Bernard Chouraqui est inhumé aujourd’hui, au cimetière du Montparnasse.
28 avril
Au dernier courrier, un appel aux volontaires pour la cueillette des fraises. Nous les avons soignées et ainsi nous avons sauvé le mochav de la faillite – c’est tout au moins ce qui m’a été rapporté. Cette cueillette représentera donc une victoire, modeste, mais une victoire à laquelle nous aurons eu notre part, modeste. Il y a un moment où le seul moyen de ne pas sombrer dans le ressassement et une tristesse envahissante est de se lever et de participer à une œuvre ou un travail collectif. J’ai choisi d’aider Israël afin de circonscrire une certaine tristesse et mettre fin au ressassement. Ainsi que je l’ai dit aux Israéliens avec lesquels j’ai travaillé et qui me remerciaient, je me suis d’abord aidé en venant les aider. Je ne supporte plus l’odeur du troupeau, l’hostilité a priori contre Israël, la paresse intellectuelle qui consiste à ingurgiter et dégurgiter ce que servent les médias de masse, le manque de courage (la soumission à la voix du plus grand nombre), la paresse qui consiste à s’allonger sur un matelas pneumatique et à se laisser porter et emporter par le mainstream. Une amie israélienne m’a averti : « Vous empruntez un chemin difficile ». Elle n’a fait que confirmer ce que j’expérimente depuis des années. Mais une fois encore, j’ai toujours préféré avoir quelques amis que plein de potes. Et chemin faisant sur ce chemin difficile, je m’offre bien des joies par l’étude et les rencontres, avec un air sans cesse renouvelé, l’air des hauteurs. Je ne renoncerai en aucun cas à ces richesses pour me retrouver serré dans je ne sais quel transport en m’efforçant d’éviter l’haleine de mes voisins. Je passerai pour un arrogant mais ce qui doit être dit doit être dit. Et une fois encore, en aidant Israël, je m’aide – Israël m’aide.
Dans le vol du retour entre Israël et l’Espagne, à bord du Boeing 787-9 Dreamliner, j’ai observé un groupe de cinq hommes, jeunes, les cheveux rasés qui ne cessaient de parler et de rire, un groupe très uni. Ils parlaient en arabe. J’ai vite compris qu’ils étaient des Druzes de Tsahal. Je me suis senti d’un coup heureux. Il y a des défenseurs non-juifs d’Israël, peu nombreux mais convaincus, discrets mais dont les actions ne sont pas dénuées d’efficacité.
Sur Tribune Juive (TJ), un article signé Jacques Tarnero intitulé « Les enfants de Simplet et Cruella » au sujet des manifestations pro-palestiniennes à Sciences-Po. Cet article commence ainsi : « On croirait voir aujourd’hui défiler les enfants de Simplet et de Cruella tant leur niveau culturel ne semble pas avoir atteint les exigences de l’entrée en 6e. Manipulant des mots et des concepts dont ils ignorent manifestement le sens, l’histoire et la portée symbolique, les voilà accuser de “génocide” ceux qui justement ont été le 7 octobre victimes d’une attaque génocidaire. Le concept de “génocide” a une histoire. La connaissent-ils ? Honorer le mensonge, falsifier l’Histoire, insulter la mémoire semble caractériser la propagande qui fait du Hamas la victime et d’Israël l’agresseur. »
29 avril
Un article d’Yves Mamou dont j’apprécie depuis longtemps les analyses et le tempérament. Titre de cet article : « Ni l’Orient ni l’Occident n’ont envie que le Hamas disparaisse. La guerre de Rafah aura-t-elle lieu ? » Yves Mamou s’interroge sur l’attitude de Joe Biden. Il fournit des armes et des munitions aux Israéliens mais dorlote la population de la bande de Gaza. Anthony Blinken a même affirmé que le premier devoir de Tsahal était de protéger la population palestinienne. Question d’Yves Mamou : pourquoi les États-Unis, si soucieux d’humanitaire (lorsqu’il est question des Palestiniens), n’ont-ils pas fait pression sur l’Égypte (qui subsiste essentiellement grâce à l’aide américaine) pour qu’elle accueille au moins temporairement des Gazaouis, le temps que Tsahal traite le Hamas. Et les États-Unis n’auraient-ils pas pu faire pression sur le Qatar, l’un des financiers du Hamas et pays hôte de la direction politique de cette organisation ? Bref, Israël doit se débrouiller seul dans cet imbroglio en tenant compte de ses otages qui servent de bouclier humain. Israël est donc invité à plus se préoccuper des Gazaouis que des otages et de l’élimination du Hamas. Il est vrai que Joe Biden subit diverses pressions dont celle d’universités de son pays. Ces contraintes que doit accepter Tsahal lui permettent de développer des techniques de combat visant à limiter les dommages collatéraux tout en épargnant ses soldats et en faisant preuve de la plus grande efficacité en regard des buts qu’Israël s’est assignés. Une fois encore, Israël développe à cet effet des techniques et des technologies qui seront reprises par bien des armées.
