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Carnet israélien (avril 2024) – 4/18

Arrivée à Ben Gourion International Airport en fin d’après-midi, juste avant le shabbat. Les Israéliens toujours très interactifs. Le téléphone portable est aussi pour eux un outil de défense et de protection, en cas d’alerte par exemple.

En taxi de l’aéroport à Ashdod. Paysage encombré. Nombreux immeubles parfois très hauts et des lignes électriques en tous sens, certaines imposantes. La conductrice, la trentaine, très enjouée. Elle m’évoque Ashdod, une ville qu’elle aime mais trouve trop tranquille ; Ashdod, « ma petite campagne tranquille » dit-elle, une présentation décalée, charmante à sa manière. Cette ville n’est pas immense, mais de hauts immeubles s’y élèvent, vingt, trente étages et plus, une architecture peu avenante mais je suis en Israël et je me sens donc bien, un peu chez moi sans vraiment comprendre pourquoi.

Nous habiterons jusqu’au 25 avril au huitième étage d’un immeuble qui compte plus de vingt étages. L’appartement est relativement spacieux, lumineux, sans apprêt (nous sommes en Israël). Des fenêtres du salon et de notre chambre, d’autres immeubles, des masses considérables. Au loin, le port et ses installations. Ashdod, l’une des cinq villes fondées par les Philistins. 1956, naissance de la ville moderne. C’est la cinquième ville d’Israël et le deuxième port du pays. La ville a considérablement grossi depuis de début des années 1990 avec les apports de la diaspora. Dans l’appartement, une chambre forte, le mamad où se réfugier en cas d’alerte. Nous dînons en nous efforçant de respecter quelques règles du shabbat.

 

6 avril

Shabbat. Circulation parcimonieuse, mais circulation tout de même. Ciel légèrement voilé. Marche sur HaPrachim Beach. Visite de la forteresse Ashdod-Yam (ou Qal’at el-Mina) construite par le calife Abd al-Malik (685-705 ap. J.-C.) à la fin du VIIe siècle sur des ruines byzantines. Il s’agit d’un élément d’un système de défense destiné à empêcher une attaque de Byzance par la mer, un système de défense constitué de forteresses implantées le long du rivage et à la vue les unes des autres afin de pouvoir communiquer par des feux la nuit et des signaux de fumée le jour. En 1033, cette forteresse est détruite par un tremblement de terre, abandonnée, reconstruite, réoccupée au cours des Croisades (XIIe et XIIIe siècles) où elle devient Castellum Beroart. Elle est abandonnée après le départ des Croisés en 1290.

Les immeubles ont été érigés en retrait du rivage, ce qui atténue l’aspect déprimant de ces masses qui par leurs formes et leur tonalité m’évoquent le poste de direction de tir, élément du mur de l’Atlantique (en retrait de la plage de Riva-Bella, Ouistreham, Calvados). Le sable a une finesse de farine ; j’en remplis une fiole que je rapporterai au Portugal et que je placerai sur une étagère de ma bibliothèque, à côté d’autres sables et cailloux d’Israël. La belle sonorité de l’hébreu, sonorité antique et âpre. On parle beaucoup le russe et le français à Ashdod.

Marche dans le centre d’Ashdod, à la nuit tombée, après la fin du shabbat. Des commerces ouvrent. Quelques courses d’alimentation. L’amabilité des commerçants. On nous interroge discrètement car les touristes sont rares. Nous précisons que nous ne sommes pas vraiment des touristes et que nous sommes volontaires pour des travaux agricoles. On nous félicite. On nous demande si nous aimons Israël. Nos réponses enthousiastes suscitent de discrets sourires. Les immeubles d’Ashdod me donnent le vertige. Ils me semblent d’autant plus colossaux que j’ai perdu l’habitude de telles constructions après tant d’années passées dans des petites villes d’Espagne et à Lisbonne.

Extrait d’un article du Monde du 6 avril, « Israël-Gaza, le triomphe de la haine ». J’y relève les partis-pris de ce journal qui se veut au dessus de la mêlée et qui ne fait que cultiver l’hypocrisie :

« Six mois se sont écoulés depuis les massacres de civils israéliens perpétrés par le Hamas, le 7 octobre 2023, et le sang n’en finit pas d’être versé à Gaza. Israël y conduit la plus longue guerre de son histoire, la plus meurtrière et la plus dévastatrice aussi, au point d’ouvrir une nouvelle étape, effroyable, dans un conflit prisonnier depuis longtemps de ses drames.

Les mois écoulés ont en effet confirmé les pires craintes. L’armée de l’État hébreu a répondu à la terreur répandue par le Hamas par de nouveaux paradigmes. La disproportion est devenue la norme, réduisant à néant la distinction entre les miliciens et les civils. Elle a pour allégorie une intelligence artificielle, selon un site d’investigation israélien, chargée de sélectionner des milliers de cibles humaines sur la foi de services de renseignement qui n’avaient rien vu des préparatifs du 7 octobre, ni du gigantesque réseau de tunnels creusé par le Hamas. Pour quel résultat ? Quatre mois après avoir investi le plus grand hôpital de Gaza pour y traquer des combattants du Hamas, l’armée israélienne a jugé nécessaire d’y lancer un nouvel assaut meurtrier et particulièrement destructeur à la fin du mois de mars. Jusqu’au prochain.

Sous l’impulsion du premier ministre, Benyamin Netanyahu, dont la survie politique est indexée sur la destruction de Gaza, faute d’avoir été capable de parvenir à la libération des Israéliens capturés le 7 octobre pas plus qu’à l’éradication du Hamas, Israël réoccupe l’étroite bande de terre après l’avoir asphyxiée pendant seize ans. Le maximalisme du gouvernement le plus extrémiste de l’histoire du pays ne fabrique pas seulement de toutes pièces une crise humanitaire d’une ampleur inédite. Il annonce l’empêchement d’une reconstruction de Gaza si d’aventure les armes finissaient par se taire. »

Selon une rhétorique bien réglée, on commence par évoquer le massacre du 7 octobre 2023 en s’empressant d’ajouter que « le sang n’en finit pas d’être versé à Gaza ». Israël a répondu à la violence par la violence, ce que Le Monde juge admissible mais dans certaines limites car on en vient à cette accusation si fébrilement maniée : « La disproportion est devenue la norme », réaction disproportionnée côté israélien s’entend. On ne sait pas où commence la disproportion selon l’auteur de cet article et selon ceux qui font usage de cette accusation ; et on en rajoute une couche puisque la disproportion « a pour allégorie une intelligence artificielle ». Au passage, on décoche un trait en direction des services de renseignement au sujet desquels on peut, il est vrai, s’interroger, tout au moins depuis le 7 octobre. Et, il fallait s’y attendre, on s’en prend à l’actuel chef du Gouvernement accusé d’être responsable de tous les maux, plus coupable que le Hamas lui-même, un chef de Gouvernement dont la seule préoccupation serait de se maintenir au pouvoir en augmentant le chaos. Et toujours selon cet article, le Hamas est l’air de rien (le côté sainte nitouche de ce périodique) excusé puisque « Israël réoccupe l’étroite bande de terre après l’avoir asphyxiée pendant seize ans ». Le Monde est bien L’Immonde.

Olivier Ypsilantis

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