolaire se trouve-t-elle au centre de cette tourmente ? A l’origine de ce livre, le constat alarmé de professeurs de l’enseignement secondaire d’académies de la région parisienne qui tous font état, depuis une dizaine d’années, de leurs difficultés à enseigner la Shoah dans des classes à forte composante maghrébine et qui ont vu s’installer une oppression violente, archaïque et raciste parmi leurs élèves.
(à suivre)
Olivier Ypsilantis
Cher Olivier
Je partage votre analyse,
Bensoussan a été attaqué non pas pour une phrase anodine mais pour ses travaux qui mettent à mal le narratif de la “colonisation” et de l’innocence du monde arabo-musulman dans l’antisémitisme. Bensoussan est sans doute le premier intellectuel juif de gauche victime de la police de la pensée d’Eurabia.
Ce procès démontre une chose: c’est que la France est réellement soumise comme l’écrit Georges Bensoussan. Plus que les musulmans, les nouveaux dhimmis ne veulent surtout pas de cette analyse implacable. Ce sont des collabo.
Les livres de Georges Bensoussan doivent être des livres de référence dans toute bibliothèque.
Merci à Ami Artsi d’avoir rajouté les références du livre “L’exil au Maghreb de Paul Fenton et David Littman. David Littman était le mari de Bat Yeor dont les livres sur la dhimmitude n’ont pas pris une ride
Ami Artsi, j’aime beaucoup votre blog
A bientot Olivier, avec toute mon amitié.