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Carnet israélien (avril 2024) – 5/18

7 avril  

Pessah approche. Un ami israélien m’évoque les « fanatiques de pessah ». « Certains cassent même leur vaisselle pour la remplacer et se débarrassent de toutes sortes de choses pour du neuf. » Il me précise que chasser la poussière jusqu’au dernier grain, c’est bien mais qu’il n’en est pas tant demandé et que les saletés ne doivent pas excéder la taille d’un noyau d’olive. Il me parle des roquettes du Hamas : puissance de pénétration faible mais attention aux éclats, très nombreux et qui portent loin. « Les Israéliens sont très politiques » ajoute-t-il. Il me cite l’exemple de ces deux hommes qui chaque matin en se rendant au travail se retrouvaient dans le même autobus et s’y disputaient violemment et invariablement sur des questions politiques puis se quittaient en s’adressant de grands gestes d’amitié.

Israël, une sorte de fluidité dans une sorte de désorganisation. On se cogne un peu partout mais on arrive là où on s’est proposé d’arriver, comme guidé par une force collective.

 

8 avril

Traversée d’Ashdod en autobus, le 150 dans lequel nous sommes montés à 7 h à la gare centrale. Des constructions de plus en plus pauvres à mesure que nous nous éloignons du centre-ville. Puis un autobus de volontaires venu de Netanya nous conduit jusqu’au mochav de Shuva, un mochav religieux à moins d’une dizaine de kilomètres de la bande de Gaza et proche de Netivot. Le responsable nous conseille en cas d’alerte de nous plaquer au sol, sur le ventre, les mains sur la tête. Cueillette d’oranges avec une cinquantaine de volontaires, des séfarades francophones. Avec les séfarades, je me sens immanquablement spectateur d’une pièce de théâtre ; et il arrive que j’y participe, tenant un rôle sinon discret du moins ponctuel. Tout en cueillant des oranges j’entends un volontaire qui lance à deux autres volontaires en pleine conversation : « Arrêtez de parler, on n’est pas à la synagogue ! » Peu après quelques gouttes de pluie tombent et une volontaire s’exclame : « J’ai reçu une goutte de pluie, Hachem m’a bénie ». On nous remercie, on nous félicite. Une femme me dit : « Quand on nous a attaqués, tout le monde était avec nous et les messages de solidarité se sont multipliés. A présent que nous nous défendons, plus personne, tout le monde nous tourne le dos. On ne nous aime que morts. » Une autre femme me confirme que parmi les assaillants du 7 octobre se trouvaient de nombreux ouvriers agricoles originaires de la bande de Gaza et employés depuis des années par des Juifs des zones attaquées.

Lorsque je suis venu en Israël pour la dernière fois, le mot qui revenait le plus : balagan ; aujourd’hui c’est : mamad. Le mamad est une pièce blindée située à l’intérieur d’une habitation (maison ou appartement). J’apprends que conformément à la loi, le mamad doit avoir des parois d’au moins vingt-cinq centimètres d’épaisseur, il ne pourrait résister à un coup de plein fouet. Le mamad est conçu pour protéger contre les éclats d’obus. Il est constitué de six cloisons en béton armé, soit quatre murs, le plancher et le plafond, sans oublier la porte blindée. Le mamad peut être une cage d’escalier. Le Merkhav Mugan (protected space) ou « miklat » est un abri public conçu pour protéger des éclats de missiles même proches. Il offre par ailleurs une protection contre les armes chimiques et biologiques. Certains sont assez vastes pour accueillir les habitants de tout un quartier. Ils sont particulièrement utiles pour les personnes qui vivent dans des constructions anciennes qui n’ont pas de mamad.

Le soir, à vingt heures précises, notre immeuble est survolé par des chasseurs-bombardiers qui se dirigent vers la bande de Gaza. Un ami nous conseille de faire des provisions alimentaires car le Hezbollah (dont les projectiles sont beaucoup plus précis que ceux du Hamas) pourrait bombarder les centrales électriques en représailles aux frappes d’Israël qui ont éliminé un certain nombre de ses responsables.

