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En lisant « Salomon Munk, sa vie et ses œuvres »  de Moïse Schwab – 3/3

 

V – 1859-1867

En 1859, Salomon Munk termine la publication de ses « Mélanges de philosophie » par l’impression d’un second fascicule. En 1861, il fait paraître le tome II ; et, en 1865, le tome III de son « Guide des égarés ». Pour mener à bien ce dernier travail (la table des matières surtout), il reçoit l’aide du futur grand rabbin Zadoc Kahn. Parmi ceux qui l’aident avec diligence, l’auteur de la présente monographie, Moïse Schwab. Rappelons que l’immensité de ses travaux ne l’empêche pas d’être très présent à l’Académie et de répondre scrupuleusement à bien des questions, en particulier celles de François Guizot.

 

Père-Lachaise, Tombe de Moïse SchwabLa sépulture de Moïse Schwab (1839-1918) au cimetière du Père-Lachaise.

 


Le 24 décembre 1864, par décret impérial, Salomon Munk est nommé au Collège de France où il remplace Ernest Renan, empêché de faire son cours d’hébreu suite à la parution de son livre, « Vie de Jésus ». Ci-joint, un document intitulé « Le scandale de la ‟Vie de Jésus” de Renan » de Perrine Simon-Nahum :

http://www.cairn.info/revue-mil-neuf-cent-2007-1-page-61.htm

Salomon Munk ouvre son cours le 1er février 1865. Dans une revue, il publie un avertissement dont je cite quelques passages : « L’objet du cours, son nom le dit, c’est un cours de langue hébraïque, chaldaïque et syriaque, par conséquent un simple cours de grammaire, consacré pour ainsi dire à l’enseignement matériel de ces langues, abstraction faite du parti que voudront en tirer les auditeurs pour leurs études respectives, soit sacrées soit profanes (…). Un seul genre d’exégèse sera absolument exclu de nos leçons, c’est l’exégèse dogmatique ou théologique. Les plus illustres docteurs de l’Église et de la Synagogue s’accordent à reconnaître que certains passages de l’Écriture, certains discours des prophètes ont un double sens : un sens simple, historique, rationnel, et un sens allégorique, typique ou dogmatique. Il y a par conséquent deux espèces d’exégèse, l’une basée sur la raison et sur les études philologiques et historiques, l’autre basée sur la foi et sur une antique tradition. Les deux exégèses courent parallèlement ensemble, sans se toucher ni s’exclure l’une l’autre (…). Ici, dans cette chaire uniquement consacrée aux études philologiques et historiques, nous n’aurons à nous occuper que du sens simple et historique. L’exégèse dogmatique doit être entièrement abandonnée aux chaires de théologie et d’Écriture sainte, établies pour les différentes communions religieuses ».

A la demande du ministre de l’Instruction publique, il rédige le « Rapport sur les progrès des études sémitiques en France », de 1840 à 1866 (à l’exception de l’arabe), et il examine en autant de paragraphes les rubriques suivantes : hébreu et rabbinique, phénicien, araméen et syriaque, himyarite et éthiopien, assyrien.

Salomon Munk décède le 5 février 1867. Et je cède la parole à son secrétaire, Moïse Schwab : « Le 5 février 1867, au soir, quelques heures après être descendu de sa chaire du Collège de France, eut lieu chez lui une séance du Consistoire central israélite. Au cours de cette séance, il parla davantage et avec plus de gaieté que d’habitude. Mais à peine ses collègues avaient-ils quitté la maison que Salomon Munk fut atteint d’une attaque d’apoplexie qui l’emporta dans la nuit même, au bout de quelques heures d’agonie ». Presque deux ans après sa mort, l’un de ses collègues, Edouard Laboulaye déclara : « Il savait tout ; mais il y avait encore quelque chose de plus admirable en lui que l’érudition ; c’était la sérénité de son esprit et la bonté de son cœur. »

 

VI – L’œuvre de Salomon Munk

Dans l’immensité de son érudition et de ses nombreuses publications dispersées en mémoires, notes, articles, deux ouvrages ressortent : « Palestine. Description géographique, historique, et archéologique » et, plus encore, « Guide des égarés ».

Moïse Schwab rapporte en fin d’ouvrage des propos très synthétiques au sujet de Maïmonide, propos que j’aimerais citer dans leur intégralité mais leur longueur m’en empêche.

Précisons que jusqu’à la traduction que fit Salomon Munk du « Guide des égarés », on ne pouvait lire cet ouvrage que dans deux traductions, l’une hébraïque, par l’un des élèves de Maïmonide, Juda ibn-Tibbon ; l’autre latine, par Johann Buxtorf, d’après la traduction de Juda ibn-Tibbon. Moïse Schwab écrit : « On conçoit aisément que la découverte de l’original en langue arabe ait éveillé chez Salomon Munk le désir de publier une édition digne de l’ouvrage lui-même, et à la hauteur de la science moderne. Il était attiré d’une façon irrésistible à cette tâche par la nature du sujet, par la célébrité de l’auteur, par l’honneur qui devait en résulter pour la science et la littérature juives ». Pendant une vingtaine d’années, il rassemble les matériaux de ce travail, notamment en se rendant à Oxford. A peine ces préparatifs terminés, il perd la vue et se met néanmoins au travail. Au trois volumes de texte et de traduction parus, Salomon Munk projette d’ajouter un quatrième avec biographie de Maïmonide et exposé de son système, sous le titre « Prolégomènes ».

