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Voyage en Iran, avril 2014 – 2/11

 

14 avril. Réveillé par des cris et des chants d’enfants : ma chambre donne sur la cour d’une école. Soudain, une musique s’élève, un air allègre et antique, et les enfants se mettent à chanter. Au petit-déjeuner, BBC World News avec enquête sur la France : on y souligne que les haines anti-juive et anti-israélienne s’expriment toujours plus ouvertement. Lorsque qu’un vieux fond national et ses théoriciens rencontrent le pire de l’islam… Il me semble que la diaspora iranienne ne baigne pas dans ce cloaque. Plus que religieux, le peuple iranien est nationaliste. La religion appuie ce nationalisme, un nationalisme qui n’a pas été concocté par la République islamique d’Iran, un nationalisme qui a des raisons historiques vastes et profondes ; et pour le comprendre, il convient d’étudier scrupuleusement l’histoire de l’Iran. Je tiens par ailleurs ce nationalisme comme un excellent antidote contre la toxine botulique venue de l’islam sunnite et qui trouve son origine en Arabie saoudite. Je l’ai dit et ne crains pas de le redire, Israël et l’Iran doivent parvenir à l’entente et la coopération. Je suis certain que le puissant esprit messianique juif saura agir dans ce sens. Je suis certain que le formidable fonds culturel iranien saura lui aussi agir dans ce sens. La surenchère verbale qu’activent les médias sera oubliée. Bien sûr, il ne s’agit pas de baisser la garde et de s’assoupir dans le lit de la naïveté. Un Israël puissant est un gage de paix. Les ‟Protocoles des sages de Sion” et autres productions de cet acabit n’ont pas prise sur le peuple iranien. Pourquoi ? Parce que l’Iranien ne souffre d’aucun complexe d’infériorité envers le Juif ; le Juif n’est pas l’exutoire à ses frustrations. L’Iranien ne secrète pas ce fiel que secrète l’Arabe, l’Arabe qui se console de sa médiocrité et de son manque de prestige en recyclant des théories et en vociférant des slogans élaborés chez nous, en Europe.

 

Vue de Téhéran

Téhéran avec, au fond, la chaîne de l’Arborz. 

 

Téhéran. Que de banques ! Banques publiques, banques privées. Il y a plus de banques que de mosquées ! Beaucoup de filles en blue jeans. Le foulard (obligatoire) est généralement porté avec décontraction et élégance. Il rehausse des visages finement maquillés — la plupart des Iraniennes se maquillent. Une rue : Nofel Lo Shatu St. (comprendre Neauphle-le-Château), adresse de l’ambassade de France. Dans la perspective de Ferdosi St., de formidables hauteurs enneigées, les monts de l’Alborz. La ville est située à plus de mille mètres au-dessus du niveau de la mer. Il fait chaud et la pollution pèse. La circulation est folle et le ballet des deux roues est presqu’aussi intense qu’à Saigon. Il faut invoquer la protection d’Allah avant de traverser : se jeter dans le flot de la circulation.

Au Musée des Joyaux de la couronne iranienne. A couper le souffle. Il y aurait dans cette pièce souterraine et blindée de quoi acheter la moitié de la planète. J’ai devant moi les pierres les plus précieuses du monde, dont ce gros diamant rose pâle. Face à ces pierres, je pense à la conjonction de la mémoire géologique et humaine, l’une et l’autre inscrites dans la mémoire astrophysique. La mémoire humaine : le travail des artisans tant sur les pierres que les métaux mais aussi les évènements à l’occasion desquels ces joyaux ont été portés. Toutefois, ce qui m’a le plus mis l’eau à la bouche est le rapport de l’ocre roux et du gris argenté d’un tapis accroché dans une vitrine, à l’extérieur de la salle blindée. Et je dois préciser qu’une figurine en bronze du Luristan ou qu’une peinture sur vase de l’Elam m’émeuvent plus durablement que toutes ces pierres.

