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Carnet 19 

 

J’ai assisté ce matin aux funérailles des quatorze victimes de l’accident d’autocar, à Bullas, province de Murcia. Don Felipe VI et Doña Letizia étaient présents. J’ai écouté le beau sermon du Monseigneur José Manuel Lorca Planes, évêque de Cartagena. J’aimerais le retranscrire ici, dans son intégralité. Il a évoqué la sortie d’Égypte, le passage de la mer Rouge, cette terre de lait et de miel promise par Dieu à son peuple. C’est ainsi, à chaque fois que j’assiste à un office religieux chrétien, des mots ne cessent de revenir : Israel, Jerusalén, pueblo judío, israelitas… Or, on ne prononce pas impunément de tels mots.

Israel, ce mot résonne dans les églises mais bien des lèvres le prononcent machinalement, sans y penser, sans penser qu’un pays bien vivant porte ce nom. Ceux qui prononcent ce mot avec ferveur, au cours d’un office religieux, peuvent aussitôt après vilipender Israël. Ils ont établi (souvent malgré eux, sans y penser vraiment) une absolue séparation entre l’Israël d’alors et l’Israël d’aujourd’hui. Probablement parce que l’un désigne les Hébreux (ou les Israélites), l’autre les Juifs. Cette automatisme doit à coup sûr beaucoup à la théologie de la substitution — ou supersessionisme.

 

Funérailles à Bullas en 2014Don Felipe et Doña Letizia, à Bullas, le 10 novembre 2014.

 

Les violences dont Israël est victime ont une explication : la dénégation quasi-unanime que subit ce pays, une dénégation généralement sourde, distillée par les mass médias et par nombre de responsables politiques, notamment européens. Israël est pourtant à ce que je sache un État souverain, aussi souverain que la France ou l’Allemagne réunifiée. Alors, pourquoi sont-ils si nombreux à fourrer leurs nez dans les affaires de ce pays, des affaires par ailleurs fort complexes et qui exigent beaucoup d’étude et de modestie, des affaires dont se mêlent trop de pères et de mères-la-morale, distributeurs de bons et de mauvais points. De quel droit Madame Guigou et Monsieur Fabius — pour ne citer qu’eux — réclament-ils la création d’un État palestinien ? Est-ce qu’Israël réclame l’indépendance de la Corse ou de la Bretagne ? Que savent-ils d’Israël ces ronds-de-cuir du Quai d’Orsay, ces mercenaires de l’Agence France-Presse, ces gandins de ministères, ces démagogues de l’Hémicycle ? Ils ne pensent qu’à prendre du galon et protéger leurs petits intérêts en dénonçant ce pays. Ce faisant, ils bénéficieront de la bienveillance générale, ils n’auront pas à argumenter, à nager à contre-courant ; ils leur suffira de se laisser porter… et emporter. On demande sans cesse des comptes au sioniste ; l’antisioniste, lui, peut dormir en paix…

Je le redis, les égouts convergent, l’antijudaïsme, l’antisémitisme et l’antisionisme mêlent leurs eaux sales. Les égouts s’engorgent et la pression devient formidable. Les plaques d’égout se soulèvent dans les espaces publics ; et chez les particuliers, à tous les étages, les sanitaires débordent. Tout est visqueux, nauséabond. Déjections, pus et sanies. Ce bavardage sur Israël est la marque d’une flétrissure mentale probablement irrémédiable. Le monde est vieux, il se chie dessus et sombre dans le gouffre d’Alzheimer. Il a perdu la mémoire car, s’il lui en restait au moins un peu, il ne donnerait pas des leçons de la sorte à ce pays qui a pour nom Israël.

Depuis quand reconnaît-on un État qui n’existe pas — « La Palestine » —, sans frontières, sans autorité représentative consensuelle, sans ressources ni capacités économiques, sans continuité territoriale ? Depuis quand reconnaît-on un État irrédentiste qui n’a jamais voulu reconnaître le caractère national de l’État d’Israël ? Palestine ? Mais que recouvre cette désignation dans les cervelles de nos politiques ?  Je n’en connais pas les frontières. Je n’en connais pas le peuple. On se penche avec des trémolos dans la voix et les larmes aux yeux sur les réfugiés (ou pseudo-réfugiés) « palestiniens ». Mais a-t-on au moins une pensée pour les Grecs d’Anatolie installés dans la région bien avant l’arrivée des Turcs, avant même les conquêtes d’Alexandre le Grand, et sauvagement chassés lorsqu’ils n’ont pas été massacrés ? Personne n’évoque les Grecs pontiques, décimés par centaines de milliers. Je sais depuis longtemps que les « Palestiniens » n’intéressent que parce qu’ils sont un prétexte à accuser les Juifs. Si ce n’était pas les Juifs qui les « oppressaient », on ne parlerait pas des « Palestiniens », on n’en parlerait pas plus que des Grecs d’Anatolie…

 

Palestine, 24 juillet 1922Carte de la Transjordanie et de la Palestine (juive) selon le « Mandate for Palestine » du 24 juillet 1922. On notera que la Palestine juive a été singulièrement grignotée. 