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Tama 38 (NOP 38 architecture)NOP (National Outline Plan) 38 – est un plan à l’échelle nationale destiné à renforcer les bâtiments en place contre les tremblements de terre. Ce plan est destiné aux bâtiments qui n’ont pas été construits suivant le SI 413, la norme israélienne antisismique. Le Tama 38 a été approuvé par le Gouvernement israélien en avril 2005. Pour mettre ce plan en pratique, un plan terriblement coûteux pour les propriétaires, le gouvernement a autorisé la construction d’appartements supplémentaires que les propriétaires peuvent vendre à des promoteurs. Par ailleurs, ce faisant, les propriétaires reçoivent d’importants avantages afin de mieux soutenir ce plan.  NOP 38, soit deux types de programme : le Tama 38/1 et le Tama 38/2. Le Tama 38/1 : renforcer la structure, améliorer la façade, ajouter un abri, un ascenseur, une terrasse (la liste des améliorations est longue), selon les conditions contractuelles établies entre les propriétaires et les promoteurs et en adéquation avec les autorisations délivrées par les mairies. Le Tama 38/2 : démolition de la structure existante et construction d’une nouvelle structure. Sa réglementation consiste à raser l’immeuble, reloger les copropriétaires durant le chantier (aux frais du promoteur) et enfin leur proposer un appartement plus spacieux dans le nouvel immeuble.

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La solution à deux États, ce serpent de mer, ce but ultime dans la tête de très nombreux rêveurs qui espèrent ainsi établir définitivement la paix au Moyen-Orient, entre Palestiniens et Israéliens. Ces rêveurs oublient (ou ne savent pas) que l’islam radical ne saurait tolérer l’existence d’une entité non musulmane sur une terre qui a été musulmane. La plupart des Palestiniens se sont montrés sans ambiguïté à ce sujet : il n’y a pas de place dans cette région pour un État israélien. Et les Palestiniens bénéficient de très nombreux et puissants soutiens y compris chez nous, en Europe, où être pour les Palestiniens contre Israël c’est avoir une attitude morale et se placer d’emblée dans le camp du Bien.

Les Palestiniens ne sont pas nombreux à être épris de paix et, comme je l’ai écrit à plusieurs reprises, les Palestiniens ne forment pas un « peuple ». Comme le signalait le dirigeant de l’OLP Zaheir Muhsein dans une interview accordée en 1977 au journal néerlandais Trouw le 31 mars 1977 (et nous honorons sa franchise) : « Le peuple palestinien n’existe pas. La création d’un État palestinien n’est qu’un moyen de poursuivre notre lutte contre l’État d’Israël pour notre unité arabe. En réalité, aujourd’hui, il n’y a pas de différence entre les Jordaniens, les Palestiniens, les Syriens et les Libanais. Ce n’est que pour des raisons politiques et tactiques que nous parlons aujourd’hui de l’existence d’un peuple palestinien, puisque les intérêts nationaux arabes exigent que nous postulions l’existence d’un “peuple palestinien” distinct pour s’opposer au sionisme. Pour des raisons tactiques, la Jordanie, qui est un État souverain avec des frontières définies, ne peut pas revendiquer Haiffa et Jaffa, alors qu’en tant que Palestinien, je peux sans doute exiger Haïfa, Jaffa, Beer-Sheva et Jérusalem. Cependant, dès que nous récupèrerons notre droit à toute la Palestine, nous n’attendrons pas une minute pour unir la Palestine et la Jordanie. »

Les Palestiniens sont des Arabes et leur but ultime est la destruction d’Israël. Le poids de l’ochlocratie généralement si considérable dans le monde arabo-musulman est encore plus considérable lorsqu’il est question d’Israël. Les Palestiniens seraient considérés comme des traîtres s’ils tentaient de se rapprocher d’Israël ; ils payeraient le prix qu’a payé le président égyptien Anouar el-Sadate qui, en 1978, a signé un accord de paix avec Israël.

