Robert Solomon Wistrich (né en 1945) est une figure incontournable pour qui s’intéresse à la longue et complexe histoire de l’antisémitisme. Ses livres et ses articles qui traitent de ce sujet sont fort nombreux. Quelques titres de livres : ‟Islamic Judeophobia: An Existential Threat”, ‟A Lethal Obsession: Antisemitism – From Antiquity to the Global Jihad”, ‟The Left against Zion”, ‟Between Redemption and Perdition: Modern Antisemitism and Jewish Identity” ; et quelques titres d’articles : ‟Socialism and Judeophobia: Antisemitism in Europe before 1914”, ‟How to Tackle the New Antisemitism”, ‟Jewish suffering, Vatican Silence”, ‟Antisemitism – A Civilizational Pathology”.
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En lien, un cycle de quatre conférences Akadem dispensées par Robert Solomon Wistrich et intitulé : ‟L’antisémitisme, l’antisionisme et la gauche”, soit :
Cours 1/4 – ‟L’antisémitisme aux sources du socialisme français” :
Cours 2/4 – ‟Bernard Lazare et l’antisémitisme de gauche” :
Cours 3/4 – ‟De la « question juive » marxiste au cauchemar soviétique” :
Cours 4/4 – ‟Les convergences antisémites du XXIe siècle” :
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J’observe depuis longtemps la java entre l’antisémitisme et l’antisionisme. J’accueille toujours avec plaisir et reconnaissance ceux qui m’aident à amplifier et approfondir mon regard à ce sujet. Robert S. Wistrich est l’un d’eux, et pas des moindres.
L’antisionisme et l’antisémitisme ont beaucoup à voir l’un avec l’autre. La constante diffamation, délégitimation et diabolisation de l’État d’Israël recouvre quelque chose qui n’ose pas toujours s’avouer, à droite et, à présent, plus encore à gauche, chez les chrétiens (et post-chrétiens) et chez les musulmans, ces derniers étant parfaitement décomplexés sur la question. Il est vrai qu’ils ne furent pas les maîtres d’œuvres de la Shoah, une remarque qui ne doit pas faire oublier la profonde sympathie du Grand Mufti de Jérusalem et ses séides pour le nazisme et le rôle central des nazis dans l’organisation de certains secteurs névralgiques de l’appareil d’État de plusieurs pays arabes.
L’antisionisme et l’antisémistisme sont-ils les deux visages d’une même créature ? Un Janus ? Un quotidien britannique de centre-gauche qui ne perd pas une occasion de calomnier Israël avec un air dégagé, ‟The Guardian”, s’est plu à répéter que l’anti-Sharonism était trop souvent assimilé à de l’antisémitisme. Il me fait marrer ‟The Guardian” ; j’y retrouve cette profonde malhonnêteté intellectuelle et ce manque de courage qui caractérisent ‟Le Monde” et ‟Le Nouvel Observateur” pour ne citer qu’eux.
On nous reproche de faire trop facilement usage du mot ‟antisémite” dès qu’Israël est critiqué. Puisque des Juifs dénoncent ce pays avec plus ou moins de virulence (une virulence radicale dans certains cas), ce mot qui est comme une condamnation sans appel ne serait-il pas malvenu ? Ne conviendrait-il pas de distinguer enfin l’antisionisme de l’antisémitisme ? Ne faudrait-il pas cesser de placer le signe = entre eux ?
