Et c’est ainsi qu’est fondée la Légion juive qui intégrée à l’armée britannique se battra à Gallipoli (1915) puis en Eretz Israel. Après la guerre et la dissolution de cette unité, Vladimir Jabotinsky organise d’autodéfense juive, à Jérusalem, au sein de la Haganah, car il pressent que les Juifs sont une fois encore menacés, cette fois par des bandes arabes qui commencent à opérer en Haute-Galilée (voir Joseph Trumpeldor) puis peu après à Jérusalem où Vladimir Jabotinsky prend en main la défense de la ville face à la passivité des Britanniques qui l’arrêtent et le condamnent (avril 1920) à quinze ans de travaux forcés, ce qui suscite une vague de protestation dans tout le Yishouv, y compris chez ses ennemis politiques.
Cette violence arabe incite Vladimir Jabotinsky à formaliser dès le début des années 1920 son projet intitulé « le Mur de fer » que sous-tend un réalisme pragmatique. Redisons-le, ce penseur est aussi un homme d’action et jamais il ne se laisse enfermer dans une doctrine ou des principes généreux, comme ceux du programme d’Helsingfors dont il a été, ne l’oublions pas, l’un des principaux rédacteurs. Vladimir Jabotinsky l’anti-démagogue dénonce cette erreur de perspective selon laquelle les Arabes accepteront spontanément le projet sioniste en échange d’avantages culturels et/ou économiques. Ainsi qu’il l’explique dans « Le Mur de fer », il respecte trop les Arabes (et toute communauté humaine) pour s’adonner à ce genre de marchandage qui jusqu’à aujourd’hui a sous-tendu les « plans de paix » et surtout depuis les accords d’Oslo. A ce respect primordial s’ajoute un profond réalisme qui repousse le pacifisme d’alors. Une fois encore, Vladimir Jabotinsky n’est pas de ceux qui prennent leurs désirs pour des réalités.
Moins connu que « Le Mur de fer », un projet de Constitution (publié après sa mort) inséré dans « The War and the Jew » (écrit au cours de la Deuxième Guerre mondiale) préconise un statut officiel pour la langue arabe avec dans chaque gouvernement un poste soit de Premier ministre soit de vice-Premier ministre d’Israël proposé à un Arabe. Mais attention ! Vladimir Jabotinsky ne pousse jamais de côté la préservation du caractère juif de l’État d’Israël. Il a probablement fait preuve d’un peu trop d’optimisme malgré sa lucidité en estimant que « Le Mur de fer » finirait par amener les Arabes à renoncer à tout projet d’effacer Israël de la carte, un optimisme qui s’explique probablement par le fait qu’il ne voyait pas la dimension religieuse de ce conflit et qu’il s’en tenait à sa dimension politique.
Conclusion de ce qui peut être considéré comme un manifeste, soit « Le Mur de fer » : 1. Sur le court terme, le sionisme ne doit pas attendre l’approbation des Arabes pour se réaliser. 2. L’espoir d’un règlement pacifique passe par la renonciation à un règlement immédiat. « La paix maintenant » et autres slogans du pacifisme faussent toute perspective de paix car ils supposent que tous les efforts destinés à préparer l’avènement de la paix soient le fait d’Israël et que les Arabes n’aient qu’à attendre sans jamais se remettre en question. Et, de fait, qu’observons-nous depuis bien des décennies ? Chaque concession israélienne rend les Arabes toujours plus exigeants. Les exemples à ce sujet ne manquent pas.
Le concept du « Mur de fer » est depuis maintenant un siècle un concept fondamental du lexique politique israélien. Il est vrai que peu d’expressions ont suscité autant de contresens. Mais qu’en est-il dans les faits ? La politique de dissuasion de Tsahal peut être considérée comme une mise en pratique du « Mur de fer ». Il n’en va pas toujours ainsi pour la politique de défense israélienne, à commencer par le « Dôme d’acier ».
Le « Dôme d’acier » n’est pas dissuasif, il est simplement protecteur, ce qui est beaucoup mais pas suffisant car la technologie aussi avancée soit-elle ne suffit pas à remplacer l’audace. Seule une offensive terrestre au cœur de Gaza permettrait d’en finir avec le Hamas qui n’a cessé de harceler Israël et de se fortifier depuis le retrait israélien de 2006. De fait le « Dôme d’acier » s’oppose d’une certaine manière au « Mur de fer ». Toute l’histoire de la stratégie de défense d’Israël (du peuple juif), et avant même la création de l’État d’Israël, oscille entre deux pôles : l’éthos exclusivement défensif (très largement dominant) et l’éthos offensif. L’éthos défensif est généralement manifeste à Gaza. C’est pourtant l’éthos offensif qui a permis à Israël ses plus belles victoires, comme la guerre des Six Jours (1967) ou le raid sur Entebbe (1976) pour ne citer qu’elles.
Le peuple juif et d’État d’Israël aspirent à la paix depuis toujours mais ne peuvent s’offrir le luxe du pacifisme qui n’a jamais fait qu’activer les catastrophes, et d’abord sur les pacifistes eux-mêmes. « Le Mur de fer » est un outil qui se propose d’œuvrer à l’avènement d’une paix toujours à venir. Il incite à l’espoir mais sans jamais baisser la garde – il invite à un espoir lucide.
Cinq textes de Vladimir Jabotinsky suivent ce livre de Pierre Lurçat. Ils s’intitulent respectivement : « A propos du Mur de fer – Les Arabes et nous », « La morale du Mur de fer », « Le conflit n’est pas religieux », « Le problème arabe dédramatisé » (extrait du livre « The War and the Jew ») et « Réponse à nos pacifistes ». Je vous invite à les lire et plus généralement à lire Vladimir Jabotinsky, un penseur sioniste (et un homme d’action) pas assez connu et, surtout, mal connu. Pierre Lurçat a entre autres mérites celui non seulement d’avoir traduit son autobiographie en français (« Histoire de ma vie ») mais de mettre à la portée d’un public francophone des documents de première main relatifs à cette personnalité et au sionisme en général, documents qu’il accompagne de commentaires judicieux.
Ci-joint, deux liens :
Bibliothèque Sioniste – Éditions L’éléphant (editions-elephant.com)
Olivier Ypsilantis