Lisez et relisez la Charte de l’OLP. Il a été plus ou moins question de l’amender mais la « nouvelle » charte n’est pas encore née. Je rappelle que celle de juillet 1968 inscrit la libération de toute la Palestine.  On y lit notamment (dans l’article 2) que « La Palestine, avec les frontières qu’elle avait pendant le Mandat britannique, est une unité territoriale indivisible. »

Depuis les accords d’Oslo de 1993, le terrorisme en Israël n’a pas cessé et il est diversement défendu par les autorités palestiniennes – pour ne citer qu’elles –, y compris par Mahmoud Abbas présenté comme une personne fréquentable depuis les atrocités du 7 octobre. Le Hamas s’en est certes pris à l’Autorité palestinienne mais cette dernière a grandement aidé le Hamas, le Hamas qui l’absorbe en effectuant des purges en son sein. Les États-Unis se tournent vers Charybbe après avoir repoussé Scylla et ils repousseront Scylla pour se tourner vers Charybde s’ils sont déçus. On n’en sortira pas ainsi. Joe Biden et son équipe ont dans l’idée de contraindre l’Autorité palestinienne, le Fatah et l’OLP à céder la place à des « technocrates » palestiniens. Encore un faux-fuyant. Ces « technocrates » ne sont pas neutres, contrairement à ce que laisse supposer cette désignation. Ils sont eux aussi des propagateurs de la haine antijuive et anti-israélienne. Et ce sont eux qui gèrent les sommes considérables versées à ce « peuple », un peuple assisté de père en fils et de mère en fille, des sommes que ces fonctionnaires détournent en partie à leur profit. Les « technocrates » de toutes les organisations palestiniennes sont riches et ceux qui se trouvent au sommet de cette administration sont immensément riches. Les généreuses donations (notamment celles de l’UNRWA) servent aussi à financer le terrorisme, l’achat d’arme, la formation de combattants, le creusement de tunnels, etc., sans oublier, point central, l’embrigadement des enfants et dès le plus jeune âge. Donner de l’argent à un tel « peuple », revient à se tirer une balle dans le pied, à payer des verges pour se faire battre. L’islamisme ne se laisse pas acheter avec de l’argent, il l’utilise pour frapper celui qui pense ainsi l’acheter. Les Palestiniens ne changeront que si le monde cesse de pleurnicher sur leur sort, que s’ils retroussent leurs manches et refusent l’assistanat. Mais chez nous, les diversement de-gauche les bichonnent, ils sont leur fétiche, remplaçant ainsi le prolétaire et le colonisé dont les silhouettes se sont estompées. Le Palestinien est devenu depuis plusieurs décennies le parangon de l’Opprimé, le Christ en croix pour certains – je ne force en rien la note et pourrais à ce sujet remplir des pages de références à ce sujet. Ces idées surannées de gauche sont volontiers saupoudrées voire farcies d’antijudaïsme et d’antisémitisme. Cette cuisine pourtant ragoûtante semble pourtant satisfaire une très grande majorité d’individus parmi lesquels de fins gourmets.

« Gouvernement technocratique », la grande affaire. Nous ne sommes pas en Espagne, dans le franquisme finissant, avec la montée en puissance des technocrates de l’Opus Dei, des technocrates qui faciliteront La Transición. Dans le cas qui nous occupe, un tel gouvernement ne serait qu’une façade pour le terrorisme, le terrorisme qui avec des individus propres sur eux et diversement diplômés s’afféreront à soutirer très aimablement de l’aide à l’international. Les États-Unis de Joe Biden et l’Union Européenne agitent ce mantra d’un « gouvernement technocratique », rassurant à leurs yeux, avec le Qatar, l’ultra-moderne Qatar à la manœuvre. Notre champ de vision est limité (évacuée la dimension politico-religieuse, en Europe plus encore qu’aux États-Unis) et notre regard est aveuglé par des mots tels que « technocratie », un mot jugé parfaitement neutre alors qu’il devrait éveiller notre méfiance – le nazisme et le bolchevisme ont été des technocraties au service d’idéologies, des idéologies qui peuvent être qualifiées de politico-religieuses.

