L’assassinat des Juifs au cours de la Deuxième Guerre mondiale ne doit pas nous faire oublier que les Juifs ont combattu et en grand nombre, et pas seulement dans le ghetto de Varsovie du 19 avril au 16 mai 1943. Ce relatif oubli pourrait avoir une raison. L’un des préjugés relatifs aux Juifs est qu’ils sont soumis par nature – alors qu’ils ont été soumis de force et selon des procédés développés sur des modes différents dans le monde tant chrétien que musulman avec des variantes selon les époques. Ce préjugé n’a pris fin qu’avec la refondation de l’État d’Israël, en 1948. Quoi qu’il en soit les Juifs ont été d’excellents soldats dans l’Antiquité, avant que les deux monothéismes en question ne les cantonnent dans des activités particulières. En terre chrétienne, et avec la sécularisation des sociétés, les Juifs ont montré qu’ils étaient au moins aussi bons soldats que leurs compatriotes, en France comme en U.R.S.S., aux États-Unis comme chez les Britanniques et j’en passe.
La contribution juive à la victoire alliée au cours de la Deuxième Guerre mondiale est considérable. Prenons par exemple le X Troop et ses X Troopers. Juin 1942. L’avancée allemande semble imparable. Winston Churchill rassemble toutes les forces dont il dispose. Lui et son Chief of Combined Operations décide de mettre sur pied une unité commando de réfugiés juifs. Nombre d’entre eux viennent d’Allemagne et d’Autriche où ils ont fui le nazisme pour se réfugier dans différents pays dont l’Australie et le Canada. Lorsque la guerre est déclarée, ils sont internés comme ressortissants de pays ennemis. Winston Churchill décide de recruter ces hommes a priori particulièrement décidés d’en découdre avec les nazis.
Ces hommes extraits de leurs camps d’internement sont confrontés au M15, à Londres. On ne leur cache pas l’extrême danger de leur mission, mais pas un ne recule ; l’envie d’en découdre avec les nazis et d’en tuer le plus possible est plus forte que tout. Commence l’histoire du No. 10 (Inter-Allied) Commando, 3 Troop, plus connu sous le nom de X Troop. X Troop, un nom donné par Churchill en personne : “Because they will be unknown warriors… they must perforce be considered an unknown quantity. Since the algebraic symbol for the unknown is X, let us call them X Troop.”
Les membres du X Troop vont accomplir des missions parmi les plus audacieuses de la Deuxième Guerre mondiale. Lorsqu’ils sont blessés, ils s’attardent aussi peu que possible à l’hôpital pour rejoindre leur unité. Une fois la guerre terminée, les X Troopers vont avoir un rôle déterminant dans la chasse aux criminels de guerre nazis.
Afin d’opérer derrière les lignes ennemies, les X Troopers doivent gommer toute trace de leur passé, ce qui explique en grande partie l’oubli qu’ils vont connaître après la guerre. Ils doivent bien sûr changer de nom et s’inventer un passé destiné à faire accepter leurs (supposées) origines britanniques. Pas question de garder des documents susceptibles de trahir leurs origines. Pour ceux qui sont tués en opération, ce changement est maintenu, avec leurs dog tags qui portent leurs faux noms et qui spécifient Church of England. Ainsi nombre d’entre eux reposeront sous une croix.
Sur les quatre-vingt-sept X Troopers, plus de la moitié ont été tués, blessés ou ont disparu sans laisser de trace. Et parmi ceux qui sont restés en vie, personne pas parlé ou si peu. Après la guerre, la plupart des survivants ont conservé leurs noms de guerre, beaucoup n’ont pas révélé à leurs descendants leurs origines juives et n’ont rien révélé de leur passé.
Le livre “X Troop: the Secret Jewish Commandos of World War II” de Leah Garrett est un superbe hommage à des hommes qui ont accompli des missions dangereuses entre toutes, des Juifs qui se sont dépouillés de leur identité pour combattre ceux qui voulaient éradiquer leur peuple. Ce livre est un magnifique travail de mémoire sur ces hommes qui ont été les vrais Inglorious Basterds.
Ci-joint, une vidéo où l’auteure, Leah Garrett, expose plus en détail son travail sur les X Troopers (durée, env. une heure) :
https://www.youtube.com/watch?v=6x7AT6HGyrA
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Israël s’est fondé et s’est développé dans un contexte géopolitique régional extraordinairement hostile alors que le pays ne disposait d’aucune protection naturelle et d’une population ridiculement peu nombreuse en regard des immenses masses arabes. Les Juifs de Palestine (le Yichouv) ont dû penser leur défense, soit leur armement, au prix d’une ingéniosité stupéfiante et d’une volonté hors du commun. Cette nécessité est pensée dès les années 1920-1930 par les leaders sionistes les plus déterminés. Cette volonté et cette ingéniosité ont été portées par la foi en un homme juif nouveau, non plus courbé mais dressé de toute sa stature et capable de rendre coup pour coup. Finies les violences et les humiliations imposées par le monde chrétien et musulman. Cette foi est diffusée tant par les milieux sionistes socialistes marxisants que par les nationalistes, avec, en figure de proue, le paysan-soldat du kibboutz, fer de lance de la Haganah durant des décennies. A partir des années 1970, un autre facteur intervient. Outre l’acquisition et la fabrication d’armement dictées par la nécessité pour Israël d’équilibrer sa balance commerciale par l’exportation de produits à très haute valeur ajoutée, la volonté de confirmer son influence géopolitique dans certaines zones de conflit. Israël n’agit pas de la sorte par volonté expansionniste mais pour assurer sa sécurité, sa survie, et quels que soient les gouvernements.
