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Carnet israélien (avril 2024) – 7/18

11 avril

Travail identique à celui du 9 avril. Dans l’autobus qui nous conduit vers le mochav Bnei Netzarim, un passager déclare haut et fort, en lisant sur son téléphone portable, que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont rappelé leurs ambassadeurs en Israël. Un passager avec lequel j’ai engagé la conversation passe un appel à un ami « bien informé » et se met en mode haut-parleur pour que tous entendent : « Fake new », et après un court silence : « De toute manière on s’en fout, on a l’habitude de se démerder sans l’aide de personne. » Au cours du travail dans l’immense serre, le rugissement lointain de chasseurs-bombardiers et parfois l’explosion d’une bombe, elle aussi lointaine.

Je remplis une fiole du sable sur lequel nous marchons. Je la placerai elle aussi sur une étagère de ma bibliothèque avec d’autres sables et cailloux d’Israël.

Mona Jafarian, une franco-iranienne, déclare : « Le Peuple iranien est avec toi, Israël ». Elle déclare que les Iraniens et les Israéliens sont en train de se battre pour sauver l’Occident.

Sur i24 News, j’apprends que le sinistre Yahya Sinwar a publié un roman autobiographique, « L’Épine et l’Œillet », écrit en prison. Le fait qu’un terroriste de haut rang ait été autorisé à écrire un livre en prison et qu’il puisse le publier suffit à rendre caduques ces affirmations selon lesquelles les prisons israéliennes sont un enfer. Et n’oublions pas – comble de l’ironie pourrait-on dire – que le cerveau du massacre du 7 octobre 2023 a été opéré d’une tumeur par les Israéliens en 2006, alors qu’il purgeait une peine de prison à vie pour l’enlèvement et le meurtre de deux soldats israéliens en 1988. Il sera libéré lors d’un échange de prisonniers palestiniens, en 2011, contre le soldat de Tsahal, Gilad Shalit. Israël aurait localisé depuis des mois et avec précision Yahya Sinwar qui s’est entouré d’un grand nombre d’otages, ce qui empêcherait Tsahal de l’éliminer.

J’apprends également qu’Israël a éliminé d’un coup trois fils du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et quatre de ses petits-enfants. Ce dernier a déclaré que ses fils « sont tombés en martyrs sur la route de la libération de Jérusalem et de la mosquée Al-Aqsa. » On espère que le père va lui aussi tomber en martyr sur cette même route, et le plus tôt possible.

Début d’un message de Zaka Tel-Aviv : « Last night, a disturbing report emerged from the US intelligence sources, revealing a potential Iranian missile or UAV strike against Israel in the coming days. This attack could be carried out directly by Iran or through its regional proxies, targeting key military and governmental sites within our nation. This alarming news arrives as tensions have surged, following Iran’s vow to avenge the loss of a senior IRGC commander, attributed to an alleged Israeli operation. »

Sur i24 News, au 188ème jour, Israël en guerre, « Israël soutenu par le peuple iranien ? ». Lily Moo (Elaaheh Jamali), une activiste iranienne des droits de l’homme est interviewée. Selon elle, une majorité d’Iraniens (les deux-tiers selon elle, beaucoup plus selon moi, soit plus de 80 % de la population) sont pour Israël tandis que le tiers restant est diversement acoquiné avec le régime. C’est ce que je pense depuis longtemps : le peuple iranien est grosso modo pro-israélien tandis que le régime est anti-israélien ; dans le monde arabe, c’est l’inverse : des régimes arabes se montrent pro-israéliens (pour des raisons parfaitement opportunistes) tandis que les peuples arabes sont anti-israéliens à 100 % ou, disons, 99,99 %. C’est pourquoi je persiste à croire que c’est de l’Iran que viendra l’ouverture. L’actuel régime mis à terre ouvrira une ère d’amitié entre Israël et l’Iran, une vraie amitié car partagée par presque tous ; rien à voir avec l’« amitié » des régimes arabes qui ne se rapprochent d’Israël que parce que l’Iran leur fait peur.

Le massacre du 7 octobre 2023 est déjà oublié. Israël est accusé de réponse disproportionnée, une fois encore. Cette formule n’est appliquée qu’à Israël. Qu’Israël esquisse un geste pour se défendre et la formule est braillée par des foules qui pour tout bagage intellectuel trimbalent leurs préjugés. Et ils sont plus d’un à juger que le 7 octobre n’est qu’une conséquence directe d’une politique israélienne jugée colonialiste. Il est vrai que tout un lexique renforce ce parti pris qui en retour le renforce. Israël ne peut être reconnu dans le monde arabe que s’il est fort, très fort. C’est ainsi, le monde n’aime pas la faiblesse, le monde arabe en particulier. Il doit sentir qu’il a en face de lui une force qui capable de s’opposer à lui et de le frapper durement si nécessaire. Le travail dans la bande de Gaza doit être mené jusque dans ses derniers recoins, et sans tenir compte des pertes civiles palestiniennes. Israël s’est montré faible car il n’a su prévenir l’attaque du 7 octobre qui a coûté tant de souffrances à son peuple ; il doit réagir durement, soit traquer le Hamas sans se (trop) laisser paralyser par des considérations humanitaires. Israël doit rétablir sa crédibilité face à un ennemi implacable en le matraquant autant que possible, en l’ensanglantant non par sadisme mais parce qu’un tel ennemi doit savoir qui est le plus fort et qu’il ne le saura que lorsqu’il gira dans son sang.

