Je me souviens des premiers frisbee et d’heures passées à y jouer, à l’île d’Yeu.
Je me souviens que le Berliner Mauer est né le 13 août 1961 et qu’il est mort le 9 novembre 1989. Je me souviens que j’habitais à Biarritz lorsque j’appris sa mort, une mort qui, de ce fait, reste inséparable du ressac sur la Côte des Basques et du parfum salin des côtes de l’Atlantique.
Je me souviens du projet Romano-Archives et de son maître d’œuvre, Vincent Romano.
Je me souviens de la voix de Ralph Pinto sur France Inter.
Je me souviens, à Cesson, du dais de tilleuls derrière la maison et du dais de marronniers sur le côté de la maison. Des heures de l’enfance passées sous ce dernier me sont revenues lorsque j’ai rencontré dans un catalogue une photographie de Heinrich Kühn prise en plongée. Pourquoi ?
Je me souviens de cette réplique de Bourvil « Bah ! Maintenant elle va marcher beaucoup moins bien, forcément ! » :
https://www.youtube.com/watch?v=oY63zkUYfy0
https://www.youtube.com/watch?v=7uuv8siquoA
Je me souviens que lorsque j’allais dormir chez mon cousin, une lumière rouge clignotait toute la nuit par les interstices des volets de ma chambre : l’imposante enseigne lumineuse à sept lettres, ROTONDE, boulevard du Montparnasse.
La Rotonde, à l’angle du boulevard du Montparnasse et du boulevard Raspail. On devine les sept lettres conçues au néon, au-dessus du cinéma UGC Rotonde.
Je me souviens de « C’est l’or … il est l’or … l’or de se réveiller » :
http://www.youtube.com/watch?v=pDkRAymC0WQIl
Je me souviens que mon père fit son service militaire au 30e Régiment de Dragons, sous les ordres du lieutenant-colonel de Boispean.
Je me souviens de la Metro-Goldwyn-Mayer et du lion rugissant. Je me souviens de la 20th Century Fox, des quatorze chiffres et lettres monumentalisés (style Antonio Sant’Elia) et des faisceaux lumineux en mouvement autour de cette architecture. Je me souviens de la Columbia Pictures et de cette femme qui ne peut qu’évoquer la Statue de la Liberté.
Je me souviens de Miguel Hernández, mort de tuberculose dans la prison d’Alicante. Je me souviens de José Antonio Primo de Rivera, fusillé dans cette même prison. Je me souviens de Federico García Lorca, assassiné par les Blancs. Je me souviens de Ramiro de Maeztu, assassiné par les Rouges. Je me souviens de…
Je me souviens de Leonard Cohen et de « Everybody knows », un air qui me revient souvent et à l’improviste. Je l’ai entendu pour la première fois à Paris, chez une belle brune, dans son studio de la rue Lacordaire. Everybody knows that I need you / Everybody knows that I do, except you… Un punch très exotique tournait dans ma tête ; je me suis endormi sur sa moquette et me suis réveillé dans ses bras…
Je me souviens de mon plaisir à lire « Le journal de Spirou », à y retrouver Pierre Tombal le fossoyeur, le Marsupilami, les Tuniques Bleues, Gaston Lagaffe, Benoît Brisefer et bien d’autres amis. A ce propos, je me souviens que ce petit bonhomme haut comme trois pommes était doué d’une force surhumaine qu’il perdait lorsqu’il s’enrhumait.
Je me souviens quand, une nuit, mon père me prit dans ses bras alors que je cherchais le sommeil pour me conduire aux Enfants malades — l’hôpital Necker. Je me souviens que l’enfant avec lequel je partageais la chambre était le fils d’un gendarme. Il lui rendait visite en uniforme et j’étais fort impressionné par le pistolet qui passait au niveau de mes yeux.
Je me souviens de l’arme de Josh Randall (Steve McQueen), Mare’s Leg, une Winchester 1892, calibre 44/40, à crosse et canon sciés. Je m’en souviens car elle figurait dans l’une de mes panoplies. Je m’en souviens car Steve McQueen fut l’un de mes héros.
Je me souviens de « Bullitt » et plus particulièrement de la course-poursuite dans les rues de San Francisco :
https://www.youtube.com/watch?v=31JgMAHVeg0
Je me souviens de « La canonnière du Yang-Tse ». Mais dans quelle salle obscure ai-je vu ce film dont le héros est, une fois encore, Steve McQueen ?
Georges Perec se souvient des publicités peintes sur les pignons. Je m’en souviens car certaines d’entre elles subsistent, dans les provinces surtout. Je me souviens surtout de BYRRH et de SUZE.
Je me souviens de « I remember » de Damien Rice, la deuxième strophe surtout : « I remember it well / There was wet in your hair / I was stood in the stairs / And time stopped moving ». Une chevelure mouillée, le temps qui s’immobilise… Des sorties en mer, les embruns, une blonde amie dont les mèches mouillées battaient sur son ciré jaune…
Je me souviens du scandale suscité par « Mourir d’aimer », avec Danièle (Annie Girardot) et Bernard (Bruno Pradal).
Je me souviens que les 45 tours avaient un gros trou en leur centre et qu’on les plaçait sur l’électrophone — ou tourne-disque — à l’aide d’un centreur.
Je me souviens que Fidel Castro surnommait ses opposants, los gusanos.
Georges Perec écrit : ‟Je me souviens que De Gaulle avait un frère, prénommé Pierre, qui dirigeait la Foire de Paris”. Je ne m’en souviens pas ; mais je me souviens que Raymond Poincaré avait un cousin germain, prénommé Henri, mathématicien-physicien-philosophe.
Je me souviens quand Britanniques et Français se sont rejoints sous la Manche.
Je me souviens des défilés du 14 juillet commentés par Léon Zitrone.
Je me souviens qu’un camarade du Secondaire me fit découvrir « Little Nemo in Slumberland » de Winsor McCay mais aussi Voline dont il me prêta les trois volumes de « La Révolution inconnue 1917-1921 ». Je me souviens qu’il avait un lien de parenté avec cet anarchiste — un grand-oncle, me semble-t-il — dont il portait le nom, Eichenbaum Voline.
Je me souviens…
Olivier Ypsilantis