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En lisant « Solitude de l’homme – Isolement d’Israël » de Léon Askénazi

 

All the nations of the earth shall bless themselves by your descendants, because you have obeyed My command. Genesis 22: 18 (The Israel Bible)
 

וְהִתְבָּרֲכוּ בְזַרְעֲךָ כֹּל גּוֹיֵי הָאָרֶץ עֵקֶב אֲשֶׁר שָׁמַעְתָּ בְּקֹלִי

In this verse, the Lord repeats His original promise to Avraham and assures him that all the nations of the world will be blessed through him. When we look at the many contributions that the State of Israel makes to the entire world even beyond its spiritual message – such as its technological, agricultural and humanitarian innovations – we see that the State of Israel is a fulfillment of this biblical promise.

 

L’existence juive comme existence humaine vécue au paroxysme (voir le Midrash et le Talmud), un thème qui émane du monothéisme absolu (de la loi de Moïse) qui conduit à l’une des tendances vitales de la conscience hébraïque, soit la volonté obstinée de l’unification des valeurs et des idéaux dispersés dans l’espace et le temps. Cette volonté d’harmonisation (d’unification), « fondement anthropologique du monothéisme des patriarches et des prophètes d’Israël », introduit dans l’histoire profane – et profanée – le principe de sainteté. De ce fait, l’identité d’Israël apparaît (voir le Midrash) comme le lieu de convergence et de tension des forces contradictoires de l’universel humain. « De ce point de vue la “mise à part” d’Israël consisterait en ce qu’en lui l’universel humain est dangereusement pris au sérieux ». Assumer l’universel humain en guise de spécificité nationale, un destin qui engage à cette patience particulière « qui semble condamner les Juifs à ne s’habituer à rien, sinon au paroxysme des situations. »

Toute une littérature s’efforce de cerner la spécificité juive mais ce faisant elle ne conduit généralement qu’à une banalisation du phénomène qu’elle se propose de mettre en évidence. Ainsi le judaïsme serait une théologie parmi d’autres, l’antisémitisme une xénophobie (un « racisme » pour reprendre un mot à la mode) parmi d’autres, le sionisme un nationalisme parmi d’autres. Cette littérature qui se veut objective, neutre, commet sans le vouloir de graves agressions et particulièrement dans son appréciation du sionisme. Léon Askénazi : « Elle n’est toutefois que la conséquence logique d’une méconnaissance préalable des coordonnées spécifiques de l’identité juive elle-même », une agression qui, conséquence de la méconnaissance, peut venir des Juifs eux-mêmes.

Cette erreur méthodologique doit beaucoup à l’essai de Jean-Paul Sartre, « Réflexions sur la question juive » (j’en ai dénoncé l’ambiguïté dans divers articles), et je lis ces mots de Léon Askénazi en manière de confirmation. Il écrit que le postulat de ce livre « semble bien être un habile parti pris d’ignorance délibérée du judaïsme comme doctrine et existence sui generis ». Il faudrait se livrer à une analyse systématique et implacable de ce qui a (malheureusement) été le bréviaire de toute une génération (toujours en vie). Cette analyse permettrait notamment de déceler dans l’attitude de son auteur (et de ses épigones) « la forme laïcisée de la théologie négative du christianisme par rapport aux Juifs ». Concernant la question juive, les lignes de force tracées par Emmanuel Mounier étaient autrement plus prometteuses ; mais la politisation du mouvement (personnaliste) a tari la richesse de la source. Même promesse du côté de Jacob Gordin ; mais les catégories philosophiques et la tentation humaniste ont affaibli un certain désir de familiarité avec la culture hébraïque.

La spécificité d’Israël est par nature rebelle à la forme de démonstration par le raisonnement ou à la démonstration analogique. L’intériorité juive renvoie à une antériorité dans l’histoire clairement identifiable. Le fait juif est la continuité directe et immédiate de l’histoire des Hébreux. Par l’être hébraïque, le Juif se montre comme un homme de la modernité qui peut garder ses distances envers l’intelligentsia occidentale qui se voit contrainte de vivre l’existence humaine par délégation (par procuration). L’humanisme contemporain est généralement bien pourvu en conscience historique mais ne possède pas d’histoire personnelle. Aussi ne sait-il se définir que par référence « à l’identité exotique de telle ou telle société en cours d’éclosion. »

Les Juifs ont été ceux qui ont le plus intensément vécu l’expérience de l’isolement car ils ont été attentifs à ne jamais déléguer à autrui la responsabilité de leur destin. C’est là que les maîtres du Midrash ont décelé l’indice d’un paroxysme de l’identité juive. La Bible rapporte la solitude de l’homme juif ; et Israël (l’État d’Israël) constitue de ce point de vue un rebondissement ontologique de l’histoire juive. Il y a un étroit parallèle entre l’esseulement de l’homme juif et l’isolement d’Israël.

Le récit de la Création porte sur toute chose un jugement a priori positif. Le premier chapitre de la Genèse est scandé par : « Et Dieu vit que cela était bon ». Mais cet optimisme théologique est brisé par cet autre passage de la Genèse : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je lui ferai une aide à sa mesure », un jugement qui ne se limite pas à l’union de la femme et de l’homme, il désigne la solitude de tout être humain. « Tant que l’homme est seul, et en tant qu’il est seul, rien de ce qui peut être dit “bon” ne l’est en réalité ». La Bible a révélé ce que les philosophes de l’existence révéleront, à savoir que lorsqu’ils prennent appui sur l’expérience de la solitude, le tragique et l’absurde du monde se ruent de tous les points de l’horizon.

Israël comme défi permanent opposé à la désespérance à laquelle le pousse « la solitude existentielle la plus intense, c’est-à-dire l’isolement politique ». Israël, ce pays qui tire de son propre sein « une aide à sa mesure », une espérance dont bien des civilisations se sont nourries ; et tout indique qu’Israël, l’Israël d’aujourd’hui, bien vivant, prépare « la foi en la vie dont l’humanité vieillie et déçue de tous ses idéaux aura un jour à chercher l’inspiration. »

Olivier Ypsilantis

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