Pourquoi la France s’entête-t-elle à mettre son museau (ou son groin) dans les affaires d’Israël ? Je ne prétends pas à l’exhaustivité, j’ai simplement quelques éléments de réponse ; et je vais me répéter. La volonté de précéder les Juifs — les Hébreux — est une constante de l’islam ; c’est même l’un de ses plus puissants activateurs. Cette volonté naît d’elle-même, naturellement en quelque sorte, le Coran se déclarant hors du temps et de l’histoire. Les Chrétiens et post-Chrétiens sont de ce point de vue plus empêtrés et doivent faire preuve d’une certaine imagination pour « chapeauter » les Juifs. La Théologie de la Substitution aura mobilisé chez eux des énergies considérables. Cette volonté de réduire Israël, voire de l’effacer, a des racines très profondes. Les actuelles manœuvres de certains de nos responsables politiques contre Israël ont des origines religieuses, cachées derrière le masque de la sécularisation. Mais ces imbéciles ne le savent même pas ; ils se croient purs…
Ci-joint, un lien Akadem intitulé « Paul et la Théologie de la Substitution » :
Et un autre lien Akadem intitulé « Agar et la Théologie de la Substitution » :
Une illustration de la Théologie de la Substitution, avec l’Église et la Synagogue (aux yeux bandés, aveugle donc) qui encadrent le portail du Jugement Dernier de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
L’Arabie avant l’islam. Voir la thèse de Winckler-Caetani : l’Arabie, alors terre particulièrement fertile, aurait été la terre d’origine des peuples sémitiques. La désertification de cet immense espace aurait entraîné l’émigration par vagues de ces peuples vers les pays voisins. Parmi ces peuples, les Hébreux. Ce n’est qu’une hypothèse, et plutôt fragile. Voir la thèse d’Ignazio Guidi.
L’islam reste incompréhensible sans l’étude des influences qui a des degrés divers l’ont marqué et orienté. Parmi ces dernières, l’influence grecque, majeure, un héritage qui a provoqué une tension entre la tendance rationaliste et scientifique (d’origine grecque) d’une part, et la perception intuitive et fragmentée de la pensée religieuse musulmane d’autre part. Toutefois, cette confrontation particulièrement féconde prit fin avec prééminence accordée aux conceptions islamiques et société formatée par la religion. Les valeurs qui défiaient ses postulats de base furent évacuées. Pourtant, il accepta certains de leurs résultats, allant même jusqu’à les développer par l’expérimentation et l’observation.
Le néoplatonisme — dernière grande philosophie grecque — et sa vogue (considérable) dans le monde arabo-musulman (voir Avicenne), même s’il finira par être quelque peu éclipsé par l’aristotélisme. Principal représentant juif de cette philosophie, Salomon ibn Gabirol. « Source de vie » (écrit en arabe), traduit en latin (Fons Vitae) avant de l’être (partiellement) en hébreu, ne se réfère jamais à la Torah, tant et si bien qu’il a fallu attendre le XXe siècle pour établir un rapport entre celui que le monde chrétien appelait Avicebron et celui que le judaïsme considérait plutôt comme l’un de ses plus grands poètes. Répertorier les principes compatibles et les principes incompatibles du néoplatonisme avec la pensée juive.
Moses Mendelssohn, l’homme qui parvint à concilier dans une parfaite harmonie son rationalisme et sa pratique la plus traditionnelle du judaïsme. Dans « Jérusalem ou Pouvoir religieux et judaïsme » on peut lire : « Le judaïsme n’est pas une religion révélée, c’est une législation révélée ». La compatibilité entre les 613 commandements et l’universel de la raison. Il substitue la notion d’orthopraxie à celle (douteuse) d’« orthodoxie ».
Dans une lettre à Marcus Herz, Kant signale Salomon Maïmon comme le plus fin de ses commentateurs. Il identifie le noyau rationaliste de la Kabbale au panthéisme de Spinoza.
