« Si chaque Arabe tuait un Juif, il ne resterait plus de Juifs », déclarait sur la chaîne de télévision LBC, le 5 mai 2001, le ministre syrien de la Défense, Mustapha Tlass.
Après la Shoah, on juge qu’il ne reste plus d’antisémites ou, tout au moins, qu’ils se tairont à jamais. Et pourtant… L’extrême-droite commence par minimiser puis par nier l’entreprise d’extermination des Juifs dans le but inavoué de remettre en selle l’antisémitisme. Le premier écrit négationniste a pour titre « Nuremberg ou la Terre Promise », publié en 1949, de Maurice Bardèche. Paul Rassinier s’engouffre derrière lui avec « Le Mensonge d’Ulysse », publié l’année suivante. Le négationnisme fait ses premiers pas. Ces années de l’immédiat après-guerre voient l’émergence des luttes anti-coloniales et anti-impérialistes. Le projet d’un État juif permet à la judéphobie (une dénomination de Léon Pinsker reprise par Pierre-André Taguieff) de se refaire une santé : ce projet est assimilé au colonialisme, voire au racisme… Et n’oublions pas qu’après leur accession à l’indépendance, tous les pays arabo-musulmans font de l’islam une religion d’État, tous ! La haine du Juif s’exacerbe. Quoi ! Nos dhimmis (pièce maîtresse de l’économie mentale des sociétés arabo-musulmanes) occupent une aire arabe et musulmane ! L’horizon ultime de ces sociétés devient l’anéantissement de l’État juif, une haine qui sature leur activité mentale. Environ neuf cent mille Juifs quittent les pays arabes ; les deux-tiers partent pour Israël. Aujourd’hui, près de 60 % des Juifs d’Israël descendent de ces réfugiés.
L’antisémitisme se nourrit dans les poubelles, festoie dans les décharges publiques, ingurgite jusqu’aux vomissures et aux excréments, ce qui explique l’horreur de son haleine. Il s’ébroue dans les fosses d’aisances. « Les Protocoles des Sages de Sion », dégueulés et chiés un peu partout, sont goulûment lapés par un grand nombre. Dès avant la Seconde Guerre mondiale, des traductions en sont éditées en arabe, au Caire, à Damas, à Beyrouth et à Bagdad. Aujourd’hui, elles sont en vente libre dans l’ensemble du monde arabo-musulman. Dans des hôtels d’Arabie Saoudite, le voyageur trouvera en évidence dans sa chambre d’hôtel — et dans sa langue ! — un exemplaire de ce faux…
La « nouvelle judéophobie », telle que la définit Pierre-André Taguieff, est post-antisémite. Elle est repérable après la guerre des Six Jours (juin 1967). C’est une tendance redoutable, bien que débarrassée de toute définition « raciale » des Juifs. Cette « nouvelle judéophobie » se nourrit de la haine d’Israël, d’une volonté de le délégitimer, avec appel à son éradication. L’antisionisme démonologique se répand alors comme la peste. Les antiracistes patentés (voire le pullulement de leurs associations) prospèrent avec cette écrasante victoire israélienne contre une formidable coalition arabe. Ces antiracistes accusent les Juifs sionistes — et plus généralement les sionistes — d’être des racistes. On bat le rappel, on convoque les « idées sublimes » et les « nobles sentiments » afin d’en finir avec les sionistes, rebuts de l’humanité. Pierre-André Taguieff a montré que cette corruption idéologique de l’antiracisme procède de son « infléchissement à la fois populiste et misérabiliste ». Les présupposés qu’active cette corruption fabriquent des slogans, des prêts-à-penser que favorise notre époque de prêts-à-porter, de standardisation, de massification. « L’instrumentalisation de l’humanisme et de l’antiracisme à des fins antijuives est au cœur de la nouvelle judéophobie » note Pierre-André Taguieff. Ainsi, les actes antijuifs peuvent-ils être dénoncés comme des manipulations sionistes. Voir à ce propos la déclaration de José Bové, chef de file du mouvement anti-mondialisation qui, au printemps 2002, hésite pas à attribuer les violences antijuives en France aux services secrets israéliens. Et permettez-moi de citer les propos du moustachu (cité par le quotidien « Libération », du 3 avril 2002) : « Il faut se demander à qui profite le crime. Je dénonce tous les actes visant des lieux de culte. Mais je crois que le gouvernement israélien et ses services secrets ont intérêt à créer une certaine psychose, à faire croire qu’un climat antisémite s’est installé en France, pour mieux détourner les regards. »
Le sionisme est volontiers associé au racisme génocidaire, au nazisme. L’État d’Israël est accusé de vouloir mener à terme un programme d’extermination des Palestiniens, ce qui explique le succès d’un autre faux : « Le Manifeste (Judéo-Nazi) d’Ariel Sharon », sous-titré : « Les origines du génocide actuel des Palestiniens ». Ce faux a été généreusement distribué en France, notamment par le Parti des Musulmans de France. Il s’agit d’une prétendue profession de foi (nazie) du général Sharon, profession de foi qui s’emploie à fondre dans un même moule sionisme et nazisme. L’auteur : Mondher Sfar, opposant marxiste tunisien résidant en France, antisioniste et négationniste, collaborateur de la « Revue d’histoire révisionniste » fondée par le militant d’extrême-droite Henri Roques.
