Autre temps de la mémoire espagnole avec le sous-marin C-3 coulé le 12 décembre 1936 et qui repose à quelque soixante-dix mètres de profondeur devant les côtes de Málaga. Cette unité de la marine républicaine avait reçu pour mission de surveiller le détroit de Gibraltar afin d’empêcher les troupes de Franco de débarquer dans la péninsule bien que ces troupes stationnées au Maroc ne disposent d’aucune embarcation. Il n’empêche, un sous-marin allemand attaque le C-3 qui sectionné en deux coule à pic. Ce n’est qu’en 1988 que l’historien américain Willard C. Frank découvre Operation Ursula dont le lien suivant rend brièvement compte :
https://www.youtube.com/watch?v=o7mRKECoh_o
Pour les Allemands, il s’agissait de faite d’une pierre deux coups : appuyer les rebelles franquistes et tester les sous-marins de la Kriegsmarine, peu avant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale. Cette affaire offre quelque ressemblance avec Guernica ; autrement dit : le C-3 fut à la Kriegsmarine ce que cette localité du pays basque espagnol fut à la Luftwaffe.
En mai 1997, Antonio Checa, un avocat occupé à pêcher dans la zone remarque une tache d’huile à la surface. Il avertit les autorités. Peu après, le ministère de la Défense identifie formellement le C-3. Antonio Checa prend alors contact avec les parents des victimes qui organisent une « Asociación de víctimas del C-3 » dans le but d’exposer le sous-marin dans le port de Cartagena. Mais le coût de l’opération décourage le projet. Ci-joint, un documentaire rend compte des travaux de recherche dirigés par Tino Martín :
https://www.youtube.com/watch?v=I4EdxDaa8yE
La bataille de Brunete (province de Madrid) est l’une des plus sanglantes batailles de la Guerre Civile d’Espagne. En seulement trois jours (qui ne représentent qu’un moment de cette bataille), les 24, 25 et 26 juillet 1937, les Républicains perdent quinze mille hommes pour conserver quinze kilomètres carrés. Les pertes sont particulièrement lourdes dans les Brigades Internationales. Souvenons-nous que c’est à Brunete, ce 26 juillet, que Gerda Taro décède des suites de ses blessures.
Cette terrible bataille de près d’un mois est une bataille stratégique et tactique. Stratégique car destinée à soulager le Nord du pays contre lequel les troupes de Franco font pression. Tactique car destinée à desserrer l’emprise autour de la capitale (Brunete se situe à une vingtaine de kilomètres de Madrid) tout en gardant la possibilité de s’y replier.
La bataille de Brunete commence le 6 juillet et se termine le 26 du même mois. Ci-joint, une suite de treize photographies sur l’état actuel de l’une des plus terribles zones de combats de la Guerre Civile d’Espagne :
http://www.abc.es/fotos-historia/20130705/imagenes-brunete-campo-batalla-123481.html
Aucun monument ne signale la bataille de Brunete qui vit tomber près de quarante mille hommes, sous une chaleur torride. A ce propos, signalons que les combattants engagés dans cette guerre ont connu non seulement des températures avoisinant les + 50°C mais aussi les — 20°C, à Teruel notamment, au cours de l’hiver 1937-1938. Le champ de bataille de Brunete peut être exploré en compagnie de passionnés comme Ernesto Viñas et Ángel Rodríguez. Ils se plaignent volontiers du piètre état de conservation de ces témoignages de l’histoire, comme ces grottes qui servirent de poste de commandement.