L’antisionisme et l’antisémitisme se distinguaient l’un de l’autre. Depuis 1948, ils tendent à se rapprocher toujours plus. L’antisionisme juif fut et reste très complexe. Il est difficile d’en traiter même superficiellement dans un article qui ne veut pas excéder une certaine longueur. Il a ses versions politiques (par exemple, avec le Matzpen) et ses versions religieuses (par exemple, avec les Juifs orthodoxes haredim). Ci-joint, un article sur ces Israéliens post-sionistes qui dénoncent le caractère ‟juif” d’Israël :
http://www.cairn.info/revue-mouvements-2004-3-page-49.htm
L’antisionisme radical d’aujourd’hui nous ramène vers ces années qui, en Europe, ont précédé la Shoah. L’appel au boycott récemment lancé contre Israël en évoque un autre, celui que les nazis ont commencé à imposer aux Juifs dès 1933. Et que dire de ces dénonciations qui pleuvent sur Israël dans nombre d’institutions internationales, à commencer par l’ONU de plus en plus dominée par les États musulmans qui s’emploient à faire d’Israël un paria. On se souvient de la Conférence de Durban, entre le 2 et le 9 septembre 2001, de cette troisième session des Conférences mondiales contre le racisme organisée par UNESCO. Le sionisme y fut présenté comme une pulsion génocidaire, comme une entreprise de nettoyage ethnique (ethnic cleansing) à l’encontre des Palestiniens. La demonisation d’Israël et du peuple juif n’a cessé de s’intensifier ; et les méthodes qu’elle met en œuvre rappellent point par point le racisme antisémite. Au nom de l’antiracisme, des droits de l’homme et autres nobles causes, on fait usage du racisme et d’un antisémitisme qui prend de moins en moins la peine de se masquer derrière l’antisionisme. Ces antisionistes qui placent un trait d’union entre sionisme et nazisme sont à coup sûr des antisémites de la pire espèce. Car, enfin, si sionisme = nazisme, il incombe aux propagateurs d’un tel slogan d’en finir avec le monstre par n’importe quel moyen.
Israël est aujourd’hui, et de loin, l’État le plus décrié au monde par une faune des plus diverses. Même un ‟modéré” comme le Premier ministre de Malaisie, Mahathir Mohamad, s’est officiellement autorisé à propager ce ragot séculaire, à savoir que ‟les Juifs dirigent le monde”. Les islamistes radicaux font aller main dans la main le djihad et ‟Les Protocoles des Sages de Sion”. Je l’ai souvent écrit, les islamistes sont aussi venus faire leurs courses chez nous qui avons élaboré les plus beaux ‟joyaux” de l’antisémitisme. La dénonciation du Juif et d’Israël est devenue pour l’islam l’un des plus sûrs moyens de pousser ses pions tout en masquant son indigence. Et pourquoi s’en priverait-il ? Cette dénonciation trouve chez nous de puissants relais, et pas seulement dans les populations musulmanes issues de l’émigration. La théorie du complot (avec le Juif en figure de proue) gagne des adeptes en ces périodes d’incertitude. Cette théorie du complot, alliée au fanatisme politico-religieux, est devenue un produit hautement toxique.
Aujourd’hui, la volonté de nettoyer le monde des Juifs, de le rendre judenrein (ou judenfrei), se travestit volontiers derrière l’antisionisme. L’antisionisme utilise ‟le Palestinien” comme figure centrale, emblématique. Il est le chouchou des Anti-systèmes, des Altermondialistes, des Trotskistes, des Rouges, des Verts, des Bruns, des anti-Américains, des Frustrés, des Complexés et j’en passe. ‟Le Palestinien” est devenu la mascotte de ceux pour qui ‟le Juif” est synonyme d’argent et de puissance occulte. Une gauche orpheline des ‟damnés de la terre” a fait du Palestinien son fétiche.
Souvenons-nous des soutiens dont bénéficia l’OLP chez certains Angry Young Men — and Women —, principalement dans les années 1970. Souvenons-nous de la Rote Armee Fraktion (RAF) et de la très redoutée Japanese Red Army (JRA), soutiens radicaux du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). L’OLP a piloté une délégitimation d’Israël. A ce propos, il est étrange que le lobby juif soit un thème récurrent dans nombre de propagandes alors que le lobby palestinien, et plus généralement le lobby arabe, soit passé sous le tapis. Certes, il existe un lobby juif ; mais il n’est qu’un lobby parmi tant d’autres ; il n’est LE lobby que pour ceux qui croient aux fumisteries des ‟Protocoles des Sages de Sion” ou de ‟Mein Kampf”.
On n’insistera jamais assez sur ce point essentiel : la propagande palestinienne (et arabe) se procure certains de ses ingrédients en Europe, des ingrédients qu’elle accommode à la sauce arabo-musulmane mais aussi arabo-chrétienne. N’oublions pas que les Palestiniens chrétiens ont élaboré une ‟théologie de la libération” qui met en scène des tentatives destinées à déjudaïser le christianisme. Ces tentatives m’évoquent certains contorsions nazies destinées à aryaniser le Juif Yeshoua.