Ce qui me rend odieux la quasi-totalité — et peut-être même la totalité — des défenseurs de la cause palestinienne, c’est qu’ils prennent appui sur des prémisses judéophobes qui conduisent mécaniquement à la nazification d’Israël, « au retournement antijuif de l’antiracisme » pour reprendre les mots de Pierre-André Taguieff. « Les Protocoles des Sages de Sion » sont recyclés dans un va-et-vient de dément, dans un radotage de gâteux. Du sionisme au racisme de type colonialiste voire génocidaire et inversement. L’État d’Israël se voit accusé de « palestinocide », avec programme d’extermination. Et, pirouette, les Juifs (sionistes) seraient passés du statut de victime à celui de bourreau, une aubaine à ne pas laisser passer pour l’Europe — aire de la Shoah — qui, soit explicitement soit implicitement, s’empare avidement de cette accusation dans le but d’opérer une sorte d’annulation de la Shoah. J’ose affirmer que la popularité de l’abbé Pierre (qui fut l’homme le plus populaire de France à en croire les sondages) ne tient pas uniquement à son action (admirable) en faveur des sans-abris mais aussi à certains propos que le saint homme a lâchés dans son grand âge comme autant de pets foireux. Il a par exemple déclaré en 1991 : « Les Juifs, de victimes, sont devenus bourreaux », une considération de chiasseux. Mais pourquoi me demanderez-vous ? Parce que le signe = est placé l’air de rien entre la Shoah et la « question palestinienne ». Je rappelle à tout hasard que les victimes israéliennes sont également nombreuses dans cette suite de violences, violences en rien unilatérales contrairement à ce qu’aboient les meutes. L’antisionisme joue volontiers la carte de la victimisation ; c’est son joker. Et l’antique antijudaïsme vient épaissir ce brouet. Les souffrances des Palestiniens peuvent être assimilées à celles de Jésus-Christ. Le Palestinien est lui aussi crucifié par le Juif (!!!???) ; je n’exagère rien ; regardez certaines caricatures. L’antijudaïsme suscite nombre de réflexes pavloviens, même chez des individus qui considèrent le christianisme avec défiance voire hostilité mais qui n’hésitent pas à fouiner du côté de l’antijudaïsme chrétien le plus grossier pour huiler leurs rouages mentaux et leur verser du carburant. Le Juif tueur d’enfants, vous vous souvenez ? L’affaire Al-Duhra doit en grande partie son succès à une certaine image d’origine chrétienne. Tous les coups sont alors permis contre Israël diabolisé, y compris les attentats dont les attentats-suicides. Souvenez-vous d’André Jacquard déclarant le 2 avril 2002 sur France Inter : « L’humiliation fabrique des kamikazes. »
Au point où en sont les choses, il me faut dire haut et fort que tout homme libre ne peut qu’être sioniste, un engagement qui n’interdit pas la critique aussi longtemps qu’elle ne remet pas en question l’existence d’Israël. Nous sommes en guerre contre des démagogues cyniques que suivent des masses d’idiots utiles. Et souvenez-vous des mots de Jean Lartéguy : « Car pour un certain nombre d’hommes dont nous sommes, Israël ne peut pas disparaître, ou alors nous n’aurions plus jamais d’espoir et nous devrions nous résigner à vivre pour toujours dans un monde clos, déterminé par les facteurs les plus humiliants de l’Histoire, dont celui du nombre. » Le nombre est bien l’un des facteurs les plus humiliants de l’Histoire ! Et il pèse de plus en plus lourd…
Olivier Ypsilantis
Merci Olivier pour votre intelligence, votre lucidité et votre amitié!
Super, mitnadev. Maintenant que j’ai un compte Face Book me servant à diffuser de bons articles, je te “partage”, comme on dit chez eux.
Nous repartons en octobre. Amitiés.