Hermann Cohen, autre grand commentateur de Kant. Son recours à la notion de noachide (afin de souligner ce que le judaïsme contient d’universel) à partir du verset du Lévitique : « Un même droit vaudra pour vous : que l’étranger soit comme l’autochtone, car je suis l’Éternel votre Dieu » (dans « Religion de la raison »). Il juge que Spinoza a étouffé le Noachide en envisageant le judaïsme comme la doctrine d’un peuple particulier, historiquement situé. Hermann Cohen renvoie dos à dos sionisme et assimilation. Il estime que l’existence du peuple juif ne dépend pas (nécessairement) de celle d’un État (l’État d’Israël). Il envisage la souffrance du peuple juif comme « le symbole de l’humanité », comme le levier qui fait passer de l’éthique à la religion. L’éthique n’envisage que l’universel (la raison) en chacun ; alors que la religion envisage la souffrance, certes universelle mais particulière dans sa distribution — surtout lorsqu’elle est pauvreté.
Le rôle positif de Benny Lévy sur Jean-Paul Sartre. Il l’aida à prendre ses distances vis-à-vis de la vision hégélienne d’un judaïsme périmé, vision qui avait incité nombre de Juifs allemands et autrichiens à se convertir au christianisme — le christianisme envisagé comme un dépassement-accomplissement du judaïsme. Voir la tentation de Franz Rosenzweig (en 1913), tentation qu’il finira par repousser. Benny Lévy fit donc progresser Jean-Paul Sartre et l’aida à dépasser « Réflexions sur la question juive » en lui présentant une réalité juive positive, non exclusivement définie par l’antisémitisme. Benny Lévy reprocha à Emmanuel Levinas (dans « Être juif ») d’être resté du côté de l’universel et de ne pas avoir suffisamment exploré sa judéité. La démarche de Benny Lévy : dépasser Jean-Paul Sartre par Emmanuel Levinas philosophe juif ; puis opposer Emmanuel Levinas le Juif à Emmanuel Levinas le philosophe.
Benny Lévy (1945-2003). Dans un article publié par la Ligue de Défense Juive (L.D.J.) et intitulé « Mais qui est donc Benny Lévy ? », on peut lire : « Il aurait dû devenir une des figures du roman national. Son nom aurait pu symboliser la sortie de l’aspiration révolutionnaire dans les années 1970, moment clé de l’histoire politique française. Un homme qui est passé de l’agitation gauchiste à l’anti-marxisme, de la création de «Libération» à la défense du judaïsme, c’est Cohn-Bendit, BHL, Serge July et Alain Finkielkraut réunis dans un seul corps ! »
L’orientation particulariste du judaïsme est ouverte sur l’universel : le judaïsme répond (à sa manière) à une question universelle, une manière traduisible en termes philosophiques valables pour tous. Les maîtres de la tradition d’Israël ne craignent rien du travail de l’intellect, ils acceptent sans réticence tout ce qui mérite le nom de savoir et de pensée.
De la traduction et de ses difficultés. Dans « Héraclite d’Éphèse », Yves Battistini écrit : « La locution la plus banale ouvre perfidement des pièges abyssaux. Heidegger après une remarquable analyse de plus de deux cents pages d’un seul vers de Parménide abandonne presque la partie en désespoir de cause et suggère, avec une manière d’humour, que ‟nous devons bien plutôt nous laisser dire par les mots grecs eux-mêmes ce qu’ils désignent” ». Et quelques lignes plus loin, Yves Battistini signale que la vérité (en particulier la vérité religieuse) « est déroutante, obscure, décousue, avant tout incohérente, lacérée ». On ne peut l’envisager que par fragments (voir l’aphorisme) d’où l’impossibilité pour Pascal d’écrire une apologie de la religion chrétienne autrement que sous cette forme, ainsi que le signale Vladimir Jankélévitch. Pas de démonstration, rien que des fragments, comme les vestiges d’un grand naufrage. L’impossibilité radicale et ontologique de la démonstration en religion. Sans oublier que ce type de démonstration a tôt fait de sombrer dans le ridicule. La vérité est fragmentaire et fragmentée.
