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A propos de l’Iran

 

Alors que je feuillette des numéros de Charlie Hebdo sans parvenir à fixer mon attention tant on y braille et tant on y est débraillé, un article me retient (en page 2 du N° 1200, 22 juillet 2015) ; il y est question de l’Iran ; son auteur, Jean-Yves Camus, catholique et sioniste converti au judaïsme. Tout en dénonçant la répression en Iran, Jean-Yves Camus salue discrètement la réintégration du pays dans le jeu international, réintégration qui repose sur un pari : favoriser la classe moyenne et, ainsi, lui permettre se s’affirmer face à l’appareil religieux. Par ailleurs, outre l’ouverture du marché iranien (la population du pays tend vers les quatre-vingts millions), l’Iran détient d’immenses réserves en gaz et en pétrole qui nous permettraient de réduire notre dépendance vis-à-vis des pires pays du monde arabe qui favorisent en sous-main l’engeance djihadiste et les tendances les plus déprimantes de l’islam. L’Iran est décidé à mener une lutte tout azimut contre le sunnisme et le monde arabe avec lequel ce pays a des comptes historiques à régler…

L’Iran s’est adonné au terrorisme. Nous ne pouvons oublier le double attentat contre la communauté juive de Buenos Aires : le 17 mars 1992 contre l’ambassade d’Israël à Buenos Aires, et le 18 juillet 1994 contre le Centre communautaire juif dans cette même ville. Rien ne doit être oublié. Mais face à une situation d’urgence, l’Iran peut devenir un allié. En dépit d’une certaine rhétorique du régime (rhétorjque qui doit être abandonnée car indigne du peuple iranien qui éprouve a priori plus de sympathie pour Israël que pour n’importe quel pays arabe), je reste convaincu que l’Iran est un pays rationnel qui ne désire en aucun cas déclencher l’apocalypse et effacer Israël de la carte. L’Iran veut sortir de son isolement en commençant par traiter avec l’Occident et Israël. Je le répète et le répèterai, l’Iran souffre d’un sentiment d’encerclement qui ne relève en aucun cas d’une paranoïa. Il faut se donner la peine d’étudier l’histoire de ce pays pour espérer sortir de l’impasse dans laquelle nous poussent des appareils de propagande. Certes, il ne s’agit pas de baisser la garde ; et je souhaite de tout cœur qu’Israël dispose d’une armée toujours plus puissante afin de décourager ceux qui espèrent le rayer de la carte. On connaît ma sympathie (au sens originel du mot, au sens grec du mot) envers Israël et son armée où j’ai été volontaire et espère l’être encore.

L’Iran n’est pas de ces pays issus du partage (bien arbitraire) d’un empire, comme la Syrie ou l’Irak. C’est un antique pays qui bien que pénétré par l’influence russe et surtout anglaise (durant une période relativement courte) a une assise historique qui lui permet de conduire une politique raisonnable.

Jean-Yves Camus a raison de souligner que les mouvements armés chiites « au Yémen et au Liban notamment, sont avant tout nationaux, avec pour le second une forte dimension sociale : ils n’ont pas la dimension nihiliste et messianique de l’État islamique ». Malgré l’immense répugnance que provoque en moi tout propos antisémite, il me semble que la destruction d’Israël n’est aucunement au centre des préoccupations du peuple iranien voire du régime iranien. Israël ne menace pas l’Iran, contrairement au djihadisme qui est une véritable obsession (justifiée) chez les Iraniens. J’ai pu prendre la mesure de cette inquiétude en Iran même au cours de nombreuses conversations. L’État islamique est un danger bien réel. Et les chiites sont eux aussi menacés et massacrés, du Pakistan à l’Irak. L’État islamique est un ennemi réel, Israël est un ennemi symbolique, ainsi que le signale Jean-Yves Camus. Il est vrai que l’ennemi symbolique peut à tout moment être instrumentalisé par le pouvoir pour des raisons démagogiques (faire diversion, par exemple) et prendre le pas sur l’ennemi réel. Il ne s’agit pas de baisser la garde. L’Iran doit savoir qu’il peut à tout moment être rayé de la carte et qu’il existe une volonté politique capable d’appliquer cette décision si le pouvoir iranien franchit un certain seuil. Constatons tout de même que la révolution islamique qui s’exportait fort bien dans les années 1980 (et qui constituait notre principal sujet d’inquiétude) a perdu de sa force de propagation. Le salafisme, le wahhabisme et autres tendances issues du sunnisme arabe sont aujourd’hui autrement plus inquiétants. Il convient de circonscrire ce cancer par des alliances renouvelées. L’Iran pourrait redevenir un allié d’Israël et de l’Occident, allié officieux dans un premier temps. On m’accusera de prendre mes désirs pour des réalités. Mes désirs ne sont pourtant pas enfermés en eux-mêmes et je ne désire pas la paix et l’amitié à n’importe quel prix. L’homme de paix n’est pas un pacifiste.