A mesure qu’avance Tsahal, on ergote toujours plus au sujet de Rafah où devraient être anéantis les derniers bataillons du Hamas. Suite à l’attaque iranienne du 13 avril, les États-Unis s’étaient montrés plus conciliants envers Israël ; mais à présent ils semblent être revenus sur leur décision. Le Hamas est conscient de tous les bénéfices qu’il peut retirer de ces hésitations américaines, d’autant plus que Rafah est le dernier bastion militaire de cette organisation dans la bande de Gaza. Aussi multiplie-t-il les propositions d’accord quant à la libération des otages qu’il détient et diffuse-t-il comme par hasard des vidéos d’otages rendues publiques le 24 et 26 avril afin de mieux diviser la société israélienne et entraîner le gouvernement de Benyamin Netanyahu dans de tortueuses négociations qui auront pour effet de retarder (voire d’ajourner) l’attaque contre Rafah. Comme l’écrit Yves Mamou : « L’offensive pour sauver la peau du Hamas s’est internationalisée : l’extrême-gauche américaine alliée aux islamistes américains sème le trouble sur l’ensemble des campus des plus grandes universités américaines. » Selon Yves Mamou, les raisons d’une telle attitude de la part tant des États-Unis que des Européens sont de trois ordres : 1. Préserver la fiction selon laquelle la paix au Proche-Orient ne peut que passer par la création d’un État palestinien, le Hamas faisant partie de la solution. 2. Donner des gages aux électeurs musulmans aux États-Unis et en Europe. 3. La crainte d’un embrasement du Moyen-Orient qui obligerait les États-Unis et l’Europe à s’engager aux côtés d’Israël.
Un article de Pierre Lurçat, une « Lettre ouverte à Alain Finkielkraut qui prétend que “Le problème d’Israël c’est Netanyahou et non le Hamas” », une lettre qui commence par « Cher Alain Finkielkraut » mais qui s’avère être une attaque méthodique avec coups latéraux bien placés. Cette lettre ouverte m’a retenu car depuis quelque temps le radotage d’Alain Finkielkraut au sujet de Benyamin Netanyahu et son gouvernement non seulement me lasse et me semble injuste mais me laisse penser que cet homme qui a formulé de magnifiques analyses sur nombre de sujets pourrait être un peu gaga. Non que Benyamin Netanyahu et son gouvernement soient irréprochables – qui est irréprochable ? – mais les appréciations d’Alain Finkielkraut à leur sujet me semblent peu pertinentes car relevant plus d’un parti pris que d’une analyse sérieuse. Les reproches que Pierre Lurçat adresse à Alain Finkielkraut sont lancés sous divers angles et à divers niveaux, comme au krav maga. Pierre Lurçat lance notamment qu’à force d’inviter – de fréquenter – des individus aussi peu recommandables (voir l’émission « Répliques ») que Jean-Pierre Filiu (qui dans son blog hébergé par le quotidien Le Monde exprime hebdomadairement sa haine d’Israël) ou Alain Gresh (qui fut journaliste au Monde diplomatique et ami personnel de Tariq Ramadan), Alain Finkielkraut finit par penser (presque) comme eux.