La propagande palestinienne et plus généralement arabe a été infectée par l’Europe ; en retour, elle infecte l’Europe. C’est une sarabande infernale qui pourrait ne jamais finir. Les Juifs ne seraient que de modernes Croisés, des envahisseurs dénués de toute légitimité. ‟They are the modern «Crusaders» with no legitimate rights to the soil — an alien transplant, absolutely foreign to the region” écrit Robert S. Salomon. Les Juifs sont présentés comme une force occulte capable de soumettre le monde. Cette vielle croyance est partagée par presque tous les Arabes, par de nombreux musulmans mais aussi par nombre de chrétiens et de post-chrétiens, d’athées et d’agnostiques, de grands bourgeois et de petits bourgeois, de miséreux et de nantis et tutti quanti. La popularité des ‟Protocoles des Sages de Sion” ne se dément pas.
Le sionisme est décrit non seulement comme criminel dans son comportement mais aussi dans son essence. Sionisme = racisme, apartheid, colonialisme, impérialisme et j’en passe, un langage qui ne déplaît pas à l’Europe qui fut l’aire de la Shoah et dont certains pays furent à la tête d’un empire colonial. Ainsi, par ce subterfuge, l’Europe espère-t-elle s’alléger d’un sentiment de culpabilité. Qu’il est bon tantôt de susurrer tantôt de brailler que ‟the victims of yesterday have become the [Nazi] perpetrators of today.” Pour nombre de personnes diversement de gauche (mais il n’y a pas qu’elles), les Palestiniens ne peuvent être que des victimes. Le terrorisme et le djihadisme sont ignorés lorsqu’ils ne sont pas excusés. Les stéréotypes meurtriers qui se tenaient aux extrêmes ont contaminé tout ce qui se trouve entre eux. Quand on pense qu’une majorité d’Européens considère qu’Israël est une menace pour l’Europe et le monde ! L’antisionisme est bien l’héritier d’un antisémitisme séculaire.
Le nazisme (la forme paroxysmique de l’antisémitisme) ne doit pas faire perdre de vue que l’antisémitisme peut être aussi de gauche, qu’il est même à présent plutôt de gauche et que cet antisémitisme a une riche généalogie. Voir les quatre conférences de Robert S. Wistrich mises en ligne en début d’article.
Robert S. Wistrich termine son article, ‟Anti-Zionism and Anti-Semitism”, sur ces mots : ‟It (anti-zionism) has become an «exterminationist», pseudoredemptive ideology reconstructed in the Middle East and reexported back to Europe with devastating effects.”
A Nina,
Il ne faut pas tirer sur les Juifs allemands. Ceux qu’on met en exergue dans la presse sont forcement ceux qui sont victimes de cette maladie juive nommée la Selbshasse (la haine de soi), mais ils ne forment qu’une minorité, de plus la haine de soi n’est pas réservée aux Juifs allemands, on la trouve aussi chez certains sepharades.
Madame Neher me disait que lorsque’ Hitler est arrivé au pouvoir, les Juifs allemands ont tout de suite paré au plus pressé: ils ont suivi des cours dans les écoles ORT pour apprendre un métier manuel et des cours de Thora dans les synagogues. Le personnage du Juif allemand, loin de toute vie juive et qui se découvre Juif sans comprendre ce que cela veut dire, n’est pas du tout représentatif. Le livre d’Epstein “1930 une année charnière pour le peuple juif, permet de bien comprendre comment vivaient les communautés juives en Europe quelques années avant la Shoah.
Je m’arrête ici parce qu’Olivier va penser que je squatte son blog!
Non Non ! Il ne le fera pas Hanna !
Olivier est le plus charmant homme qu’on puisse rencontrer. Il n’est pas seulement érudit mais passionné comme un juif par des tas de questions.
Mon message est évidemment lapidaire. Il ne tient pas compte de tout ce que j’ai pu trouver au sujet des juifs allemands.