Bataille de Brunete (6 juillet-26 juillet 1937)
Belchite se trouve à une cinquantaine de kilomètres au sud de Zaragoza. Ce village toujours en ruine (laissé ainsi pour le souvenir, comme Ouradour-sur-Glane) est implanté dans l’un des plus beaux paysages d’Espagne. Là, on ne peut que penser au Désert des Tartares. Mais revenons à ces années de guerre civile. Au tout début du mois de septembre 1937, des milliers d’hommes s’apprêtent à mourir dans et autour du village de Belchite. Le 31 août 1937, les Républicains lancent par l’Est une attaque de rupture avec des chars russes. Les hommes des Brigades Internationales réduisent un à un les points de résistance au prix de lourdes pertes ; mais Belchite tient encore. Les troupes nationalistes subissent elles aussi de lourdes pertes. Le village n’est plus qu’un amas de décombres avec des poches de résistance qui subsistent çà et là. Dans la nuit du 3 au 4 septembre, les Américains nettoient les ruines à la grenade et à l’arme blanche. Ils sont équipés de poignards coups de poings. Les combats sont si intenses que Républicains et Nationalistes ne peuvent récupérer leurs morts et leurs blessés. Ils ont perdu en quelques jours environ 40% de leurs effectifs. Quand Ernest Hemingway visite le champ de bataille, l’odeur de la mort est si forte qu’il doit porter un masque à gaz.
Ci-joint, une séquence sur la bataille de Belchite, extraite de « The Greatest Battles of the Spanish Civil War » :
https://www.youtube.com/watch?v=ZlarESiQng0
On présente volontiers Guernica comme le comble de la barbarie avec ces civils tués un jour de marché, le 26 avril 1937, par un bombardement en piqué. Le tableau de Picasso y est probablement pour beaucoup. Mais qui se souvient des raids expérimentaux (italiens cette fois) contre Barcelona les 16, 17 et 18 mars 1938 ? Ces raids furent pourtant si dévastateurs que les réactions internationales se multiplièrent et que Franco dut ordonner leur arrêt. Les treize raids menés au cours des 16, 17 et 18 mars 1938 firent environ trente mille victimes : plus de trois mille morts, cinq mille blessés graves et vingt mille blessés légers, presque tous des civils. Le monde n’était pas encore habitué à ce type de massacre, de dévastation. De fait, un nouveau type de bombe avait été testé. Ces raids étaient destinés aux installations portuaires mais un bon nombre de bombes tombèrent sur des quartiers d’habitation du centre et de la périphérie. Raids expérimentaux, ai-je écrit. De fait, il s’agissait non pas de bombes explosives à déflagration instantanée ou à retardement mais de bombes dites « soufflantes », conçues pour éclater à plusieurs mètres au-dessus du sol. Les immeubles ne furent donc pas frappés à la base mais à hauteur des étages et, ainsi, les ondes de choc se propagèrent-elles dans les rues, provoquant destructions, tuant et blessant à des centaines de mètres à la ronde. Des pâtés d’immeubles s’effondrèrent comme des châteaux de cartes. Ces bombardements sur Barcelona donnèrent un avant-goût de ce que tant de villes allaient subir entre 1939 et 1945. L’expansion des gaz fit bien plus de victimes que les éclats des bombes. L’Espagne servit bien de banc d’essai, notamment pour l’aviation, avec le bombardement en piqué et le mitraillage au sol, une tactique employée au cours des campagnes d’Aragon, du Levant et de Catalogne.
Ci-joint, un documentaire rend compte des effets de ces bombardements, intitulé « La Mutilation de Barcelone, 1938 » :
https://www.youtube.com/watch?v=b5IO6GO0_9k
On ne peut évoquer ces bombardements sans rendre hommage à Ramón Perera Comorera, cet ingénieur chargé de construire des refuges antiaériens en Catalogne et à Barcelona (mille deux cents rien que dans la Ciudad Condal) au cours de la Guerre Civile, des abris d’une très grande qualité qui sauveront des milliers de vie. Ci-joint, une séquence télévisée intitulée « Ramón Perera, l’home que va salvar Barcelona » :
http://euscreen.eu/play.jsp?id=EUS_0DEFFFAF74C046FDB1D03FEAF67501BD
Et retour sur les lieux, à Barcelona, avec ces quelques refuges en bon état de conservation, comme le Refugio 307 :
http://lugaresconhistoria.com/2013/06/06/refugios-antiaereos-de-la-guerra-civil-barcelona/
Ramón Perera Comorera (1907-1984)
Olivier Ypsilantis