Alain Finkielkraut (ainsi que le rapporte Pierre Lurçat) a dit : « Netanyahou est le problème parce qu’il bloque toutes les issues, ferme toutes les portes, sabote consciencieusement toutes les solutions. Alors même que Tsahal plaide pour le retour de l’autorité palestinienne à Gaza, le premier ministre israélien s’y refuse obstinément. Pourquoi ? Parce qu’il perdrait aussitôt le soutien des extrémistes de son gouvernement. » Sans me présenter comme un grand connaisseur de la politique intérieure israélienne, mais lisant des articles écrits par des personnes de toutes tendances et dans plusieurs langues et ayant travaillé dans les kibboutz puis avec Tsahal dans le cadre du Sar-El et, enfin, ayant fait un récent voyage en Israël en tant que volontaire afin d’aider au manque de main-d’œuvre agricole suite à la guerre dans la bande de Gaza, et n’étant en rien l’invité de l’Institut français d’Israël, je me sens autorisé à ne pas être d’accord avec Alain Finkielkraut et à lui exprimer mon mécontentement qui accompagne celui de Pierre Lurçat qui a fait son alya au début des années 1990. Les gesticulations d’Alain Finkielkraut me heurtent doublement. Alain Finkielkraut est parfaitement en droit de détester Benyamin Netanyahou ; après tout l’histoire de l’État d’Israël est suffisamment riche pour que toutes les sensibilités politiques y trouvent leur place ; et le monde juif s’appréhende d’abord par la multiplicité de ses analyses et leur mobilité. A ce propos, et d’un point de vue sioniste, la gauche et la droite ont chacune contribué à la formation et au renforcement de cette démocratie, la gauche d’abord avec de hautes figures comme celles de David Ben Gourion (Mapaï, Parti travailliste) ou Golda Meir (Parti travailliste). Donc, et j’en reviens à Alain Finkielkraut, il ne s’agit pas comme il le fait de s’abaisser à une petite querelle gauche/droite dont nous sommes si friands en France, probablement par ennui mais aussi par manque de culture politique – de culture historique. Lorsque Alain Finkielkraut se pique de parler de politique israélienne, il reste très franco-français et même parisiano-parisien. Il plaque des modèles hexagonaux sur un pays qui n’est pas franchement hexagonal.
Alain Finkielkraut (ainsi que le rapporte Pierre Lurçat) a également dit : « Un dirigeant, comme son nom l’indique, donne une direction, or Netanyahou ne dirige Israël vers rien de discernable. L’homme qui, le soir de l’attaque iranienne, s’est courageusement réfugié dans la maison ultra sécurisée d’un ami milliardaire, ne gouverne plus pour ce qu’il croit être le bien d’Israël, mais pour la survie de sa majorité… » En lisant ces mots, je me suis dit qu’Alain Finkielkraut en prenait à sa guise en remettant en cause le courage physique de Benjamin Netanyahou. Rappelons qu’Alain Finkielkraut ne s’est rendu en Israël qu’après y avoir été invité par l’Institut français d’Israël. Et rappelons que Benyamin Netanyahou a servi comme ses frères au Sayeret Matkal qui n’est pas une unité de jobnik. Question : Alain Finkielkraut aurait-il été inspiré par la propagande du Quai d’Orsay ? Alain Finkielkraut, magnifique penseur sur bien des sujets, ne m’inspire guère lorsqu’il évoque Israël. Je lui trouve même un côté peigne-zizi.
Olivier Ypsilantis