C’est une de nos discussions récurrentes entre Olivier et moi.
Disons qu’étant sépharade j’ai peut-être du mal à comprendre cette volonté obsessionnelle des juifs allemands à se fondre au point de tuer au plus profond leur identité juive.
Ne t’inquiète pas pour Olivier. Il aime le débat.
Voici en gros ce qui me dérange ou me questionne pour être plus juste :
1) Le prépuce. Haddas-Lebel a fait une conférence à ce sujet mais aussi Stéphane Encel (le petit frère de Frédéric).
Nous apprenons que l’héllenisation de la société juive de Jérusalem est passée par les tenues vestimentaires mais aussi par le “gymnasium”. Ces endroits où les hommes s’exerçaient à la lutte. Comme me l’expliquait Olivier, les Grecs étaient choqués par la nudité du gland que les juifs évidemment circoncis étalaient.
Par volonté de se mêler aux Grecs dans ces luttes sportives, des juifs ont procédé à la reconstitution de leurs prépuces.
En Allemagne, milieu ou 3/4 du XIXè siècle, une volonté farouche de se fondre dans la population allemande, des juifs “de qualité” ont éprouvé le besoin de se faire reconstuire le prépuce et certaines familles ont passé outre la brit-mila afin de ne donner aucun signe d’alliance à leurs fils pour pensaient-ils mieux être inscrits dans la société allemande.
Ce manquement à la règle élémentaire de l’alliance s’est accentué au fil des ans en Allemagne.
2) Le Mouvement Juif Libéral, né en Allemagne fin du XIXè s’est accompagné d’un tas de petits accommodements avec la Halkha pour ne pas trop paraître juif.
C’est ainsi que me faisait remarquer notre hôte que nous pouvons nettement apercevoir de plus en plus de synagogues ressemblant au niveau architectural, aux temples protestants allemands.
Ceci plus l’introduction de la musique via les orgues.
3) Ce Mouvement juif Libéral sera le principal mouvement riche et puissant aux USA au XIXè siècle.
Lorsqu’on s’interroge sur la “Bible” américaine, c’est à dire le New York Times, et l’immense impact qu’elle a eut non seulement sur les juifs américains mais sur tous les américains, on reste stupéfait.
Bien souvent, comme une sorte de mantra, Sulzberger, martelait à son staff et dès qu’on lui tendait un micro : “Nous sommes américains puis…juifs, jamais le contraire”.
Nous verrons par la suite comme s’est comporté le NYT durant la seconde guerre mondiale : un désastre au point que ce journal de référence relégua en page 7, le massacre du ghetto de Varsovie.
Le point culminant dans ces sombres années nous est narré par le témoin : Ian Karski dans le film de Lanzmann “Shoah.
Karski visite le ghetto grâce au Bund. Il se rend à Auschwitz et voit de ses propres yeux la solution finale en marche, les chambres à gaz, les fours crématoires et ces pauvres juifs arrivant directement devant.
On arrive à l’expédier en Angleterre. Il est reçu par un Ministre important (pardon mais le nom ne me revient pas tout de suite).
On l’expédie en urgence aux USA afin qu’il témoigne devant le Président Roosevelt. Celui-ci le reçoit et l’écoute en se tenant la tête entre les mains (dixit Karki dans son témoignage).
Devant tant d’accumulation de preuves, il ne sait que répondre d’autant que son Ministre Dulles est un démocrate du Sud franchement antisémite.
Il demande donc à Karski (résistant catholique) de répéter tout ceci à son ami et conseiller personnel, un certain Félix Franckfurter, juge à la Cour Suprême.
Franckfurter va le voir à l’ambassade de Pologne et écoute Karski.
A la fin de ce long monologue, Franckfurter aura une phrase qui en dit long : « Jeune homme, je ne dis pas que vous mentez, je dis que je ne vous crois pas. »
Puis…Nous somme en 42…Rien…Rien ne paraîtra dans la presse, cette presse ultra-puissante comme le New York Times.
