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Des regards allemands sur la Shoah

 

Il existait, d’une certaine manière, un véritable tourisme photographique chez les soldats allemands dans les ghettos, et nous devons à leur curiosité un certain nombre de photographies. Ces photographies cependant sont loin d’être de simples cartes postales ; elles se situent entre la photographie de reportage et la photographie de famille. Empreintes d’émotions, elles mettent en évidence différents jeux de regards révélant selon les cas une confrontation, un échange, la volonté d’humiliation, l’hostilité et l’effarement. 

Mais au-delà de cette relation trouble mais flagrante entre soldats dominants et Juifs dominés, un double regard s’établit lié à la contradiction entre les scènes de vie et l’imminence de la mort. Comme pour les photographes juifs, l’ambivalence est donc au cœur des photographies des soldats allemands. (Extrait d’un texte mis en ligne par Mémorial de la Shoah et intitulé ‟Regards sur les ghettos – Des regards ambigus”)

 

Walter Genewein. 

En 1987, environ quatre cents diapositives furent découvertes à Vienne, chez un bouquiniste, avec pour thème le ghetto de Łódź (Litzmannstadt Ghetto). Leur auteur, Walter Genewein, un citoyen autrichien au service des nazis comme chef-comptable, à l’intérieur de ce ghetto même. Il demanda à témoigner de la vie du ghetto, de le montrer comme une compagnie prospère et bien organisée. Cet ensemble d’images a servi de base à Dariusz Jabłoński pour son film ‟Photographer”. La réalité du ghetto telle que la montre Walter Genewein est constamment mise en regard avec une autre réalité, celle qu’a vécue le docteur Arnold Mostowicz.

Ci-joint, un extraordinaire fonds d’images (soit 297 photographies) déposé au Yad Vashem Photo Archive, le ghetto de Łódź. Précisons que les photographies de Walter Genewein ont été prises avec un Movex 12 volé à un Juif du ghetto :

http://collections.yadvashem.org/photosarchive/en-us/6464349-container.html

Ci-joint, un article de The Telegraph publié à l’occasion du décès du docteur Arnold Mostowicz, l’un des rares survivants du ghetto de Łódź.

http://www.telegraph.co.uk/news/obituaries/1384098/Arnold-Mostowicz.html

Ci-joint, un lien en deux parties avec Arnold Mostowicz (en polonais sous-titré en anglais) intitulé ‟Fotoamator / Photographer – 1 of 2 A story about Lodz Ghetto” et ‟Fotoamator / Photographer – 2 of 2 A story about Lodz Ghetto”. Il s’agit de deux extraits du film de Dariusz Jabłoński, ‟Fotoamator” ou ‟Photographer” (durée 52 mn) :

https://www.youtube.com/watch?v=QvUdffAhFH4

https://www.youtube.com/watch?v=fzMPBrNOx4I

Afin d’inscrire les liens ci-dessus dans un contexte précis et une profondeur historique, je joins un lien mis en ligne par Yad Vashem, ‟La singularité du ghetto de Łódź” par le Pr. Israel Gutman :

http://www.yadvashem.org/yv/en/education/languages/french/lesson_plans/ghetto_lodz_gutman.asp

 

Willy Georg.

 Willy Georg, ghetto de Varsovie 1941Une habitante du ghetto de Varsovie, été 1941.

 

Les photographies du soldat de la Wehrmacht Willy Georg sur le ghetto de Varsovie n’ont pas la complaisance de celles de Walter Genewein sur le ghetto de Łódź. Il est vrai que visuellement ces deux ghettos différaient même si leurs occupants étaient tous destinés à l’extermination.

Une sélection de photographies de Willy Georg a été rassemblée dans un livre intitulé ‟In the Warsaw Ghetto: Summer 1941” sous-titré “Photographs by Willy Georg with passages from Warsaw Ghetto Diaries”.

Photographe professionnel, né en 1911 et originaire de Münster, Willy Georg est opérateur-radio dans la Wehrmacht. Basé à Varsovie, il pénètre avec l’autorisation de son supérieur dans le ghetto de la ville au mois de juin 1941 et il y photographie avec une réelle empathie de nombreuses scènes de rue. Appréhendé par la police allemande qui lui confisque son Leica et la pellicule qu’il renferme – photographier les ghettos sans autorisation est alors interdit aux soldats allemands –, Willy Georg parvient néanmoins à dissimuler quatre pellicules. Ce n’est qu’au début des années 1990 que son fils fait don de ces précieux clichés à Rafael F. Scharf qui en publie une sélection dans ‟In the Warsaw Ghetto: Summer 1941” paru en 1995.

Ci-joint un lien mis en ligne par Mémorial de la Shoah, ‟Regards sur les ghettos – Des regards ambigus”. On y trouvera notamment des photographies prises par Willy Georg :

http://regards-ghettos.memorialdelashoah.org/regards/desregardsambigus.html

 

Heinrich Jöst.

J’ai publié sur ce blog l’article intitulé ‟Heinrich Jöst et Willy Georg deux soldats allemands dans le ghetto de Varsovie” :

http://zakhor-online.com/?p=4418

J’ai également publié sur ce blog un article intitulé ‟Joe J. Heydecker, un soldat allemand dans le ghetto de Varsovie. Février – mars 1941” :  

http://zakhor-online.com/?p=2043

 

Hugo Jaeger.