Beaucoup de mobylettes et de Cg 125 Honda, de fabrication locale. Sur la place Imam Khomeini, le centre de Téhéran. Téhéran n’est pas une belle ville mais c’est une ville bien vivante, jeune et aux regards vifs. Derrière l’Alborz, la Caspienne et les confins du Caucase, Azerbaïdjan et Turkmenistan. L’imagerie liée au culte de la personnalité est limitée, quelques portraits par ailleurs assez discrets de Khomeini et de Khamenei, généralement côte-à-côte. Visite du palais du Golestan. Ci-joint, un riche lien de Iran Review (en anglais) décrit ce vaste complexe au cœur de la capitale iranienne :

http://www.iranreview.org/content/Documents/Golestan_Palace_2.htm

C’est dans ce palais qâjar qu’ont été couronnés Reza Shah Palhavi et son fils Mohammad Reza Shah Palhavi. Une salle de peinture qâdjar. Forte influence occidentale dans le traitement. Certains murs décorés de stuc sur fond bleu pâle m’évoquent le style de Wedgwood, des stucs rehaussés de morceaux de miroirs découpés selon une stricte géométrie, avec effets de symétrie qui se répondent à l’infini. Le dallage en marbre vert écume me donne la sensation de marcher sur de l’eau — marbrée. Des huiles sur toile de Mirza Baba (1795-1830), des peintures qui hésitent vers la troisième dimension — comme de la marqueterie. Des paysages de Kamâl-ol-Molk, des peintures aux tons mats et assourdis, avec un trait souligné qui donne à certaines compositions un air flamand (avec une thématique iranienne). Ci-joint, un lien biographique de La revue de Téhéran sur cet artiste majeur de l’Iran moderne :

http://www.teheran.ir/spip.php?article1605

Des panneaux de mosaïque où le rapport rose pâle / jaune ardent me met l’eau à la bouche. Tous ces raffinements n’invitent qu’au repos ! Tant d’ingéniosité pour goûter la fraîcheur, notamment avec ces Windcatchers. Le cyprès, un emblème de l’Iran partout décliné : stucs, mosaïques, tapis, étoffes imprimées, etc.

La circulation à Téhéran, thème pour une suite photographique. Sur une motocyclette, le père, la mère qui s’agrippe à lui et deux petits garçons assis sur le réservoir et qui dorment tête appuyée sur les bras du père. Les femmes sont vives et plutôt libres dans leurs gestes. Chacune s’arrange avec son hijab. Certaines le repoussent sur leur chignon. Ces foulards sont généralement sans motif, noirs mais aussi rouges, jaunes, verts, etc. Les Iraniennes se maquillent avec un art consommé, le rimmel et le khôl répondent intensément au noir du hijab. Elles se déplacent avec vivacité, rien à voir avec l’Arabe. Je suis raciste, me fera obligeamment remarquer le préposé à l’antiracisme. Je commencerai par lui signaler que mille races cohabitent en Iran et que la couleur du cerveau m’importe autrement plus que la couleur de la peau.

 

Famille iranienne à motoA Téhéran, on circule volontiers ainsi. 

 

Téhéran-Chiraz à bord d’un Airbus A300-600 de la compagnie Mahan Air, la principale compagnie aérienne privée du pays. Dans l’avion, une étrange musique me place dans un état étrange. C’est une musique de variétés iraniennes qui semble drainer des airs très anciens. Je tends l’oreille car j’ai la certitude que ces airs veulent me transmettre un message. La fatigue du voyage aiguise la sensibilité et il suffit parfois d’un rien pour que la fatigue vous mette les larmes aux yeux. Mais que veut donc me transmettre cette étrange musique ?

Peu avant minuit, arrivée à Chiraz, dans la province du Fârs, berceau du peuple perse.    La nuit est délicieusement fraîche et, me semble-t-il, légèrement parfumée. Je feuillette le Iran Daily, du 14 avril 2014. En première page, ce titre : ‟Iran determined to resolve nuclear issue”. Comment le pays va-t-il jouer ?