 

Israël va devenir l’otage de ses citoyens israéliens d’origine arabe. Mes conversations avec des Arabes israéliens ne m’ont guère rassuré, tant avec les Arabes musulmans d’Israël qu’avec les Arabes chrétiens d’Israël, même si ces derniers se montrent généralement moins vindicatifs. A ce propos, sont-ils palestiniens ces quelque un million deux cent mille Arabes d’Israël ? Faut-il exiger leur « libération » ? Ne seraient-ils pas eux aussi « victimes de l’entité sioniste » ? Des Musulmans, très minoritaires certes, luttent pour Israël, leur patrie : les Druzes, bien présents dans Tsahal, aux niveaux les plus élevés et dans les unités combattantes.

Supposons qu’un État palestinien voie le jour ; que fera-t-il ? Il commencera par exiger le retour des réfugiés — ou pseudo-réfugiés — et de leurs descendants, enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants. C’est bien mais il faudra alors considérer la question des réfugiés à l’échelle mondiale, à commencer par ces centaines de milliers de Juifs, presqu’un million, expulsés ou ayant fui les pays arabes. Pour ma part, j’aimerais récupérer les propriétés de mes ancêtres, à Smyrne et à Constantinople. Mais tout le monde s’en fout, hein ! Plus sérieusement, cette dénomination « Palestine » — et « Palestiniens » — me pose problème : il m’a toujours semblé, et sans faire de mauvais esprit, que les Palestiniens (sans guillemets cette fois) étaient… les Juifs de Palestine. C’est tout au moins ce qu’ont laissé entendre des voyageurs dans cette région… et avant la création de l’État d’Israël !

Quelle Palestine évoque donc Élisabeth Guigou, présidente de la Commission des affaires étrangères ? Cette brave fille est « pour la paix », on l’en félicite ; elle n’est « pas contre Israël », on l’en félicite. Mais je ne sais de quelle Palestine et de quel gouvernement palestinien il est question dans sa tête. Le gouvernement palestinien, est-ce le Fatah, le Hamas ou une alliance des deux qui ne peut que conduire à des règlements de comptes voire à une guerre civile ? Élisabeth Guigou qui, tous les matins, en pédalant vers son lycée (à Marrakech) eut la chance de voir pendant des années l’Atlas enneigé (consulter son blog) dit se sentir aussi marocaine que française. Le bi-culturalisme est une richesse.

Élisabeth Guigou doit-elle pour autant se sentir autorisée à nous assener ses « bons sentiments » ? A-t-elle bien lu la Charte du Hamas ? A-t-elle bien lu le projet de constitution préparé par l’Autorité palestinienne, financé par l’Union Européenne, qui déclare dans son article 7 que la charia sera la source de la loi de la Palestine et que la souveraineté y appartiendra au « peuple arabe palestinien » (article 13) ? A-t-elle seulement pris connaissance des dispositifs discriminatoires prévus pour les non-Musulmans dans un pays dont « l’islam sera la religion officielle de l’État » (article 6) ? Élisabeth Guigou devrait se poser ces questions. Mais probablement préfère-t-elle assurer sa tranquillité en vendant Israël à un pouvoir dont le visage en grande partie masqué reste pour le moins inquiétant.

 

Territoire des Douze Tribus d'Israël   Les territoires des Douze Tribus d’Israël.

 

J’apprends que l’Assemblée nationale vient d’adopter, mardi 2 décembre 2014, une proposition de résolution du groupe socialiste demandant au gouvernement français de reconnaître l’État palestinien, une initiative qui n’a toutefois pas de valeur contraignante — la belle affaire ! J’apprends que le chef de file des députés PS, Bruno Le Roux, s’est félicité du vote de cette résolution socialiste, estimant qu’il « dépasse le simple clivage droite-gauche », qu’il « réunit de nombreux groupes et permet d’avoir un acte d’espoir et de volonté pour la paix ». J’ai eu d’un coup la sensation de nager dans un bain de crasse particulièrement opaque, une soupe épaisse inlassablement touillée, la soupe des « bons sentiments » agrémentée d’ignorance. Il est tellement plus facile de prendre une posture morale que d’étudier. Les socialistes d’aujourd’hui sont des ersatz des socialistes historiques dont je rappelle volontiers le courage. Ils croient œuvrer pour la paix, ils ont surtout en tête — mais chut ! — de préserver leur tranquillité petite-bourgeoise. Ce désir de tranquillité fausse leur analyse. Ils cultivent la démagogie, une morale de pacotille infatuée d’elle-même qui s’invite partout et pérore. Je ne puis qu’exprimer mon mépris envers ce chef de file et ceux qui le suivent. Je sais exactement ce que suppose le mépris ; en la circonstance, je l’assume pleinement avec une joie féroce.

Quelque chose ne va vraiment pas ! De braves citoyens (par ailleurs exclusivement soucieux de leur pouvoir d’achat et des résultats de leur coloscopie) se préoccupent du sort des Palestiniens avec une ferveur de nurse. Ces citoyens me préoccupent et depuis longtemps. Je les observe avec un mélange de stupéfaction et de dégoût. Ils sont engoncés dans un confort médiocre et se piquent de donner des « solutions » à un pays dont ils ignorent tout, un pays qui — j’en suis à présent certain — les renvoie à leur propre médiocrité et qui, de ce fait, les irrite. Leurs « solutions » pleine de componction sent la charentaise, le bonnet de nuit et la tisane du soir.

 

Olivier Ypsilantis 

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