J’évoque Hugo Jaeger dans ‟Carnet 7” publié sur ce blog :

http://zakhor-online.com/?p=5514

Hugo Jaeger fut l’un des photographes personnels d’Adolf Hitler. A ce titre, il peut être rapproché de Heinrich Hoffmann, plus connu en partie parce que c’est dans son atelier, à Munich, qu’Adolf Hitler rencontra son assistante Eva Braun. Hugo Jaeger photographia Adolf Hitler de 1936 à 1945. Alors que la défaite de l’Allemagne approchait, Hugo Jaeger cacha ses photographies. Le lien suivant rend compte de leur histoire et de leur publication dans le magazine Life :

http://life.time.com/history/adolf-hitler-at-50-color-photos-from-a-despots-birthday-april-1939/#1

Les photographies de Hugo Jaeger laissent une étrange impression. Elles sont à mon sens les plus dérangeantes. Celles de Walter Genewein ou de Heinrich Jöst sont claires à leur manière ; l’un montre un ghetto très particulier et qui paraît ‟normal”, celui de Łódź ; l’autre montre l’épuisement et la mort par inanition sur les trottoirs, dans le ghetto de Varsovie.

Hugo Jaeger avait commencé à photographier Adolf Hitler à l’occasion de cérémonies officielles ; il l’avait également photographié dans l’intimité. Il rendit compte de l’invasion de la Pologne en 1939. Puis, à Kutno, dans le ghetto non loin de Łódź, il photographia des Juifs, dont une jeune femme, probablement la plus reproduite de ses photographies. Elle est belle, elle sourit ; on ne peut l’oublier ; elle reste l’une des images les plus présentes (tout au moins dans ma mémoire) de cette période de destructions et de massacres. Il y a comme une relation d’égalité entre le photographe et son modèle, une relation inhabituelle en la circonstance. Le modèle est célébré dans sa vie, dans sa vitalité au point qu’on en vient à oublier les circonstances avant de se reprendre. Mais qu’éprouvaient donc les modèles (en particulier cette jeune femme si belle) devant ce photographe et, surtout, qu’éprouvait ce photographe devant ses modèles ? Ces questions resteront sans réponse. Il ne reste que ces portraits devant lesquels s’interroger sans fin.

 

Heinrich Moepken.

On sait peu de choses au sujet de Heinrich Moepken, un policier allemand en poste en Pologne. Lui sont néanmoins attribués des clichés retrouvés dans un album de trente-deux pages documentant le sort des Juifs de Szydlowiec (une ville située dans le district de Kielce, en Pologne), la vie quotidienne dans le ghetto et sa liquidation en septembre 1942, suivie du pillage par la population locale. Ci-joint, six photographies mises en ligne par Mémorial de la Shoah :

http://regards-ghettos.memorialdelashoah.org/photographes/moepken.html

 

Max Kirnberger.  

 Max Kirnberger, ghetto de Rzeszów 1940Dans le ghetto de Rzeszów, 1940.

 

La notice biographique concernant Max Kirnberger a été établie par Mémorial de la Shoah, dans ‟Regards sur les ghettos” : ‟Né en 1902 en Bavière, Max Kirnberger exerce avant-guerre les fonctions de professeur dans une école pour malentendants à Straubing et il se passionne pour la photographie en amateur. Officier de la Wehrmacht pendant la guerre, il se rend entre 1939 et 1941 à Lublin, Zamosc, Izbica Lubelska et Rzeszow afin d’y prendre à titre personnel, avec son propre appareil, de nombreux clichés en couleurs de la population juive, avant de quitter le front pour raisons médicales en 1942. Max Kirnberger meurt en 1983 et c’est sa fille qui confie au Deutsches Historisches Museum, à Berlin, ses quatre cent quatre-vingt-dix négatifs datant de la période 1937-1941 – parmi lesquels soixante-dix relatifs au ghetto de Lublin.”

Bref rappel historique concernant le ghetto de Lublin. Au début de la Deuxième Guerre mondiale, 200 000 Juifs vivent à Lublin. Les Allemands investissent la ville en septembre 1939. En mars 1941, ils ordonnent la création d’un ghetto dans le quartier juif de la ville (la population juive de Lublin représente alors environ un tiers de la population totale). Dans ce ghetto vivent 34 149 individus. Il est clôturé fin 1941. Dès lors sévissent la famine et les épidémies qui réduisent peu à peu cette population. 1942, les Juifs de Dublin sont les premiers à être envoyés dans les camps d’extermination, notamment à Belzec. Une partie de ceux qui restent sont transférés dans un faubourg industriel de Lublin, Majdan Tatarski, transformé en ghetto, pour y être astreints au travail forcé. Une autre partie est déportée vers le camp de Majdanek (dans la proche banlieue de Lublin).

Je remets en lien ce récapitulatif, le catalogue édité par Mémorial de la Shoah, ‟Regards sur les ghettos” :

http://regards-ghettos.memorialdelashoah.org/regards/desregardsambigus.html

 

Olivier Ypsilantis

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