15 avril. Au petit-déjeuner, lait, tomates, concombres. Les relations hommes-femmes semblent plutôt fluides et, une fois encore, les femmes s’arrangent plutôt librement avec leur foulard. Pourquoi les médias s’emploient-elles à nous montrer ce pays sous un angle résolument négatif ? Que connaissons-nous ce pays ? Nous sommes par ailleurs capables de nouer des alliances atroces avec les Saoudiens et autres États esclavagistes. Par ailleurs, il est temps que je le dise : je préfèrerais accueillir en France dix millions d’Iraniens qu’un million d’Arabes. On me comprendra un jour, dans dix ans, dans cent ans, je m’en moque. L’alliance (plus implicite qu’explicite) avec les Arabo-musulmans représente une chute intellectuelle et spirituelle. Les Saoudiens sont les principaux suppôts du terrorisme international, et par des voies diverses, parfois très indirectes. Leurs capitaux (et ceux des Qataris) nourrissent le terrorisme international ; les Américains ne le savent que trop mais se taisent, par confort…

Mosquée Shâh-e-Cherâgh. Une mosaïque de miroirs ; et les chants, comme du grégorien musulman. Des chœurs se répondent et s’entraînent, rien à voir avec le soliloque guttural saoudien. Quelques gouttes de pluie, on remercie Dieu. Dans la mosquée, ambiance décontractée. On ne nous regarde pas comme des chiens, des Infidèles, des Judéo-croisés et j’en passe. Certains prient, d’autres somnolent, adossés à un mur ou allongés, d’autres encore discutent comme ils le feraient dans un café. On se salue, mains ouvertes ou hochements de têtes. Et toujours ce merveilleux marbre opalin, couleur d’eau brassée. Je le caresse. Je détaille ces surfaces de mosaïques de miroirs sans me rendre compte que des Iraniens m’observent, amusés.

Dégusté une glace de Chiraz dans un recoin d’ombre. Je découvre qu’il s’agit de carottes râpées blanchies (selon un procédé que j’ignore) que l’on choisit de parfumer à l’eau de rose ou au cédrat. L’extraordinaire ingéniosité des architectes iraniens pour capter la fraîcheur. Visite de la mosquée Nasir-ol-Molk, une mosquée qâdjar, la plus délicieusement décadente des mosquées de Chiraz. Dominante bleue, rose et mauve. Les colonnes torsadées de l’Iran ! Je pense aux colonnes du Portugal. Le parfum de la pistache me fait basculer dans le souvenir, dans des nuits athéniennes. L’extrême raffinement de l’architecture iranienne se laisse percevoir lorsque l’on s’efforce de passer de la deuxième dimension (des surfaces décorées qui hypnotisent par effet cinétique) à la troisième dimension et inversement. Jardin de Bagh-e Narajestan puis mosquée Vakil. La forêt de colonnes torsadées. L’Iran, une civilisation de la fraîcheur — construire l’air et l’eau.

 

Vakil Mosque à Shiraz, IranA l’intérieur de la mosquée Vakil (deuxième moitié du XVIIIe siècle), Chiraz. 

(à suivre)

Olivier Ypsilantis

1 thought on “Voyage en Iran, avril 2014 – 2/11”

  1. Bonjour,
    D’abord merci pour votre blog toujours si intéressant. Je voulais juste dire que je partage vos impression sur les iraniens, j’en ai connu plusieurs au cours de ma vie en France et à chaque fois que je leur disais que j’étais juif je voyais un large sourire amical sur leur visage et une grande sympathie à mon endroit. J’étais surpris mais je finissait par comprendre qu’en effet ce peuple n’a aucun complexe d’infériorité et qu’il est bien conscient de son histoire ancestrale et de sa valeur comme le peuple Juif l’est aussi. Les iraniens ne se confondent pas avec l’islam comme peuvent le faire les arabes et autres musulmans non-arabes se prenant pour des arabes comme les maghrébins par exemple. J’ai l’impression que pour beaucoup d’iraniens l’islam n’est qu’un verni déposé sur leur culture pluri-millénaire.

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