Israël n’en est pas moins prêt au dialogue mais à un dialogue raisonnable, autrement dit qui ne mette pas en danger son existence. On oublie que la « solution à deux États » a été mise sur la table à cinq fois et qu’elle a été refusée cinq fois par le monde arabe : juillet 1937 (Peel Commission Partition Plan), novembre 1947 (résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies), juillet 2000 (Camp David Accords), janvier 2001 (Taba Summit) et septembre 2008 (Realignment Plan proposé par Ehud Olmert).

Et je poursuis en m’appuyant sur des données exposées par Georges Bensoussan. En 1947-1949, la Jordanie soutenue par le Royaume-Uni fait avorter la naissance de l’État arabe de Palestine (pourtant prévu par les Nations Unies) et annexe la Cisjordanie. Entre 1949 et 1967 (guerre des Six Jours), tant en Cisjordanie (annexée par la Jordanie) que dans la bande de Gaza (administrée par l’Égypte), alors que pas un soldat de Tsahal n’y est présent, rien n’est entrepris pour créer un État palestinien. A la fin de la première guerre israélo-arabe, les trois-quarts des réfugiés palestiniens restent dans les frontières de la Palestine mandataire (1923-1948) mais sont placés dans des camps alors qu’ils sont chez eux. Georges Bensoussan : « En 1949, seule la Jordanie accorde citoyenneté et permis de travail aux dits réfugiés. Ni le Liban, ni la Syrie, ni l’Égypte n’y consentent. Entretenir les réfugiés dans leur statut de réfugié depuis quatre-vingts ans, c’est entretenir un abcès de fixation parce qu’accepter un État palestinien reviendrait de facto à reconnaître l’État d’Israël. De là que la partie arabe répond non à toutes les propositions depuis l’an 2000. »

J’en reviens à la proposition de Vladimir Z. Jabotinsky, à savoir que les Juifs doivent divorcer des Arabes, hormis de ceux qui acceptent de vivre en tant que minorité dans un monde juif – n’oublions pas qu’environ 20 % de la population israélienne (soit environ deux millions de personnes) est arabe, majoritairement musulmane avec une minorité chrétienne. Les premières victimes du massacre du 7 octobre ont été ces gogos israéliens de gauche qui chantaient le vivre-ensemble.

Dès sa naissance, l’islam s’en prend au judaïsme, et violemment. Souvenez-vous du massacre des tribus juives de Médine. Le Juif est depuis le début simplement toléré, un inférieur par rapport au musulman qui commence par être arabe. Ce cadre mental est toujours aussi solide, c’est pourquoi la création de l’État d’Israël n’est pas acceptable pour les musulmans en général et les Arabes en particulier. C’est pourquoi ce conflit n’en finit pas et ne cesse de s’entortiller sur lui-même. Que des Juifs soient souverains dans un espace considéré comme musulman par les musulmans perturbe profondément toute une psyché. Le rejet du sionisme a commencé avant la création de l’État d’Israël, au milieu des années 1920 où il se fait islamique sous l’impulsion du grand mufti de Jérusalem. Cet homme comprend qu’il n’y a pas alors de nation palestinienne et que la notion de nation (au sens occidental du mot) ne peut agréger les « Palestiniens », des individus frustres ; seul l’islam peut les agréger. Ainsi s’explique l’islamisation du combat antisioniste en Palestine. Georges Bensoussan : « En portant le conflit sur le terrain religieux, en martelant que les Juifs sont revenus en terre d’Israël pour y construire le troisième Temple sur l’emplacement de l’esplanade des Mosquées, le grand mufti joue un rôle capital dans la tragédie actuelle. » La propagande occidentale va infester le monde musulman, à commencer par les « Protocoles des Sages de Sion », un faux qui a connu un immense succès dans le monde musulman, un livre toujours très lu. Je l’ai souvent écrit, la propagande antisémite et antisioniste occidentale (avec théories parfois très élaborées) a pénétré le monde musulman. Ces théories occidentales et le politico-religieux musulman s’activent mutuellement et furieusement. L’article 15 de la charte du Hamas (révisée en 2017) s’inspire directement de l’esprit de ce faux (les « Protocoles des Sages de Sion ») concocté chez nous.

Les pogroms ne datent pas de la création de l’État d’Israël, en 1948. En 1834 et 1838, des Juifs orthodoxes sont massacrés à Safed. Massacres en réaction contre l’immigration juive à Jérusalem (1920), Jaffa – Tel-Aviv et Jérusalem (1921), Hébron et Safed (1929). On ne s’en prend pas aux sionistes mais aux Juifs. Le Hamas utilise de préférence le mot « Juif » à celui d’« Israélien », ce qui n’est pas anodin, le Hamas veut replacer le Juif dans son statut de dhimmi car il est coupable en tant qu’Israélien de s’en être écarté. Et l’antisionisme activé par l’islamisation et des idéologies totalitaires « progressistes » explique tous les malheurs du monde par l’existence même d’Israël, autrement dit la disparition d’Israël amènerait la paix entre les peuples et l’harmonie dans le monde. Je ne force pas la note, cette croyance est plus répandue qu’on ne le pense, et pas seulement chez quelques exaltés ; elle s’est emparée d’esprits par ailleurs plutôt tranquilles. Cette croyance s’est par exemple emparée d’esprits plus ou moins socialisants, plus ou moins de gauche. Le sociologue de gauche Bernard Granotier est l’auteur d’un essai : « Israël. Cause de la Troisième Guerre mondiale ? », une interrogation à laquelle ils sont nombreux à répondre par : « Oui, Israël sera cause de la Troisième Guerre mondiale. »

Olivier Ypsilantis

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