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Carnet israélien (avril 2024) – 14/18

Notes prises au cours de la visite du Musée de la culture philistine – Musée Corinne Mamane, à Ashdod : Ashdod fondée par les Cananéens, mais essentiellement connue comme ville philistine. Émergence vers la fin XIIIème BCE / début XIIème siècle BCE. Fusion culture cananéenne / culture philistine. Disparition du royaume des Philistins fin VIIème siècle BCE, sous la poussée babylonienne. Suite à la révolte de Bar-Kokhba, Hadrien rebaptise Eretz Israel Palaestina. Avec le roi Saül (fin XIème siècle BCE), le royaume d’Israël devient aussi puissant que le royaume des Philistins. La figure de Samson (voir les gravures sur bois de Gustave Doré). L’influence grecque bien notable dans les peintures sur vases. Loom weights. Incised pig bone. Scoop (a measuring and pouring vessel). Aegean-style stone altar with two horns. Une carte de grandes dimensions avec Philistine territory, stage 1 (XIIth century BC) / Philistine territory, stage 2 (XIth century BC) ; principales villes philistines : Gaza, Ashkelon, Ashdod, Ekron, Gath. Motif récurrent de la peinture sur vase philistine, l’oiseau qui rejette sa tête en arrière ; nombreux poissons et oiseaux ; notable influence grecque. De la vaisselle importée de Grèce, les jeux de cercles concentriques, un graphisme simple mais puissamment décoratif. Terres d’origine des Philistins : bassin de la mer Égée, Anatolie, Chypre, Grèce (dont Crète). Une carte : Sea People Invasions. Corinne Mamane (née en 1965 à Casablanca) se tue dans un accident de la route en 1984. Ce musée s’est attribué son nom, espérant ainsi apporter une modeste consolation à sa famille (ainsi qu’il est précisé sur un panneau dans le hall du musée). Ashdod la moderne est née en 1956, avec l’arrivée de Juifs du Maroc.

 

20 avril

Jour de Shabbat. Marche sans but (la plus féconde des marches) dans Ashdod durant plus de deux heures. C’est une ville très compacte qui se pense de plus en plus dans la hauteur. J’entends parler surtout le russe – les Russes seraient-ils moins observants ? Mon malaise devant les immeubles de plus de quatre étages – je souffre d’acrophobie depuis toujours. Nombreux espaces verts agréablement aménagés, notamment pour les enfants, nombreuses pistes cyclables, larges trottoirs, cette ville me devient de plus en plus sympathique et ma première impression (une déception) s’est effacée. Un quartier vétuste où passent des Yéménites. Des familles de Juifs hassidiques. Les hommes portent le schtreimel et le bekeshe qui, légèrement moiré, luit sous un soleil légèrement voilé. L’un d’eux s’adresse à moi en hébreu ; je ne comprends pas ; il me désigne son poignet ; je lui donne l’heure, il est 11 h 45. Sur Yerushalayim blvd je détaille les transformations qu’apporte aux vieux immeubles le TAMA 38. Altalena st. ; en lisant le nom de cette rue me vient d’un coup une image qui montre un bateau en feu, à très peu de distance de la plage de Tel Aviv. Des souffles frais aident la marche. Le souffle du vent dans les feuillages et le chant des oiseaux sont clairement perceptibles dans cette ville comme endormie – béni soit le shabbat ! Sur Hakalanit st. La plupart des immeubles ont également été transformés par le TAMA 38 ; il subsiste quelques vieux immeubles en cours de transformation ou qui attendent leur tour. Ils témoignent d’une époque où Ashdod était une ville encore bien modeste, une ville qui a connu une expansion fulgurante à partir de 1991, avec notamment l’arrivée de Juifs d’Union soviétique et d’Éthiopie. Vivent à Ashdod les plus importantes communautés juives marocaines et géorgiennes d’Israël sans oublier la communauté caraïte. Ambiance de quartier, ambiance familiale sitôt que l’on quitte les axes principaux et le front de mer. C’est une ville où l’on s’active mais où l’on peut aussi prendre son temps voire flemmarder. De beaux alignements d’arbres. Israël et les arbres… Combien de victimes se sont faites arbres, des victimes de la Shoah à celles du 7 octobre dernier. J’entends de plus en plus parler le français à mesure que je me rapproche du front de mer.

Le vote de la France en faveur de l’admission à l’ONU de la Palestine est un acte d’un rare cynisme. Vouloir reconnaître de manière unilatérale (autrement dit dans le dos d’Israël) un État palestinien juste après l’attaque massive de l’Iran (fort heureusement déjouée) et le massacre du 7 octobre, tandis que des otages sont encore détenus dans la bande de Gaza, relève de la trahison. Ce n’est qu’une nième trahison de la diplomatie française, mais elle est massive. A ce propos, je conseille à celles et ceux qui me lisent la lecture de « Un siècle de trahison » sous-titré « La diplomatie française et les Juifs, 1894-2007 » de David Pryce-Jones, un livre qui est la version remaniée et augmentée d’un ouvrage paru aux États-Unis sous le titre « Betrayal – France, the Arabs, and the Jews ». Ce vote est un coup bas, il exprime explicitement l’hostilité de la France à l’égard d’Israël.