4) Encore une fois, nous verrons un délitement du judaïsme par la grâce de ces juifs d’origine allemande. Cela se verra tant dans l’architecture des « temples » (étrange même qu’on utilise ce terme pour les synagogues), mais aussi dans les offices religieux, dans les accommodements de plus en plus libéraux par rapport à la Halkha.
5) L’histoire de la renaissance de l’état d’Israel est truffée de juifs d’origine allemande qui n’ont eu de cesse et continuent à ce jour de saper l’effort de ce pays pour rester un état juif. Regarde Hanna, ce que les juifs allemands ont fait du Haaretz (famille Shoken).
Je te donne un exemple que je viens de trouver au sujet de Gershom Shoken aujourd’hui.
La prise d’otage à Entebbé a eu lieu et Rabin est 1er Ministre. Il décide de parler lui-même à la presse.
A la question du rédacteur en chef Gershom Shoken, rédacteur en chef du Haaretz, sur l’origine de l’identité des passagers pris en otages, Rabin répond avec agacement : « je vais vous surprendre…je n’ai pas encore vérifié la question. En principe, les gens défavorisés ne voyagent pas à travers le monde…Peu m’importe l’origine des otages…nous devons avant tout les libérer et vite.
« Vous savez, Itzhak, qu’il existe aussi des gens aisés et riches chez les Nord-Africains ! » réplique Shoken.
L’assistance a été très choquée par les propos déplacés mais surtout racistes de Shoken.
Shoken…né à Berlin.
Shlomo Sand : né de parents Autrichiens…Ilan Pappé né de parents allemands…etc…etc…
Oui Hanna, il y a aussi eu des juifs allemands de génie mais la liste est si longue de ces teutons d’origine juive qui professent non seulement la haine de soi mais s’exportent remarquablement bien.
Pour finir avec cette histoire de prépuce par laquelle je commençais ma réponse (encore une fois très lapidaire malgré tout), je te parlerai de ce mouvement juif américain les « brit shalom ».
Lorsque je me suis intéressée au phénomène qui prenait de plus en plus d’ampleur chez les juifs mais aussi chez les non-juifs (par effet de mode principalement), je notais les patronymes allemands qui composaient les listes de ces nouveaux boycotteurs.
Puis, lorsque l’Allemagne, il y a encore quelques mois, via un juge commença elle aussi à remettre en question la légalité de la circoncision sur le sol allemand pour des faits religieux, je ne pus m’empêcher de penser à ces « brit shalom ».
Juste pour que tu le saches : il s’agit pour ces juifs de remplacer la circoncision des nouveaux-nés par une « circoncision du coeur » avec un rabbin juif libéral qui récitera une prière spéciale.
Tout ceci fut orchestrée par une femme israélienne, mariée à un américain d’origine allemande. Elle fit sensation dans un petit documentaire sur la circoncision possible de l’enfant qu’elle portait en elle.
Ca a fait du bruit. Ca a émut toute la société américaine et au-delà…en Allemagne !
Voici, brièvement chère Hanna, quelques exemples qui jalonnent ma perpétuelle obsession des « juifs allemands ».
Il n’y a là aucune haine, aucun ressentiment, vraiment. Je veux juste comprendre comment on fait pour perdre une identité multi-millénaire sans éprouver de cas de conscience. Pourquoi gommer au point d’en arracher le moindre lambeau, ce qui a fait de notre histoire, une saga absolument incroyable ?
Wistrich me donnera-t-il un tuyau pour comprendre ? Je l’ignore. Mais j’ai appris que les juifs ont les réponses…ils n’ont pas toutes les questions.
Un dernier exemple pour la route : l’histoire de Fritz Haber, Prix Nobel de Chimie en 1918 est le parfait exemple. Ma névrose absolue. Mon cauchemar. Sans haine, sans violence comme on dit par chez nous.
Amicalement et vraiment désolée d’avoir été si longue.
Bonjour Olivier, et merci pour vos chroniques intéressantes, documentées, profondes et bien écrites, ce qui ajoute le plaisir à l’intérêt.
Concernant le problème, aujourd’hui dépassé, de la différence entre l’antisémitisme et antisionisme, on peut dire que seuls les malintentionnés et les ignorants se pose encore la question. Les honnêtes hommes (au sens de la renaissance) et les hommes honnêtes savent bien quoi en penser.