L’Autorité palestinienne et les autres organisations palestiniennes marchent main dans la main, ce que les diplomates occidentaux semblent ne pas vouloir voir. Et en supposant que l’Autorité palestinienne ait dans l’idée de se séparer d’elles, elle ne le pourra pas : elle a un pistolet pointé dans son dos. L’Autorité palestinienne est un paravent derrière lequel ces organisations manœuvreront pour la destruction d’Israël. Elle servira de miroirs aux alouettes, et le financement n’en finira pas de pleuvoir. L’Autorité palestinienne n’est que le commis-voyageur du terrorisme palestinien ; elle sait que des comptes lui seront demandés et qu’elle devra les honorer sous peine de mort. L’UNRWA est une agence devenue officine du terrorisme qu’elle finance sous couvert d’aide humanitaire.

Les Israéliens – tout au moins les plus lucides – savent par ailleurs que pour les juristes musulmans, les traités ne doivent avoir qu’une durée temporaire car dans la théorie juridique musulmane, les relations normales entre les territoires musulmans et non musulmans sont la guerre et non la paix. La trêve ne sert qu’à permettre de reprendre des forces pour mieux poursuivre la guerre. Yasser Arafat l’a rappelé, en faisant référence au prophète Mahomet, avec le traité de paix de Hudaybiya (628). Accepter les accords signés et se taire pour mieux endormir l’ennemi avant de repartir en guerre. Les Européens pensent que la reconnaissance d’un État palestinien apportera la paix parce que cette reconnaissance ne nous engage à rien, tandis qu’elle engage les Israéliens qui ont toutes les raisons de s’en méfier, surtout depuis le retrait de la bande de Gaza en 2005. Cette reconnaissance a de fortes chances d’augmenter le danger pour Israël – mais au fond, n’est-ce pas ce que veulent nombre de celles et ceux qui militent pour cette reconnaissance, pour la paix ? Car dans bien des têtes, l’existence même d’Israël est un obstacle à la paix en général, à la paix mondiale. On oublie qu’à peu de distance une guerre civile qui s’est internationalisée depuis mars 2015, suite à l’intervention d’une coalition conduite par l’Arabie saoudite (intervention qui a pour but l’élimination des Houthis soutenus par l’Iran), a fait des centaines de milliers de morts et de blessés, avec des déplacements considérables de populations. On n’en parle à peine ; les Palestiniens restent les chouchous de nos humanitaristes, des militants du Bien.

Les Israéliens ont toutes les raisons de supposer que la reconnaissance d’un État palestinien même démilitarisé puisse servir de base avancée à des États désireux de pousser leurs pions au Moyen-Orient, une région toujours stratégique. Et comment ne pas craindre que cet État palestinien ne cesse de demander d’incessantes rectifications de frontières ? Comment ne pas craindre que cet État ne se mettre à accueillir des Palestiniens et autres Arabes au nom du droit au retour, une masse constamment augmentée et prête à se joindre à la lutte contre Israël, une lutte qui ne vise qu’à l’éradication de ce pays ? Chez les Palestiniens on peut être réfugiés de pères en fils, de mères en filles, c’est une particularité qui n’est pas assez soulignée. Et pourquoi s’en priveraient-ils ? Cette revendication est encouragée par nombre d’organismes internationaux, de gouvernements et j’en passe. Et dans cette vaste manœuvre, l’aide humanitaire est non seulement en partie détournée par les technocrates politico-militaires du Hamas et autres organisations (qui s’enrichissent et augmentent les capacités de leur appareil militaire en revendant cette aide à prix d’or), elle permet aussi de faire passer tout ce qui est nécessaire à la lutte armée. L’Occident flatte le Qatar, notre client dont nous sommes les clients, toujours plus impliqué dans l’imbroglio palestinien. Avec un tel partenaire, le ciel ne risque pas de se dégager.

Olivier Ypsilantis

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