 

21 avril

Ashdod – Jérusalem en autobus. Départ 8 h 30. Les indications sont en hébreu, en arabe, en anglais. Le code QR est devenu un élément incontournable de notre paysage. Le code QR est un code-barres à deux dimensions, soit non plus simplement vertical mais aussi horizontal. Comme le code-barres, il détermine un certain esthétisme. Je pense à la célébration que fit Gérard Fromanger à la fin des années 1970 des panneaux de signalisation routière. Le chauffeur de l’autobus accompagne joliment les variétés israéliennes qui passent à la radio. Les passagères et les passagers, rien que de jeunes soldates et soldats en uniforme, le fusil d’assaut en bandoulière. Partout le long de l’autoroute, des drapeaux israéliens placés en symétrie des réverbères. Une belle chanson, « Elohai Elohim » d’Eyal Golan. Beaucoup de constructions nouvelles ; ici aussi le paysage s’encombre. L’encombrement est bien la caractéristique la plus soutenue de notre époque qui nous annonce que nous allons tous vers toujours plus d’encombrement. La pierre de Jérusalem, pierre claire avec des nuances rosées. Entrée dans la vieille ville par la porte de Jaffa. Arrêt au Kotel. Je ne sais quelle prière formuler ; ma tête n’est que désordre. Nous sortons assez vite de la vieille ville par la porte de Sion. Au pied du cimetière du Mont des Oliviers, le plus ancien et le plus grand cimetière juif où certaines tombes dateraient de la fin du IVème millénaire avant notre ère. Longue marche dans les collines environnantes. Je ramasse deux cailloux que je placerai sur un rayonnage de ma bibliothèque. Des souffles frais. L’ombre bienfaisante. Arrêt dans un petit restaurant, dans le très agréable quartier de la colonie allemande. Nous discutons avec trois jeunes soldats en permission qui s’étonnent de notre présence et nous questionnent. Ils nous remercient pour ce que nous faisons, nous les remercions plus encore car ils se battent pour Israël mais aussi pour le monde libre dont Israël constitue l’avant-garde.

Petit retour en arrière qui pourrait expliquer (au moins en partie) le climat qui pèse sur la France. Lorsque la France apporte son soutien à Saddam Hussein et Yasser Arafat, autrement dit aux champions de la cause arabe, la France espère se ménager une position dominante au Moyen-Orient et pour ce faire elle doit s’opposer aux États-Unis et à Israël, des alliés en théorie mais pas nécessairement en pratique. La politique française va donc mettre en place des perspectives avec jeux de miroirs destinées à brouiller son intention réelle.

Au cours de la guerre du Golfe de 1991, Yasser Arafat s’aligne sur Saddam Hussein et les Palestiniens applaudissent aux Scud qui frappent Israël. La déconfiture de Saddam Hussein n’est pas à l’avantage de la France qui n’est pas invitée à participer au processus de paix d’Oslo.

Lorsqu’il accède à la présidence de la République, Jacques Chirac veut redonner à la France son importance au Moyen-Orient. Aussi va-t-il très habilement faire preuve de bonne volonté envers l’importante communauté juive de France. Après avoir fait l’autruche en niant tout antisémitisme dans le pays, il finit par multiplier ses condamnations de l’antisémitisme dont les actes sont nombreux. Il dénonce sans ambiguïté Vichy (contrairement à François Mitterrand) et de ce point de vue, on ne peut que lui être reconnaissant. Mais cette bonne volonté sert aussi à masquer son soutien à Yasser Arafat, chef d’une organisation responsable de milliers de morts juifs. Les relations de Jacques Chirac avec le monde arabe, et le pire du monde arabe (Yasser Arafat, Saddam Hussein et Hafez el-Assad pour ne citer qu’eux), méritent une étude approfondie. Les mécanismes (tout compte fait assez simples) de ces bonnes relations n’ont toutefois rien de spécifiques et se retrouvent chez bien d’autres chefs d’États et gouvernements. Lorsque Jacques Chirac arrive au pouvoir, Yasser Arafat est déjà le chouchou de la diplomatie française dans la région. Il ne fait que renforcer le lien entre le chef de l’OLP et cette diplomatie, et en dépit des attentats de l’OLP qui se multiplient.

