Et d’abord pourquoi ce titre, la gogauche ? Il vise à préserver une gauche historique qui a donné nombre d’individus remarquables, remarquables par leur intelligence, leurs préoccupations, leurs qualités humaines et leur courage. Ne l’oublions pas, la gauche a donné un grand nombre d’hommes et de femmes de courage, une qualité qui, entre autres qualités, manque à la gogauche qui devrait avoir honte de se réclamer d’eux. Mais la gogauche ne connaît pas la honte. Le de-gogauche est un sac vide. On peut y fourrer n’importe quoi et dans le plus parfait désordre. Absence de colonne vertébrale, d’ossature, muscles atrophiés et tendance à l’embonpoint. Nous avons affaire à une grosse chose molle.
Par exemple, un de-gogauche m’explique que tous nos problèmes avec les Arabes viennent du colonialisme. Comme il se doit, ce de-gogauche se présente comme un homme moral, défenseur des opprimés. Il se gonfle d’importance en s’employant à séparer le Bien du Mal, les Bons des Méchants et toujours selon ses seuls critères : il est sa propre transcendance. C’est dire ! Il distribue bons points et mauvais points mais sans jamais perdre de vue son confort, sa sécurité, ses avantages en nature et sa promotion dans l’Ordre du Vrai, du Beau et du Bien. Son absence de courage, tant physique qu’intellectuel, le pousse à flagorner : on se met bien à tout hasard avec les (supposés) maîtres de demain et, dans un même temps, on dénonce volontiers ceux qui ne présentent plus un grand danger, voire plus aucun danger. C’est aussi pourquoi le de-gogauche ne cesse de traquer le « fasciste », terme générique qu’il emploie à tout propos et avec lequel il espère écraser ceux qui ne marchent pas dans ses combines ou qui émettent tout simplement des doutes quant au bien-fondé de ses idées : on ne discute pas avec un « fasciste »…
Le de-gogauche est à la recherche de protégés. Il a une âme de dame patronnesse mais en plus agressif. Car si ces braves femmes accomplissaient leur très chrétien devoir, simplement et plutôt en silence, le de-gogauche cherche d’abord à en remontrer. Qu’on le comprenne : il a trouvé un substitut à son fétiche, aux « damnés de la terre » : le musulman, l’Arabe, l’immigré pauvre (le riche ne l’intéresse pas) et j’en passe, victimes de la colonisation, de l’impérialisme occidental, du chrétien, du judéo-chrétien, de l’islamophobe, du sioniste — voire du Juif — et j’en passe. Il se meut dans un monde binaire, ce qui lui évite d’envisager la complexité, l’épuisante complexité du monde. Son monde binaire baigne par ailleurs dans un éclairage fixe.
L’effacement du prolétariat dans nos pays occidentaux a laissé une certaine pensée sur le pavé à qui il fallut trouver une branche à laquelle se raccrocher. L’ex-colonisé est cette branche. Le musulman est son bébé, et il veille sur lui avec un soin de mère poule, de mère louve, de mère lionne. L’étude historique n’intéresse pas le de-gogauche ; il est affalé, vautré dans les moelleux coussins du Vrai, du Beau et du Bien, autant de présupposés.
Redisons-le, le de-gogauche ne se fait pas remarquer par son courage. Il ne cherche qu’à protéger ses intérêts acquis, son pouvoir d’achat, ses pantoufles, son canapé et son lit. Il invective tout ce qui risque de le molester, à commencer par les policiers, accusés de toutes les violences — mais qu’il implore à la moindre menace. Il joue le héros à deux balles en collant à tout propos l’étiquette de « raciste » sur ceux qui ne récitent pas ses mantras. Sa tendance à la dhimmitude est marquée : soumis mais protégé, il aime ! Il courbe l’échine devant ceux qui assassinent car il ne pense qu’à sauver sa peau. Il flagorne dans l’espoir de ramasser les restes qu’on voudra bien lui jeter. Il relativise le meurtre. Il ne craint pas le déshonneur. Il vous traite sans tarder de « fasciste », voire de « nazi », sitôt que vous exprimez votre colère. Un héros à deux balles, vraiment.
La doxa du de-gogauche est une doxa de poltron : il s’agit de protéger son confort, l’air de rien. Le de-gogauche dénonce ce qui ne risque pas de lui porter préjudice et, dans un même temps, il flatte à coup de grands mots ses « potes », ceux qui confusément sont pressentis comme dangereux — autant multiplier les déclarations de bonnes intentions à leur égard au cas où…
Le Touche-pas-à-mon-pote se donne de grands airs, il dispense des leçons de savoir-vivre ; mais il espère avant tout que son pote ne le touchera pas, qu’il s’en prendra au « facho », au méchant, en aucun cas à lui, le gentil. Sa veulerie est sans fond.
La doxa des de-gogauches est une rente. Le religieux sentait généralement qu’il avait plus ou moins Quelqu’un au-dessus de lui tandis que le de-gogauche n’a personne, vraiment personne au-dessus de lui. Le Ciel est vide et le pépère trône en lui-même. Il est son propre firmament. Je préfère décidément, et de loin, la compagnie des ivrognes à une si triste compagnie, à cet orphelin des grands récits idéologiques, ces vecteurs de « Vérité ». Le de-gogauche fait un usage frénétique du mot « fasciste », ce mot fourre-tout qui, il l’ignore, a été concocté dans les officines de Staline.
Le de-gogauche est férocement anticlérical, ce qui ne l’empêche pas de considérer l’islam dans ses formes les plus radicales comme une réaction somme toute normale des dominés, des opprimés.
Redisons-le, le de-gogauche ne s’embarrasse pas de connaissances historiques ; à quoi bon lorsqu’on ne se préoccupe que de morale (au sens vicié du mot), lorsqu’on passe le plus clair de son temps à distribuer bons points et mauvais points.
Le de-gogauche a plaisir à comparer des temps de l’histoire avec des situations actuelles, un procédé auquel ont volontiers recours les paresseux. Par exemple, lorsqu’il s’emploie à faire taire toute objection en déclarant que les musulmans d’aujourd’hui sont en Europe dans la position des Juifs des années 1930-1940. Le de-gogauche est bien un être de propagande qui s’efforce d’écraser tout ce qui ne va pas dans son sens. Le mensonge et l’outrance sont quelques-unes des armes de son arsenal. Il n’a pas de bottes aux pieds mais des charentaises ; pourtant, méfiez-vous, son désir de puissance est illimité. Fleuron de ses comparaisons : Gaza et Auschwitz, les Palestiniens d’aujourd’hui et les Juifs des ghettos. Je n’insisterai pas.
Le gogauchisme culturel est autrement plus affirmé que le gogauchisme politique, résiduel lui. Le gogauchisme culturel est d’autant plus visible que les circonstances historiques dans lesquelles nous sommes immergés sont particulièrement inquiétantes. Les réseaux sociaux et les médias de masse font caisse de résonance, un tintamarre activé par la concurrence victimaire.
Gogos et bobos sont pareillement nombreux chez les de-gogauches ; ils ne font qu’un…
Olivier Ypsilantis