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Des temps de l’histoire juive au Portugal – 4/6

Deux importantes figures juives dans le Portugal du XXème siècle : Samuel Schwarz et Josuah Benoliel :

Samuel Schwarz (1890-1953), un Juif d’origine polonaise, est notamment l’auteur de « Os Cristãos-Novos em Portugal no Século XX » (publié en 1925), préfacé par Ricardo Jorge (1858-1939), un grand médecin hygiéniste portugais. Samuel Schwarz est ingénieur des Mines, sorti de l’École nationale supérieure des mines de Paris avant d’obtenir la nationalité portugaise. Outre sa profession d’ingénieur, il s’intéresse au passé juif du Portugal et s’étonne de l’existence de crypto-Juifs – il évoque des « judeus clandestinos » – en plein XXème siècle dans un pays comme le Portugal. Ce livre reste une référence sur la question du crypto-judaïsme au Portugal. Il est réédité en 1993 par la Universidade Nova de Lisboa, avec des présentations d’António Valdemar et Moisés Espírito Santo. Dans sa préface, Ricardo Jorge célèbre l’esprit d’entreprise et la puissance de travail de Samuel Schwarz, Samuel Schwarz qui dédie une partie de son temps à la recherche des traces juives au Portugal, archéologiques mais aussi traditions, notamment orales. Ricardo Jorge signale également dans sa préface la publication d’un autre écrit de Samuel Schwarz, un mémoire intitulé « As inscrições hebraícas em Portugal ». Samuel Schwarz s’attache à l’étude de la synagogue de Tomar dont il fait l’acquisition avec ses propres deniers afin d’en assurer la protection et la restauration, avec le projet d’y ouvrir un musée. Selon les mots de Carl Gebhart, les Cristãos-Novos (qui ont donné nombre de grandes figures au Portugal) sont des catholiques sans foi et des Juifs sans savoir, ce qui donne la révolte d’un Uriel da Costa.

Au cours de ses prospections minéralogiques sur le terrain, Samuel Schwarz s’intéresse donc aux traditions orales et découvre en filigrane une présence juive, notamment dans les prières en prose ou en vers ainsi que dans les traditions. Il en prend note, notamment dans la Beira Baixa.

Ci-joint, une notice biographique rédigée par le petit-fils de Samuel Schwarz, João Schwarz da Silva, en 2008. Je l’ai allégée de quelques détails.

Samuel Schwarz né à Zgierz (Pologne) le 12 février 1880 ; décédé à Lisbonne le 10 juin 1953.

Il suit le cursus d’ingénieur civil des mines à l’École nationale supérieure des mines de Paris ; il obtient son diplôme en 1904, à l’âge de vingt-quatre ans.

Il travaille comme ingénieur dans un champ de pétrole à Bakou, en Azerbaïdjan ; dans des mines de charbon en Pologne ; dans des mines d’étain en Angleterre et en Espagne ; dans une mine d’or en Italie ; puis il revient en Espagne pour travailler dans des mines d’étain.

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Samuel Schwarz a trente-quatre ans. Il est en voyage de noces au Portugal avec sa femme Agatha Barbash, fille du banquier Samuel Barbash d’Odessa. Il reste au Portugal où il commence à travailler comme ingénieur des mines en 1915, dans une mine de wolfram à Vilar Formoso et d’étain à Belmonte.

Il a été président de la Chambre de Commerce Polonaise au Portugal, depuis sa fondation en 1930 jusqu’à l’invasion de la Pologne par l’U. R. S. S. Il a été membre de l’Ordre des Ingénieurs, de l’Association des Archéologues Portugais et président de la Communauté Israélite de Lisbonne.

Polyglotte remarquable, il parlait le russe, le polonais, l’allemand, l’anglais, le français, l’italien, l’espagnol, le portugais, l’hébreu et le yiddish.

Il a publié : Inscriptions hébraïques au PortugalLes Nouveaux-Chrétiens au Portugal au XXème siècleMusée Luso-Hébraïque de Tomar (une brochure) ; Cantique des Cantiques (traduction de l’hébreu) ; Antisémitisme (en collaboration avec Léon Litwinski) ; Archéologie minière (une brochure). Son dernier travail publié, en 1953, après sa mort : « La prise de Lisbonne, selon un document de la Bibliothèque Nationale ».

Il a collaboré à divers journaux, avec de nombreux articles sur des sujets ayant trait au judaïsme. Il a écrit pour une revue : Le sionisme durant le règne de D. João III ; L’Origine du nom et de la légende du Prêtre Jean ; Qui étaient les émissaires que D. João II a envoyé à la recherche du Prêtre Jean. Au cours de ses séjours en Espagne, de 1907-1910 et de 1912-1914, il a publié divers articles. Son livre Les Nouveaux-Chrétiens au Portugal au XXème siècle a été traduit en anglais, en italien et en hébreu.