J’emploie à présent le terme d’ “antisiomite” qui a le mérite de condenser dans un même néologisme ces deux maladies corruptrices.
A Nina,
Tous les exemples que tu donnes sont pris dans cette minorité très minoritaire de ce que fut le judaisme allemand: Les bobos branchés de l’époque! Mais contrairement à ce que tu crois le judaisme allemand du 19eme siècle a vu l’établissement d’un judaisme Thora et derekh Eretz, c’est a dire Thora et ouverture sur le monde dont la principale figure fut le Rav Shimshon Raphaël Hirsch. Olivier m’a demandé d’en parler de l’intérieur: Je n’en sais pas grand chose sauf qu’il a permis aux Juifs allemands (et français) de ne pas adhérer au judaisme libéral* tout en s’ouvrant sur la cite, comme dirait Bernheim. Hirsch est connu pour ses commentaires modernes sur la Thora et pour son grand intérêt pour les études profanes. J’ai beaucoup de sympathie pour ce mouvement parce qu’il n’était pas excluant tout en étant intransigeant sur nos valeurs juives. C’est aussi le judaisme de mon enfance, puisque à l’époque, tous les rabbins français (ou presque) étaient d’origine alsacienne ou allemande et avaient été formés rue Vauquelin. Et moi qui viens d’une famille où ne subsistait aucune pratique religieuse, je lui dois beaucoup. Je pense que tu généralises trop: dans mon entourage, il y avaient beaucoup de Juifs d’origine allemande ou autrichienne, pratiquants ou pas, mais personne ne voulait perdre son identité. Il est vrai que chacun d’entre nous était plus que discret dans le monde non-juif, c’était presque pathologique parfois, mais ce n’était pas du à l’origine simplement au fait que la Shoah n’était pas loin.
Le judaisme allemand, si on oublie les bobos branchés non représentatifs, sont plus à l’origine du mouvement moderne orthodoxe que du judaisme libéral, certes né en Allemagne mais qui a grandi aux USA:
Voici un site qui peut t’intéresser: http://www.modernorthodox.fr/
Ainsi que ces références:
Maurice Ruben Hayoun: Les Lumières de Cordoue aux Lumières de Berlin: une histoire intellectuelle du judaïsme, Pocket, Agora, 2007/8.
Maurice Ruben Hayoun : Samson-Raphaël Hirsch. Les dix-neuf épîtres sur le judaïsme Paris, Cerf,1987.
Mon seul regret est que Hirsch n’ait pas été sioniste: pour lui l’histoire de Bar Kochba était la preuve que les Juifs doivent rester dispersés.
*Le judaisme libéral est reste confiné à la rue Copernic jusqu’aux années 70, l’enseignement de la rue Copernic a semblé trop orthodoxe à certains qui ont alors fondé le MJLF: ce qui est intéressant, c’est que tant que le rabbinat est resté dans cette tendance Thora et Derekh Eretz, la rue Copernic ne concernait que peu de monde. Le MJLF a fait beaucoup d’adeptes pour deux raisons: L’augmentation des mariages mixtes et aussi le fait que les rabbins sepharades, qui venaient d’un judaisme très ouvert et modéré en Afrique du Nord, se sont durcis et fermés, cela étant dû à des raisons à la fois historiques et sociologiques mais il y aurait tant a dire…
Chabbat chalom et à bientôt,
Hannah,
Vos précisions me passionnent. Et je connais bien le livre de Maurice-Ruben Hayoun, “Les Lumières de Cordoue à Berlin” (en deux volumes chez JC Lattès), il m’a servi de base de travail. J’ai dans l’idée d’écrire un article sur le Rav Samson Raphaël Hirsch. Mais je n’en ai qu’une connaissance extérieure (et superficielle), je me contenterai donc de travailler à partir de documents, certains disponibles sur le Web et, curieusement, presque tous en anglais, ou en allemand. J’aimerais vous soumettre ce que j’ai bricolé à ce sujet.
PS. Vos allusions à Ein Zivan ont fait remonter en moi un flot de souvenirs. Bon Shabbat, Hannah.