 

 Femmes de TéhéranDes femmes à Téhéran. Il n’y a pas en Iran de femmes voilées comme nous en voyons à présent dans nos villes de France et d’Europe, avec l’emprise saoudienne et qatari qui ne cesse de s’affirmer. 

 

La France pourrait jouer un rôle essentiel dans le rapprochement avec l’Iran plutôt que d’aller fourrer son museau dans les affaires d’Israël et bassiner le populo avec les Palestiniens, ce peuple inventé. Les Iraniens se méfient et à raison (voir leur histoire au XIXe et XXe siècles) des Britanniques, des Russes et, dans une moindre mesure, des Américains. Les Français ont eu quant à eux « des relations paritaires et égalitaires avec toutes les dynasties perses » (ainsi que le signale Antoine Sfeir). La voie était tracée. Mais il est vrai que depuis quelque temps nous sommes tellement emberlificotés avec les Saoudiens et les Qataris que nous préférons jouer leur jeu, notamment en établissant un deux-poids-deux-mesures, ce qui est parfaitement décourageant quand on sait que sur le dossier des Droits de l’Homme, dont la France a fait son cheval de bataille, nos chers amis arabes n’ont pas de leçons à donner aux Iraniens. Il ne faudrait pas tarder à  congédier les Arabes pour une collaboration plus prometteuse avec un peuple plus doué. J’imagine les réprimandes que vont m’adresser les Touche-pas-à-mon pote et les Nous-sommes-tous-frères, les promoteurs du Vivre-ensemble. J’ai des préférences et les affirme, on m’en excusera. J’aimerais parfois être docile comme une serpillère.

Un point encore. Ils sont nombreux à proclamer que le chiisme et le sunnisme sont une seule et même religion — l’islam — et qu’ils ne diffèrent que sur des points insignifiants. Faux ! Le fait d’avoir une origine commune (par ailleurs lointaine) n’empêche pas les différences et des différences volontiers radicales. Je pourrais en venir à l’ijtihad (effort d’interprétation) qui figé dans le sunnisme depuis le XIe siècle se poursuit dans le chiisme. Je pourrais rappeler que le sunnisme se considère comme l’aboutissement du monothéisme (d’où son mépris voire sa violence envers le judaïsme et le christianisme) tandis que les chiisme attend la venue de l’ « imam caché » qui doit accompagner le Madhi (le Messie). Mais je n’insisterai pas. C’est bien une guerre de religion mondiale qui déploie à présent ses fastes, une guerre qui par son ampleur et sa violence ne peut qu’évoquer ces guerres de religions qui virent catholiques et protestants s’entretuer dans toute l’Europe, en France particulièrement, au cours de la seconde moitié du XVIe siècle.

Ci-joint, un lien intitulé « La guerre secrète entre l’Iran et le Pakistan » où Atlantico.fr interviewe Didier Chaudet. Il rend compte de la situation d’isolement de l’Iran :

http://www.atlantico.fr/decryptage/guerre-secrete-entre-iran-et-pakistan-didier-chaudet-1995206.html

http://www.atlantico.fr/decryptage/guerre-secrete-entre-iran-et-pakistan-didier-chaudet-1995206.html/page/0/1

Nos compromissions répétées avec les Saoudiens et les Qataris finissent par nous anesthésier. La France plus qu’aucun autre pays glisse dans une douce léthargie que confortent les grands mots assenés par le pouvoir. Ci-joint, une interview avec l’avocat parisien Thibault de Montbrial qui dresse un état des lieux et nous adresse une mise en garde :

http://www.kernews.com/thibault-de-montbrial-nous-sommes-a-laube-daffrontements-tres-violents/2094/

 

Olivier Ypsilantis

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