En 1923 il a fait l’acquisition de la synagogue de Tomar (Portugal) qui date du XVIème siècle et la cède à l’État Portugais en 1939 pour qu’un musée y soit installé. Par décision ministérielle du 27-7-1939, ce musée voit le jour sous le nom de Musée Luso-Hébraïque de Tomar. On y garde un certain nombre de pierres tombales avec des inscriptions en hébreu découvertes au Portugal. Cette même année, en 1923, il devient citoyen portugais. En janvier 2008, le Musée Juif de Belmonte ouvre une salle en son honneur.

Josuah Benoliel (1873-1932) est le pionnier du reportage photographique au Portugal. Il commence sa carrière en 1902. Il collabore aux journaux O SéculoBrasil-PortugalO Occidente et en 1908 il devient correspondant étranger du journal espagnol ABC et de la revue française L’Illustration. Mais c’est en tant que reporter photographique de Illustração Portugueza, supplément illustré du journal républicain O Século, que Joshua Benoliel produit entre 1903 et 1918 la part la plus importante de son œuvre de photographe. C’est dans le cadre de cette revue, surtout à partir de sa IIème série (qui s’ouvre en 1906), qu’il rend compte des profonds changements sociaux, politiques et urbains de la ville de Lisbonne fortement marquée par les événements des deux premières décennies du XXème siècle, avec la fin de la monarchie, l’avènement de la République et la Première Guerre mondiale. En 1918, il prend temporairement congé de cette revue pour y revenir six ans plus tard ; il y occupera le poste de responsable éditorial de la partie photographique jusqu’à sa mort, en 1932.

Josuah Benoliel reste l’un des plus grands témoins de son époque. Il a rendu compte de la fin de la monarchie constitutionnelle au Portugal, en photographiant l’activité diplomatique du roi D. Carlos et de D. Manuel II, la vie de la Cour, les visites de monarques d’autres pays au Portugal, parmi lesquels Alfonso XIII et Edward VII, la dictature de João Franco mais aussi les manifestations populaires. S’il ne photographie pas l’instant précis du régicide, le 1er février 1908 (assassinat de D. Carlos et du prince héritier D. Luís Felipe), il couvre la suite de l’événement pour Madrid et Paris. Il fait un reportage sur la proclamation de D. Manuel II comme roi du Portugal, sur la proclamation de la Ière République le 5 octobre 1910, sur la révolution de Sidónio Pais et le départ de Bernardino Machado pour l’exil ; bref, il capte dans son objectif tous les événements politiques et sociaux du Portugal. Il photographie également les troupes portugaises engagées aux côtés des Alliés au cours de la Première Guerre mondiale, les Lisboètes se promenant dans leur ville, les métiers, les grèves et les manifestations, les célébrations, les processions, soit la vie de tout un peuple. Outre leur immense intérêt documentaire, ses photographies sont d’une grande qualité artistique.

On estime à environ soixante mille clichés l’ensemble de sa production, soit un intense travail sur près de trois décennies. Après sa mort, l’ensemble de son travail reste en possession de sa famille jusqu’à ce que son fils, lui-même photographe, Judah Benoliel, commence à en vendre une partie, à partir de 1943, en les répartissant entre collections privées et institutions parmi lesquelles, le Centro Português de Fotografia, l’Automóvel Clube de Portugal, l’Arquivo Histórico Militar, le Museu da Assembleia da República, la Fundação da Casa de Bragança, la Guarda Nacional Republicana et la Câmara Municipal de Lisboa.

Entre 1943 et 1964, l’Arquivo Fotográfico da Câmara Municipal de Lisboa acquiert par lots (et toujours auprès de Judah Benoliel) près de trois mille négatifs.

Josuah Benoliel reste l’un des meilleurs témoins de la mémoire collective portugaise de son temps. J’invite donc celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire de ce pays à passer quelque temps en compagnie de cette œuvre considérable, tant par la quantité que la qualité, une œuvre qui a été proposée pour la première fois au grand public par la rétrospective LisboaPhoto de 2005, « Joshua Benoliel – 1873-1932 », organisée par l’Arquivo Fotográfico.

Ci-joint, un lien (en portugais) sur Josuah Benoliel :

https://fasciniodafotografia.com/2018/01/12/joshua-benoliel-1873-1932-reporter-fotografico-2005/

Olivier Ypsilantis

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