Salomon Munk est philologue, il est aussi philosophe. Il s’intéresse à ces savants juifs du Moyen-Âge qui ont puisé certaines de leurs connaissances dans les écoles arabes, qui pour la plupart ont adopté la langue arabe et qui ont réuni l’étude de la philosophie, aristotélique ou néo-platonicienne, à celle de la Bible et ses commentateurs, une démarche qui eut une forte influence sur les écoles scolastiques de l’Europe. Salomon Munk découvre l’un de ces traités qui fit grand bruit dans les écoles européennes, « Fons vitæ », un traité attribué à un philosophe arabe du nom bizarre d’Avicebron. Salomon Munk s’aperçoit qu’il s’agit du Juif Salomon ibn Gabirol. Le manuscrit original est perdu mais Salomon Munk a retrouvé la traduction hébraïque, faite par Shem Tov ibn-Falaquera, qu’il a publiée. Une fois encore, le lecteur pourra se reporter à mes deux articles publiés sur ce blog même et mis en lien dans la deuxième partie de cet article.

Je cite le passage d’un compte-rendu d’Adolphe Franck afin de souligner la particularité de cette découverte : « Le nom d’Avicebron était célèbre au Moyen-Âge, et particulièrement au XIIIe siècle, parmi les maîtres de la scolastique, dans les universités chrétiennes. On savait que c’était celui d’un philosophe étranger au christianisme, arabe ou juif. La plupart le croyaient arabe, et cette opinion a prévalu chez les écrivains de la scolastique et les écrivains modernes de la philosophie. On citait de lui un livre appelé « Source de vie », où les doctrines d’Aristote étaient abandonnées ou dénaturées. Quelques fragments, en très petit nombre, reproduits dans les écrits d’Albert le Grand, de saint Thomas, de Guillaume d’Auvergne, voilà tout ce que l’on connaissait de ce traité fameux. Mais ces lambeaux épars ne pouvaient suppléer à l’œuvre entière, à l’œuvre originale, nécessairement défigurée par le latin barbare du Moyen-Âge. Cette œuvre existait-elle encore ? En quelle langue a-t-elle été écrite ? Quel système contient ou contenait-elle exactement, et enfin quel en est l’auteur ? Quel est cet Avicebron dont peut-être le nom même nous est arrivé défiguré ? A quelle époque, à quelle nation, à quelle croyance appartient-il, et à quelle source a-t-il emprunté les idées qu’on lui attribue ? Toutes ces questions, regardées jusqu’aujourd’hui comme insolubles, ont reçu de Salomon Munk une réponse précise, certaine, telle qu’on pouvait l’attendre de sa rare érudition et de sa critique pénétrante.  »

Ci-joint, un lien intitulé « Adolphe Franck (1810-1893) » :

http://judaisme.sdv.fr/perso/franck/index.htm

Ci-joint, un lien incontournable mis en ligne par la Bibliothèque nationale de France (data.bnf.fr) :

http://data.bnf.fr/11917230/salomon_munk/

Ci-joint, un lien intitulé « The Debate Between Salomon Munk and Heinrich Ritter on Medieval Jewish and Arabic History of Philosophy » de Chiara Adorisio :

http://www.academia.edu/6167268/THE_DEBATE_BETWEEN_SALOMON_MUNK_AND_HEINRICH_RITTER_ON_MEDIEVAL_JEWISH_AND_ARABIC_HISTORY_OF_PHILOSOPHY

Ci-joint, un lien intitulé « Réflexions sur le culte des anciens Hébreux, dans ses rapports avec les autres cultes de l’Antiquité ; pour servir d’introduction au Lévitique et à plusieurs chapitres des Nombres » de Salomon Munk :

https://books.google.fr/books?id=335AAAAAcAAJ&pg=PA1&lpg=PA1&dq=salomon+munk&source=bl&ots=qUjIzu7bOR&sig=c-j3oJWXwniclboykL-NSSz1HzA&hl=fr&sa=X&ei=Wf-vVK6-NseuUcyugqgG&ved=0CF8Q6AEwCDge#v=onepage&q=salomon%20munk&f=false

 

Olivier Ypsilantis

2 thoughts on “En lisant « Salomon Munk, sa vie et ses œuvres »  de Moïse Schwab – 3/3”

  1. Très belle recension, Olivier. Merci.
    Je suis stupéfait de savoir qu’un esprit humain ait été capable — dans les années 1830, les facilités d’acquisition du savoir ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui — de maîtriser un si grand nombre de langues dont la plupart peu connues pour leur facilité d’apprentissage et de pratique.
    L’hébreu ancien et moderne, le latin et le grec, le chaldaïque, le syriaque, l’arabe, le sanskrit, l’hindoustani et le persan. Sans compter, bien entendu, l’allemand natal, le français, et probablement le yiddish.
    Grand mystère de l’inégalité des aptitudes.

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