Pour l’acquisition du matériel militaire, on peut distinguer trois périodes : avant 1956, de 1956 à 1967, après 1967.
Dès 1938, la Haganah (soit l’ancêtre de Tsahal) commence par acheter à la Pologne des armes et munitions pour le Yichouv. Puis diverses organisations paramilitaires du sionisme acquièrent durant et après la Deuxième Guerre mondiale une quantité d’armes fort hétéroclites, souvent vétustes et à relativement bas prix venues de divers stocks. C’est de Tchécoslovaquie que proviennent les premières armes officiellement achetées par l’État d’Israël en 1948-49, soit des armes légères en grand nombre ainsi que quelques avions de chasse (acheminés en pièces détachées pour ces derniers) qui sont aussitôt utilisés pour contenir les armées arabes qui au lendemain même de la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël se sont jetées sur lui. A la même époque, la France cède trente-cinq vieux chars et des pièces d’artilleries datant de la fin du XIXème siècle, sans oublier des machines agricoles qui bricolées serviront de « blindés ». Deux Sherman viennent compléter cette panoplie sans oublier quelques dizaines d’armes légères laissées par les Britanniques après leur départ de la Palestine mandataire. Cet armement aide à la victoire israélienne Il n’est pas immédiatement remplacé par un armement plus moderne faute de moyens financiers. Tsahal achète son matériel principalement à la France et au Royaume-Uni. Une partie de ce matériel est revu par les Israéliens, tant et si bien qu’il servira jusqu’au début des années 1980. A partir de 1956, le matériel militaire israélien fait un saut qualitatif et se standardise, notamment en partenariat avec la France et par l’acquisition de nombreux avions, chars, pièces d’artillerie lourde, vedettes rapides, etc., mais aussi par des importations des États-Unis (avions, chars, missiles sol-air, etc.), un matériel qui sera efficacement utilisé au cours de la guerre des Six Jours. Après 1957, notamment du fait de l’embargo français et d’une production nationale modeste, Israël se tourne vers les États-Unis auxquels il achète des avions de combat mais aussi des avions de transport et des hélicoptères, sans oublier des missiles pour la marine. C’est au cours de cette période que l’aviation de chasse devient la clé de voûte de la doctrine militaire israélienne.
Dès 1946, le Yichouv commence à fabriquer clandestinement des armes légères dans la Palestine mandataire (ce sont des armes de faible portée et d’une précision aléatoire) ainsi que des explosifs. Cette production s’avérera néanmoins décisive dans la lutte contre la puissance mandataire puis contre les armées arabes coalisées au cours de la guerre d’Indépendance de 1948-49. Dès la proclamation de l’indépendance du pays, David ben Gourion ordonne la création d’une industrie d’armement, un projet qui prend forme au début des années 1950 et sous l’impulsion de Shimon Peres. Je passe sur la longue liste des armes produites en Israël jusqu’à aujourd’hui pour ne retenir que quelques-unes d’entre elles, emblématiques, à commencer par le fusil d’assaut Uzi, produit à partir de 1952, le chasseur Kfir qui devient le fer de lance de Tsahal, à partir de 1974, les missiles Jéricho (décennie 1970-1980), capables d’emporter des ogives nucléaires et, bien sûr, le Merkava, sorti en 1979, toujours produit avec versions améliorées.
Israël n’est vraiment devenu exportateur d’armes qu’après l’embargo décrété par le général de Gaulle en mai 1967. L’industrie d’armement israélienne doit alors s’adapter et produire davantage d’armes. Alors, autant en adapter certaines à l’exportation afin de compenser les coûts de production. Dans les années 1970, les exportations d’armes israéliennes se multiplient avec les tensions régionales et la volonté de nombreux pays du tiers-monde (enrichis par le coût élevé des matières premières à commencer par le pétrole) d’augmenter leurs capacités militaires. Par ailleurs, à performances égales les armes israéliennes sont souvent moins chères que celles fabriquées aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni. Schématiquement, ces exportations concernent au début des armes légères et de simples conseils techniques ; dans la décennie 1970-1980, ce sont des armes lourdes (chars, avions) ; et depuis la fin des années 1990, des armes et des services de haute technologie. L’optique, l’avionique, l’électronique miniaturisée et l’ingénierie sur les matériels stratégiques constituent le meilleur du savoir-faire israélien en la matière.
Olivier Ypsilantis