L’attitude de la France envers Israël s’inscrit dans une tradition de politique pro-arabe, initiée par le général de Gaulle, dans un contexte bien différent il est vrai. Aujourd’hui, le poids de nos fournisseurs-acheteurs arabes, fournisseurs d’une matière première malheureusement encore stratégique et acheteurs de produits manufacturés à (très) haute valeur ajoutée est devenu insupportable. Ils répandent partout une idéologie déprimante comme la crasse, comme une odeur de chiottes bouchées, comme une prolifération de poux et de punaises. Il faut se prémunir contre cette misère. Multiplier les mesures prophylactiques demande un minimum de courage politique que nous n’avons plus. Le politiquement correct domine. Le peuple est en charentaises.
J’ai découvert il y a quelques années ce très beau texte de Gabriel Marcel. Il s’intitule « Qu’est-ce qu’un homme de droite ? » Il a été mis en ligne par « Association Présence de Gabriel Marcel ». C’est un texte à lire et à relire et à envoyer dans le dentier des rentiers de gauche qui pérorent, forts d’une vision du monde particulièrement simpliste et qui serait risible si l’heure n’était pas si grave : les « Gentils » (la Gauche) d’un côté, les « Méchants » (la Droite) de l’autre, comme dans un roman pour prépubères :
http://www.gabriel-marcel.com/articles&textes/homme_droite.php
L’Irak et la Syrie (pour ne citer que ces deux pays) sont des constructions artificielles en tant qu’États-nations. Les Accords Sykes-Picot sont l’une des raisons évoquées pour expliquer la guerre civile (qui de fait n’en est pas vraiment une) qui fait imploser ces deux jeunes pays. Ce que l’on sait moins, c’est que l’Iran est un pays à peine plus homogène. Certes, il l’est par la religion, par le chiisme, très minoritaire au sein du monde musulman ; mais les Perses, noyau historique de l’actuel Iran, constituent moins de 60% de la population du pays. Parmi les minorités d’Iran, les Arabes sans oublier, les Azeris, les Kurdes, les Baloutches, les Turkmens… La majorité des Kurdes, des Baloutches et des Turkmens (ces derniers représentent environ 10% de la population du pays) est sunnite. Les Arabes (installés dans la région du Khouzistan), eux, sont chiites, ce qui n’empêche pas des tensions, Téhéran menant envers cette minorité une politique répressive, notamment au niveau culturel, avec entre autres mesures l’interdiction de faire usage de la langue arabe. Par ailleurs, cette communauté qui vit dans une région où se trouvent les plus importantes ressources en pétrole et gaz du pays a le sentiment d’être spoliée. Et des barrages portent préjudice aux agriculteurs de cette même région. Bref, l’Iran est lui aussi une poudrière même si le pays n’est pas le produit d’un découpage hâtif, arbitraire. Redisons-le, l’Iran n’est pas homogène, ethniquement d’abord mais aussi religieusement, même si le chiisme domine largement. Par ailleurs, la natalité est devenue un problème chez les Perses. Certaines minorités ont un taux de fécondité bien supérieur qui, s’il se maintient, fera que l’ensemble des populations de ces minorités ethniques et religieuses iraniennes rejoindra puis dépassera en nombre la population perse. J’ai exposé dans divers articles publiés sur ce blog même les multiples raisons qui expliquent une certaine inquiétude iranienne, perse plus précisément, et bien au-delà de l’actuel régime, des inquiétudes historiques et géopolitiques trop méconnues en dehors de l’Iran, ce qui fausse souvent les analyses relatives à ce vaste pays.
Une carte simplifiée des ethnies qui peuplent l’actuel Iran
(à suivre)
Olivier Ypsilantis
On pourrait aussi poser la question inverse: pourquoi Israël (et ses soutiens), s’entête-t-il à mettre son museau (ou son groin) dans les affaires de la France?
Le mieux serait la non ingérence mutuelle et réciproque.