La France est-elle l’amie d’Israël ? La France a choisi le camp arabe et plus particulièrement palestinien au lendemain de la guerre des Six Jours ; et Jacques Chirac est probablement la figure de proue de la politique pro-arabe de la France, avec notamment la multiplication des gestes d’amitié à l’égard de Yasser Arafat devant lequel il déclare que tous les États arabes devraient s’inspirer de « l’exemplaire démocratie palestinienne ». C’est par la France que l’Union européenne devient le financier de Yasser Arafat, qu’elle verse des sommes conséquentes (des centaines de millions de dollars) qui servent le terrorisme contre Israël, sans oublier la propagande qui promeut ce terrorisme, une propagande tout particulièrement adressée aux enfants palestiniens via divers canaux dont la télévision et les manuels scolaires antisémites, sans oublier les discrets transferts d’argent sur des comptes de Yasser Arafat, un homme qui accumulera une immense fortune comme le feront les dirigeants du Hamas aujourd’hui réfugiés au Qatar. Bref, les problèmes politiques et sociaux qui assaillent aujourd’hui la France (pour ne citer qu’elle) sont plus le fait de sa politique pro-arabe (et plus spécifiquement pro-palestinienne) depuis des décennies que des Frères musulmans dont il est de plus en plus question. Nous avons creusé notre propre tombe, il ne nous reste plus qu’à nous y allonger. Cette tombe a un nom : Eurabia (voir Bat Ye’or).

La seconde intifada commence en octobre 2000. J’ai évoqué les circonstances de ce déclenchement : ce que l’on sait moins c’est qu’au moment de signer un accord de cessez-le-feu, Jacques Chirac a téléphoné à Yasser Arafat en lui conseillant de ne pas signer avant d’avoir obtenu plus de concessions. Et l’accord ne sera pas signé… On a dit que Jacques Chirac avait recherché l’apaisement ; quoi qu’il en soi, son intervention aura eu pour effet l’annulation de l’accord, c’est tout au moins ce qu’a affirmé Ehud Barak. Pour la diplomatie française, le sens de l’histoire penche du côté arabe. Pour Dominique de Villepin Israël est une parenthèse de l’histoire et l’existence de ce pays doit être envisagé comme telle. C’est ce qui n’a cessé de se dire sous la présidence de Jacques Chirac. Dominique de Villepin le Vil… Et Hubert Védrine ? Il aurait été choisi personnellement par Jacques Chirac pour occuper le poste de ministre des Affaires étrangères. Cet individu ne condamne jamais les attentats mais ne cesse de fustiger les chefs du Gouvernement israélien qui se succèdent et qui n’ont aucunement l’intention d’appliquer des accords dont Yasser Arafat n’a lui-même que faire. Quand les actes antisémites se multiplient en France à partir de l’automne 2000, c’est toute la classe politique qui nie l’antisémitisme. En janvier 2002, Hubert Védrine déclare sur les ondes qu’il n’y a pas à être choqué par ces jeunes Français issus de l’immigration (musulmane) qui se livrent à des actes de violence car ils éprouvent de la compassion pour les Palestiniens. Ce même ministre juge par ailleurs odieux que l’on puisse dire que la France est un pays antisémite. Hubert Védrine ira jusqu’à déclarer que blâmer Yasser Arafat pour l’échec de camp David II c’est être victime de la propagande israélienne, et ainsi de suite… Il s’agit dans tous les cas de protéger Yasser Arafat. Jacques Chirac et Yasser Arafat son protégé. Yasser Arafat rapatrié en France à bord d’un avion gouvernemental pour être soigné dans un hôpital militaire. Jacques Chirac organisant à la mort de Yasser Arafat une cérémonie officielle digne des obsèques d’un chef d’État, avec des soldats français portant le cercueil jusqu’à l’avion qui doit ramener la dépouille à Ramallah. Et Jacques Chirac les larmes aux yeux déclarant : « Avec lui disparaît un homme de courage et de convictions. » Et afin de consolider la propagande palestinienne, les autorités françaises font établir un certificat de décès falsifié qui le fait naître à Jérusalem alors qu’il est né au Caire. Dans « Un siècle de trahison » sous-titré « La diplomatie française et les Juifs, 1894-2007 » de David Pryce-Jones, on peut lire ce passage particulièrement éloquent : « Les faits bruts, cependant, nous disent que Yasser Arafat laissait derrière lui un demi-siècle de violence, de meurtres mercenaires et de corruption – un homme qui plus que toute autre chose avait trahi son propre peuple. Disparaissait également celui qui avait su jouer si finement du narcissisme des dirigeants français, et les avait amenés à croire qu’ils pourraient un jour se présenter comme les arbitres du Moyen-Orient. Les espoirs suscités dans la diplomatie française par l’amitié avec Yasser Arafat n’avaient été qu’une répétition de ceux placés tout d’abord en Mohamed Amin al-Husseini puis en l’ayatollah Khomeini – des espoirs illusoires et si obsessionnels qu’aucune expérience n’a suffi à les dissiper. »

Olivier Ypsilantis

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